Yara Hawari, Chronique de Palestine, 28 juin 2020
Dans sa déclaration, la CEDH dit : « Un boycott est avant tout un moyen d’exprimer une protestation. Par conséquent, un appel au boycott, qui vise à communiquer des opinions protestataires tout en appelant à des actions de protestation spécifiques, est en principe couvert par la protection prévue à l’article 10 de la Convention ». Pour les militants eux-mêmes, ce fut sans aucun doute un énorme soulagement après un processus judiciaire aussi long et incertain.
C’est aussi une grande victoire pour le mouvement BDS au milieu des efforts incessants pour le criminaliser et intimider ses militants. Ces efforts ne viennent pas seulement des alliés du régime israélien, mais aussi du ministère israélien des affaires stratégiques, qui a consacré des millions de dollars pour contrer les efforts du BDS et diaboliser le mouvement et ses partisans.
« Cette décision de justice capitale est une victoire décisive pour la liberté d’expression, pour les défenseurs des droits de l’homme et pour le mouvement BDS pour la liberté, la justice et l’égalité des Palestiniens », a déclaré le mouvement.
« Elle confirme une position de l’Union européenne de 2016 défendant le droit d’appeler au BDS contre Israël pour obtenir les droits des Palestiniens en vertu du droit international. C’est un coup juridique majeur porté au régime d’apartheid israélien et à sa législation anti-BDS ».
Le BDS a été créé en 2005 lorsque des centaines d’organisations de la société civile palestinienne se sont réunies et ont lancé un appel au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre l’État d’Israël. L’appel notait que toutes les tentatives d’intervention et de négociations internationales n’avaient pas réussi à forcer Israël à se conformer au droit international et à reconnaître le droit des Palestiniens à l’autodétermination.
Cet appel stire son inspiration du mouvement de boycott contre l’apartheid sud-africain et reconnaît la priorité historique de la solidarité internationale contre de tels régimes.
Il est devenu le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et s’est articulé autour de trois revendications. Premièrement, la fin de l’occupation et de la colonisation des terres occupées en 1967 (y compris les hauteurs du Golan) ; deuxièmement, la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens palestiniens d’Israël à une égalité complète ; et troisièmement, le Droit au retour des réfugiés palestiniens comme le stipule la résolution 194 des Nations unies.
Dans ces trois revendications, le Mouvement BDS a réussi à unir la majorité des Palestiniens sans suivre une plate-forme de parti particulière. En effet, son ancrage dans la société civile a permis au mouvement de rester à la fois populaire et non partisan.
Alors que le Mouvement BDS met également l’accent sur la nécessité des sanctions et du désinvestissement, l’aspect du boycott (économique, culturel et universitaire) a soulevé beaucoup d’attention car c’est la tactique qui a été mise en œuvre avec le plus de succès.
Les mouvements de boycotts ont également été exploités depuis de nombreuses années par d’autres mouvements sociaux, comme tactique de protestation contre l’injustice. Par exemple, le boycott des bus de Montgomery aux États-Unis en 1955-56, lorsque des Noirs américains ont boycotté les bus publics pour protester contre la ségrégation raciale, ainsi que le boycott de la banque Barclays au Royaume-Uni dans les années 1980 pour protester contre son implication dans le régime d’apartheid sud-africain.
Aujourd’hui, le mouvement BDS est sans aucun doute un outil légitime et vital dans la lutte pour les droits des Palestiniens – c’est surtout une méthode efficace de solidarité internationale. Rien qu’en Espagne, plus de 50 conseils ont adopté des motions de soutien au BDS ou aux initiatives du BDS.
Le boycott est une tactique séculaire de désobéissance civile et est profondément ancré dans la longue histoire de la résistance populaire palestinienne, y compris pendant la première Intifada lorsque les Palestiniens ont cherché à résister économiquement au régime israélien.
Parmi ses victoires les plus impressionnantes, on peut citer une campagne réussie qui a poussé la société française de télécommunications « Orange » à quitter le marché israélien en raison de sa complicité avec l’armée israélienne et les colonies illégales, ainsi que le retrait complet de la multinationale française « Veolia » d’Israël.
Le boycott universitaire a également connu un grand succès, de nombreux syndicats d’étudiants dans le monde entier ayant adopté des motions BDS ainsi que de nombreux universitaires éminents refusant de participer à des conférences en Israël, dont le célèbre physicien Stephen Hawking.
L’arrêt de la CEDH est une autre victoire – il envoie un message important aux gouvernements et aux autorités locales d’Europe, à savoir que la criminalisation des tactiques de boycott en tant que forme de protestation est incompatible avec le droit international.
Depuis plus de 72 ans, Israël a refusé aux Palestiniens leurs droits fondamentaux et n’a cessé de violer le droit international. Cette situation s’est poursuivie avec la complicité de gouvernements et de tierces parties du monde entier qui ne parviennent pas à tenir Israël pour responsable de ses crimes et qui contribuent même à l’oppression des Palestiniens par le biais des investissements et du activités commerciales.
C’est pourquoi l’appel du mouvement BDS aux citoyens du monde pour la solidarité avec la lutte et l’action palestiniennes est si important. En effet, aujourd’hui, avec un monde pollué de régimes racistes et fascistes, cet appel à la solidarité internationaliste n’a jamais été aussi important.