Katu Arkonada, Brazil de Fato, 10 juillet 2018
Le 1er juillet, des élections historiques ont eu lieu au Mexique, où un projet avec des racines à gauche dans le nationalisme populaire a remporté les élections. Andres Manuel Lopez Obrador, mieux connu sous ses initiales AMLO, candidat du parti Morena (Mouvement de régénération nationale) et de la coalition Ensemble, a remporté l’élection avec plus de 30 millions de voix, ce qui représente 53% des voix – le plus haut vote qu’un candidat à la présidence a obtenu dans ce pays.
Avec le président, 500 députés, 128 sénateurs et la majorité dans 9 provinces (dont Mexico), la victoire est convaincante. Certes, le vote a traduit l’opposition aux partis traditionnels, le PRI (Partido Revolucionario Institucional), le PAN (Parti d’Action Nationale) et le PRD (Parti Révolutionnaire Démocratique), et qui annonçaient un nouveau cycle de réformes néolibérales. Obrador durant la campagne a promis d’abroger la réforme de l’éducation – qui a entravé les étudiants et les enseignants – et de mener une consultation sur la réforme de l’énergie – qui a privatisé le secteur électrique et pétrolier. Et ces élections ont marqué le retour du Mexique plébéien, de la politique du « premier au pauvre », bien que, paradoxalement, Morena et AMLO aient élargi comme jamais auparavant leur base d’électeurs de classe moyenne et supérieure. Et avec les plus pauvres, les jeunes, et surtout avec la génération Y (les jeunes nés après les années 1980), qui ont paradoxalement choisi le candidat le plus âgé pour les représenter. C’est, en somme, la victoire du populaire contre les élites.
Les enjeux du nouveau gouvernement
Andrés Manuel López Obrador a gagné dans 31 des 32 états de la République (seul Guanajuato a continué de parier sur PAN). Le triomphe de Morena s’est produit dans 5 des 9 états qui ont élu des gouverneurs dans ces élections, y compris le District fédéral de Mexico. Le PRI, qui était jusqu’à récemment le plus grand parti dans le pays a perdu dans l’élection présidentielle dans les 300 circonscriptions électorales.
Andres Manuel Lopez Obrador a déclaré à maintes reprises que la « prochaine transformation du Mexique » s’en vient. Après l’indépendance, la révolution mexicaine (1910-1920) et la réforme de l’Etat (1934-1940) ce serait une nouvelle transformation majeure, cette fois pacifique et démocratique (selon les normes de la démocratie libérale).
Lopez Obrador a affirmé que son gouvernement agira pour la démocratisation institutionnelle, la lutte contre la corruption, la redistribution économique sans affecter les intérêts des grands capitaux, et la défense de la souveraineté nationale sur la scène internationale.
Dans le domaine politique, la priorité est de lutter contre l’insécurité et la violence au Mexique, ce qui a conduit à la militarisation et à la paramilisation d’une grande partie du territoire national, phénomènes liés au trafic de drogue. Des observateurs restent sceptiques par rapport à sa promesse d’éliminer la corruption. La corruption ne disparaîtra pas par la seule volonté du président, aussi honnête soit-il ; et contrairement à ce que dit le prochain président, la corruption est un fait culturel, profondément enraciné dans la société, issu du colonialisme et de la logique capitaliste de la modernité.
Si nous analysons la question économique, les enjeux sont immenses. Il est urgent et nécessaire de redistribuer la richesse dans un pays qui fait partie du G20 [les 20 pays les plus riches du monde], et qui ne croît pas de plus de 2% par an ; où le salaire minimum est de 88 pesos par jour (moins de 5 dollars) ; où quatre Mexicains concentrent la richesse et surpassent le revenu de 50% de la population la plus pauvre; 10% contrôlent plus des deux tiers de la richesse nationale; et 1% accumulent 33% de la richesse mexicaine .
À Date, Obrador a promis de renforcer la souveraineté sur les ressources naturelles et de procéder à l’audit des contrats et des concessions dans le domaine du pétrole. Parallèlement, Obrador a mis en place un plan de soutien pour augmenter les emplois pour les jeunes, qui combine bourses d’études et stages dans les entreprises.
L’autre question clé, et dans laquelle le Mexique devra trouver un équilibre avec le gouvernement des États-Unis et maintenir une relation cordiale avec l’administration Trump est sur le fameux mur entre les États-Unis et le Mexique. Cette question ne peut pas être dissociée de celle des migrants d’Amérique centrale qui traversent le Mexique pour se rendre à la frontière nord, et dont les droits de l’homme sont soumis à des violations et abus constants par la police et les autorités mexicaines.
Et maintenant?
Les expériences latino-américaines des gouvernements progressistes depuis les années 2000 nous laissent plusieurs leçons. L’une des principales choses est que le fait d’accéder au gouvernement ne signifie pas avoir le pouvoir. Dès le premier jour commence une lutte avec le pouvoir économique et médiatique pour la conduite du processus.
López Obrador, qui a fait la campagne la plus pragmatique de ces 12 dernières années, veut entrer dans l’histoire en tant que meilleur président du Mexique. Il est clair que son intention est de gouverner avec les gens.
Peu à peu, les gens reprennent leurs activités quotidiennes en attendant que les gouverneurs remplissent la tâche pour laquelle ils ont été élus. Et c’est là que la figure du parti, qui ne peut être remplacée par l’État, entre en scène. Le nouveau régime ne peut pas coopter les luttes sociales et doit permettre leur réalisation. Il est nécessaire de rompre avec la séquestration néolibérale et technocratique de la politique et l’institutionnalisme étatique.