Fareed Taamallah, Al Zaeera, 30 mars 2020
La propagation au niveau mondial du coronavirus a nécessité des restrictions de mouvement à travers le monde, y compris en Israël et en Palestine.
En tant qu’État occupant, Israël contrôle toutes les entrées et sorties de la Cisjordanie et de Gaza sous occupation. La semaine dernière, il a bouclé des zones administrées par les Palestiniens sous prétexte de « limiter la propagation » du coronavirus. Bethléem est complètement verrouillée depuis des semaines.
Il est clair pour les Palestiniens qu’Israël profite du Covid-19, exploitant le verrouillage de la Cisjordanie pour accélérer l’annexion des terres palestiniennes, tout en permettant aux colons israéliens d’attaquer des civils palestiniens – ce qui complique encore davantage les efforts palestiniens pour combattre la pandémie.
Restrictions de mouvement
L’armée israélienne utilise le prétexte du coronavirus pour imposer de nouvelles fermetures et restrictions de mouvement aux Palestiniens. Ce devrait être une question de santé publique, et les restrictions devraient s’appliquer également aux Israéliens, car tout le monde peut être infecté. Mais les colons juifs de Cisjordanie occupée, qui vivent à quelques centaines de mètres seulement des communautés palestiniennes sous blocus, ne sont pas confrontés aux mêmes restrictions.
Les Israéliens croient apparemment qu’ils peuvent profiter de la situation actuelle pour mettre en œuvre « l’accord du siècle » américain. L’imposition par Israël de restrictions à la circulation dans les zones palestiniennes semblables à des bantoustans est un avertissement sur la façon dont les choses fonctionneraient si l’accord défendu par le président américain Donald Trump était mis en œuvre.
Pour moi, en tant que Palestinien né et élevé sous l’occupation israélienne, la nouvelle interdiction de circulation rappelle les couvre-feux et le siège imposés par l’occupation israélienne sur les territoires palestiniens, en particulier pendant la deuxième Intifada, sous prétexte de sécurité.
A présent, l’armée israélienne a verrouillé les communautés palestiniennes et transformé nos vies en un insupportable cauchemar, soumis à une répression sévère.
En 2002, dans ma ville natale de Qira, dans le nord de la Cisjordanie, ma fille nouveau-née Lina avait contracté une infection virale qui a provoqué de graves diarrhées et de la fièvre pendant plusieurs jours; mais nous n’avions pas pu l’emmener à l’hôpital ou chez un médecin, un couvre-feu étant imposé.
Un an plus tard, nous avons découvert que cette infection non traitée avait provoqué une insuffisance rénale chronique, et une greffe de rein était nécessaire pour lui sauver la vie. Les restrictions actuelles pourraient également causer de graves problèmes aux Palestiniens souffrant de maladies chroniques, dont ma fille fait partie.
Punition collective
Jusqu’à présent, plus de cas de coronavirus ont été signalés en Israël qu’en Cisjordanie. Plus de 2500 cas ont été enregistrés en Israël, contre moins de 100 dans les territoires palestiniens. Pourtant, malgré la crise sanitaire sans précédent et les mesures d’isolement social généralisées, la police israélienne « a choisi maintenant, à chaque instant, d’intensifier ses abus et ses punitions collectives » contre les Palestiniens de Jérusalem-Est, selon le groupe de défense des droits de l’homme B’Tselem.
Le niveau de violence perpétrée par les colons juifs a simultanément augmenté, des informations faisant état d’une campagne d’attaques contre des bergers et des agriculteurs palestiniens. Dans la région de Bethléem, où les Palestiniens vivent sous stricte quarantaine, les colons ont récemment déraciné des centaines d’arbres appartenant aux Palestiniens.
L’armée israélienne vient également d’autoriser des colons juifs à pénétrer dans un site archéologique du village de Sebastia, dans le nord de la Cisjordanie, malgré la décision de l’Autorité palestinienne de fermer les sites touristiques et d’interdire les rassemblements dans le but de lutter contre l’épidémie.
Entre-temps, Israël a commencé à construire des routes pour les colons près de mon village natal au sud de Naplouse – une tentative claire de définir des bantoustans et des ghettos pour les Palestiniens. Les colons, sous la protection de l’armée d’occupation israélienne, ne manquent pas une occasion de causer plus de souffrances au peuple palestinien, en utilisant divers prétextes et excuses.
À Gaza, qui n’a à ce jour enregistré qu’une poignée de cas de coronavirus, la capacité du système de santé, qui était déjà en crise en raison du blocus imposé par Israël, suscite de sérieuses inquiétudes.
Des prisons insalubres et surpeuplées
Les autorités israéliennes d’occupation ont récemment signalé que quatre prisonniers palestiniens avaient été infectés par le coronavirus dans une prison israélienne, après un contact avec un enquêteur israélien qui avait était contaminé par le Covid-19.
Plus de 5000 Palestiniens, dont des femmes et des enfants, sont actuellement détenus dans des prisons israéliennes, notoirement vieilles, sales, surpeuplées et dépourvues de fournitures d’hygiène de base. Si Israël se soucie de la sécurité des prisonniers, il devrait les libérer.
En 1991, lors de la première Intifada, j’ai été arrêté par l’armée israélienne à l’âge de 17 ans. Les enquêteurs m’ont torturé pendant 39 jours, en utilisant tous les moyens de torture physique et psychologique. J’ai pu constater de visu les conditions d’isolement dans une toute petite cellule sale sans fenêtres. Ma santé avait été totalement négligée.
Les Palestiniens aujourd’hui sont piégés et combattent sur deux fronts : l’un contre la pandémie et l’autre contre la brutale occupation militaire d’Israël.
Pourtant, l’un des résultats positifs du récent verrouillage est qu’il peut attirer l’attention sur les restrictions de mouvement quotidiennes qui sont omniprésentes dans la vie des Palestiniens, mais dont la plupart du monde ne se soucie pas, ou ne sait même pas qu’elles existent.