AMLO, comme on le surnomme, est loin d’être un outsider en politique mexicaine. Les Mexicains l’ont connu comme maire de la ville de Mexico de 2000 à 2005, puis comme candidat présidentiel sous l’étendard du Parti de la révolution démocratique en 2006 et en 2012.
Annabelle Dias Felix, Le Devoir 28 décembre 2018IDÉES
Alors que l’Amérique latine connaît un véritable virage à droite, le Mexique fait bande à part en élisant, en juillet dernier, un président de gauche : Andrés Manuel López Obrador, sous la bannière du nouveau parti Morena (Mouvement de régénération nationale). AMLO, comme on le surnomme, est loin d’être un outsider en politique mexicaine. Les Mexicains l’ont connu comme maire de la ville de Mexico de 2000 à 2005, puis comme candidat présidentiel sous l’étendard du Parti de la révolution démocratique (PRD) en 2006 et en 2012, qu’il quitte ensuite pour participer à la création de Morena. Son arrivée officielle à la tête de l’exécutif fédéral le 1er décembre dernier signale néanmoins une rupture après le règne d’un siècle du Parti révolutionnaire institutionnel (1929-2000, 2012-2018) et du Parti d’action nationale (2000-2012). Mais quelle rupture, au juste ?
Lors de la présidentielle de 2018, AMLO a présenté son programme « Ensemble, nous ferons l’Histoire », qu’il compte inscrire, comme son nom l’indique, dans l’histoire avec un grand H. Il prétend mettre en place la quatrième transformation du Mexique, après l’Indépendance (1810-1821), la Reforma (1858-1861) et la Révolution (1910-1920), trois événements historiques qui ont en commun d’avoir vu le peuple se soulever avec les armes contre le gouvernement afin de changer le cours de l’Histoire.
Le candidat de Morena considère ainsi que son élection changera l’histoire à travers le vote, le peuple se soulevant contre la mauvaise gouvernance qui règne depuis des décennies, les armes en moins. Plus exactement, le changement qu’il appelle de ses voeux est la mise en place d’un véritable État de droit et d’une « vraie » démocratie, et la libération du pouvoir politique de l’emprise du pouvoir économique.
Corruption et impunité
Sa priorité est de mener une lutte acharnée contre la corruption et l’impunité. Si ses prédécesseurs promettaient aussi de venir à bout de la corruption, sans résultats, AMLO assure que, cette fois-ci, c’est différent. Le 1er décembre doit marquer le « point final » de la corruption et de l’impunité et un nouveau départ pour le Mexique. Il propose en fait une forme d’amnistie pour les actes de corruption posés avant le 1er décembre 2018, mais prône une tolérance zéro dès à présent.
Reste à élucider la question du « comment ». AMLO demeure assez vague quant aux mesures concrètes qu’il entend prendre. L’une des seules mesures avancées est de légiférer sur le statut de la corruption dans la loi afin qu’elle soit désormais considérée comme un délit grave, ce qui impliquerait que les membres du gouvernement, y compris le président, pourraient être jugés pour un tel délit au cours de leur mandat. Bref, leur immunité serait levée.
Inégalités et justice sociale
AMLO entend également réduire les inégalités économiques et garantir plus de justice sociale. Dans cette perspective, il a annoncé une série de programmes sociaux ciblant différents groupes de la société civile. Par exemple : la gratuité scolaire, l’augmentation des prestations de retraite et une pension universelle pour les personnes souffrant d’un handicap.
Il ne s’agit là que d’un échantillon des ambitieux programmes sociaux annoncés, dont la facture promet d’être élevée. Ce qui laisse entière la question de la capacité de payer de l’État. Car il faudra au chef de l’État faire bien davantage que réduire les salaires des membres du gouvernement et vendre l’avion présidentiel, comme il l’a fait après son arrivée au pouvoir.
Violence et insécurité
Autre enjeu et non le moindre, celui de la violence et de l’insécurité, qui n’ont cessé de croître ces dernières années. Selon AMLO, les problèmes de sécurité publique sont liés à la décomposition des corps policiers et à la corruption qui les gangrène.
Sa solution ? Militariser la sécurité publique (processus qui est loin d’être nouveau au Mexique, mais qui s’étend, cette fois-ci, à tout le pays). S’il ne le dit pas dans ces termes, les mesures qu’il annonce y ressemblent fortement : création d’une garde nationale composée de soldats de la marine, de l’armée et de la police fédérale, sous le commandement du ministère de la Défense, et modification de la Constitution pour régulariser la participation des militaires dans la sécurité publique.
Si une nouvelle « transformation » du Mexique peut soulever espoirs et enthousiasme, la tâche est titanesque. Il faut rester prudent et, surtout, garder un oeil sur les décisions du gouvernement et sur leurs conséquences réelles.