Les employées des Filles Fattoush à l'œuvre dans la cuisine de l'entreprise - Crédit : Charles Briand

Charline Caro, correspondante

À Montréal, des entreprises d’économie sociale accompagnent les nouvelles arrivantes dans leur insertion sur le marché de l’emploi québécois. À travers des formations professionnalisantes, les participantes accroissent leur employabilité, socialisent et prennent confiance en elles, dans un contexte qui leur est parfois défavorable.

En franchissant la porte de Petites Mains, on est immédiatement accueilli par une atmosphère de travail vivante et chaleureuse. Des personnes de diverses origines s’activent, qu’il s’agisse de tâches culinaires, artisanales, ou administratives. Petites Mains est l’une des entreprises d’insertion sociale montréalaises destinées aux femmes immigrantes, leur offrant des formations rémunérées en restauration, en couture et en administration. Autre acteur clé de l’insertion, Les Filles Fattoush, qui emploie des nouvelles arrivantes syriennes pour son service de prêt-à-manger. Ces initiatives sont nées du constat que le travail est un vecteur d’intégration majeur pour les personnes immigrantes, mais qu’il leur demeure difficile d’accès.

La difficile recherche d’emploi

«Ce n’est pas facile de trouver un emploi immédiatement. Peu importe les qualifications, on se retrouve souvent dans des emplois difficiles comme le nettoyage ou la plonge.» Jeyashri, enseignante de profession au Sri Lanka, a immigré au Canada il y a une dizaine d’années. Comme d’autres nouveaux et nouvelles arrivant·es, elle a été confrontée à de nombreux obstacles pour intégrer le marché du travail québécois.

Adelle Tarzibachi, co-fondatrice des Filles Fattoush

Sur le plan structurel, le manque de reconnaissance des diplômes étrangers est un premier obstacle à la recherche d’emploi. «On accueille des comptables, des architectes, des ingénieures», relate Adelle Tarzibachi, co-fondatrice des Filles Fattoush. Les nouvelles arrivantes qualifiées n’ont pas toujours le goût de «retourner aux études à un certain âge, et veulent juste trouver un emploi.» Malgré des carrières parfois remplies, le manque d’expérience au Québec peut également être un frein pour les employeurs. Les personnes immigrantes peuvent ensuite souffrir d’une méconnaissance des codes du marché du travail local, et d’un manque de contacts.

Jeyashri, une des participantes de l’atelier de couture de Petites Mains – image fournie

Une autre barrière courante est la maîtrise de la langue française, requise dans la plupart des secteurs. Après quelques mois en tant qu’éducatrice de la petite enfance, Jeyashri a dû quitter son emploi, car «la communication en français était devenue indispensable, bien que l’environnement de travail soit anglophone.»

«J’ai remarqué que les femmes ont encore plus de difficultés à trouver un emploi», remarque Adelle Tarzibachi. Pour les nouvelles arrivantes en particulier, certains défis s’additionnent, tels que la nécessité de concilier la vie familiale et professionnelle. La charge liée à d’éventuels enfants nécessite que les «heures de travail soient accommodées», appuie la co-fondatrice des Filles Fattoush.

La recherche d’emploi des femmes immigrantes est ainsi obstruée par des enjeux de natures diverses. Le travail est pourtant un vecteur d’intégration essentiel, puisqu’il amène la socialisation, l’indépendance financière, la francisation ou encore la confiance en soi. Les entreprises d’insertion sociale tentent d’accroître l’employabilité de leurs participantes en vue de favoriser leur adaptation à leur nouveau lieu de vie.

Les entreprises montréalaises d’insertion

Jeyashri a rejoint la fabrique de couture de Petites Mains dans le but de trouver par la suite «un meilleur emploi». L’objectif premier de cette entreprise d’économie sociale est en effet de développer l’employabilité de ses usagères, à travers une formation de six mois à la couture industrielle. Maîtrise des machines à coudre, confection d’articles textiles, contrôle qualité… l’organisme vise à professionnaliser ses participantes. Le tout à travers une réelle entreprise de couture qui répond aux commandes de différents clients. Lors de la visite du Journal des Alternatives, des T-shirts pour les pompiers de Montréal étaient en train d’être confectionnés.

La fabrique de couture de Petites Mains – image fournie par l’organisme

Pour celles qui préfèrent les secteurs de la cuisine et de la restauration, Petites Mains dispose d’un café-traiteur et d’une formation similaire. C’est également le cas des Filles Fattoush, dont l’entreprise de prêt-à-manger emploie et forme de nouvelles arrivantes syriennes à la cuisine professionnelle. «Avoir une expérience dans le domaine, ça aide beaucoup», estime Adelle Tarzibachi.

S’intégrer par le travail

Ces organismes contribuent toutefois à une intégration qui dépasse le seul cadre professionnel. Les usagères de Petites Mains apprécient le côté humain de la formation, qui leur permet de socialiser avec les autres participantes et les employé·es québécois·es. Une opportunité de se faire un réseau amical et professionnel. «C’est la première fois que je rencontre autant de gens différents. C’est très intéressant […] et enrichissant», nous confie Jeyashri.

L’insertion professionnelle est également un moyen d’apprendre la langue française pour celles qui ne la parlaient pas. Petites Mains accueille des cours de francisation du gouvernement, en plus d’être un lieu d’échanges francophones. Jeyashri a appris le français dans le but d’intégrer l’organisme, où elle continue aujourd’hui de le perfectionner. «C’est un endroit parfait pour m’adapter au milieu de travail au Canada tout en améliorant mon français», estime-t-elle.

Chez les Filles Fattoush, les employées syriennes peuvent alterner entre l’arabe et le français, la co-fondatrice et la directrice générale étant respectivement d’origine syrienne et québécoise. Les relations avec la clientèle du prêt-à-manger permettent également aux employées de communiquer dans la langue locale. «Même si elles ne parlent pas à 100 %, elles sont au moins dans un environnement où elles sont obligées de pratiquer», relate Adelle Tarzibachi.

Enfin, avoir une formation et un emploi apporte de la confiance aux nouvelles arrivantes. «Le travail, c’est comme un boost, un espoir», confie la co-fondatrice des Filles Fattoush. «C’est quand même une très grande fierté pour elles» de s’accomplir sur le plan professionnel. Jeyashri confirme cette impression, se sentant «poussée vers le haut» par sa formation à la fabrique de couture, qu’elle estime être un soutien moral très important. «C’est ce dont les femmes immigrantes ont besoin, je pense.»

https://petitesmains.com

https://lesfillesfattoush.com