La rivière Napo dans le parc national Yasuni. Crédit : GRID-Arendal CC BY-NC-SA 2.0 https://www.flickr.com/photos/gridarendal/32051344246

Par Guillermo Amo de Paz et Miguel Urbán. Traduit de l’espagnol sur Vientosur

Les Équatoriennes et Équatoriens vont être amené.e.s à se prononcer le 20 août au sujet de la protection du parc National Yasuní. Si le oui l’emporte, ce joyaux de biodiversité sera protégé contre l’extractivisme pétrolier. Plus généralement, c’est aussi une lutte contre l’extractivisme inhérent à la croissance verte.


Le 20 août prochain se tiendront les élections présidentielles en Équateur, une élection de mi-mandat (2021-2025), convoquée de manière extraordinaire par le président Guillermo Lasso, en proie à diverses affaires de corruption. Outre l’élection de la présidence, de la vice-présidence et de l’assemblée nationale du pays, les Équatoriens sont également appelés à se prononcer par référendum sur l’exploitation pétrolière du gisement ITT (Ishpingo-Tiputini-Tambococha), également connu sous le nom de bloc 43, situé au nord-est du parc national Yasuní, en Amazonie équatorienne, territoire originel des peuples Huaorani (dont certains sont en isolement volontaire) et l’un des endroits où l’indice de biodiversité est le plus élevé de la planète. Pour citer un exemple fourni par le WWF Équateur : sur un hectare du parc national Yasuní, il y a plus d’espèces d’arbres qu’aux États-Unis et au Canada réunis. Il en va de même pour les animaux : on estime que dans un hectare du parc, il y a plus d’espèces animales que dans toute l’Europe. Un îlot de biodiversité au milieu d’un monde en flammes.

La lutte pour la défense des peuples et de l’Amazonie contre l’industrie pétrolière existe depuis longtemps en Équateur. En 2007, l’initiative Yasuní-ITT a été l’un des fers de lance en Amérique latine du conflit entre l’extractivisme et la nécessité de rechercher une véritable transition écologique qui remettrait en cause le modèle de développement capitaliste. L’équipe gouvernementale du président de l’époque, Rafael Correa, a cherché à obtenir l’engagement économique de la communauté internationale pour laisser le pétrole du gisement ITT dans le sol, protégeant ainsi l’Amazonie et ses peuples, et évitant l’émission dans l’atmosphère de millions de tonnes de CO2 provenant de la combustion de ce combustible fossile. L’initiative institutionnelle n’a pas atteint son objectif de compensation financière de l’État équatorien et a été interrompue en 2013, mais la lutte de la société civile organisée n’a pas cessé dans son objectif de protection de l’Amazonie et depuis lors, les mouvements populaires et environnementaux se sont battus pour la tenue d’une consultation populaire afin que le peuple équatorien puisse se prononcer sur le champ pétrolifère d’ITT. Bien que le droit à la consultation populaire soit inscrit dans la Constitution équatorienne de 2008 et que sa convocation ait été soutenue par plus de 757 000 signatures recueillies par les collectifs, les obstacles juridiques déployés par les élites économiques ont retardé la consultation jusqu’en 2023.

Le 20 août prochain, les personnes enregistrées en Équateur pourront répondre par référendum à la question suivante : « Êtes-vous d’accord pour que le gouvernement équatorien maintienne indéfiniment sous terre le pétrole d’ITT, connu sous le nom de bloc 43 ? Une victoire du « oui » signifiera qu’aucune nouvelle plate-forme d’extraction de pétrole ne pourra être ouverte dans le champ ITT (7 nouvelles plates-formes sont prévues) et que les 11 plates-formes existantes seront fermées de manière ordonnée. La campagne pour le « Oui » lancée par les mouvements de base peut être soutenue par le biais du crowdfunding en accédant au lien suivant.

Cette consultation s’inscrit dans un contexte de désordre mondial et de recomposition géopolitique. Les institutions qui ont régi la mondialisation capitaliste au cours des dernières décennies connaissent une crise de régime. De nouveaux et d’anciens acteurs se disputent le leadership politique dans la période à venir, marquée par la crise climatique et l’accroissement des inégalités. Un contexte dans lequel la pandémie ou l’invasion criminelle de l’Ukraine agissent comme des accélérateurs de ces processus : des prétextes pour l’application d’une véritable doctrine du choc par les élites, qui passe par un agenda d’agressivité militaire, commerciale et d’investissement. L’Amérique latine est un territoire contesté, où la pression extractiviste a augmenté de manière exponentielle ces dernières années.

C’est pourquoi cette consultation est si importante, car il ne s’agit pas seulement d’une consultation pour la défense de Yasuní, mais aussi d’une consultation contre l’extractivisme débridé, prédateur de territoires, de droits et d’écosystèmes. En effet, profitant du référendum sur Yasuní, un référendum a également été organisé pour interdire l’exploitation minière dans six paroisses rurales de Quito, qui constituent le Commonwealth Choco Andino. Le Yasuní et le Choco Andino sont un autre reflet du conflit sous-jacent entre le capital et la vie, entre les intérêts privés et les biens communs, entre les marchandises et les droits.

L’industrie vorace du Nord mondial continue d’avoir besoin de ressources et de matières premières qu’elle ne possède pas et qui, dans de nombreux cas, se trouvent sur le territoire latino-américain. En particulier pour mettre en œuvre sa prétendue transition verte. Car pour faire circuler des voitures électriques à Berlin ou à New York, il faut exploiter des mines au Pérou et en Équateur, accroître la pression extractiviste dans le Sud et s’assurer que les intérêts des multinationales opérant en Amérique latine passent avant les droits humains de leurs populations ou la durabilité d’un territoire soumis à de nouvelles pressions.

Une tâche fondamentale en ces temps agités est de créer un mouvement mondial et internationaliste contre l’extractivisme, parce que la planète continuera à tomber de la falaise si nous nous limitons à peindre en vert un système de production, de commerce et de consommation à croissance illimitée, aussi insoutenable pour la planète que pour ceux d’entre nous qui l’habitent. Nous devons renverser la vapeur et nous pouvons commencer par faire un virage à 180 degrés en disant Oui à Yasuní, Oui au Choco andin.

Nous espérons que le 20 août, la défense de la vie l’emportera sur les avantages économiques à court terme des élites et des entreprises. Le parc national Yasuní et le respect du territoire et des peuples qui vivent dans le Choco andin doivent devenir un fer de lance, un exemple qu’il est possible d’arrêter l’extractivisme, dans la recherche qui nous concerne tous, à la fois d’un autre modèle social et économique qui mette au centre le bien vivre des peuples et des majorités sociales, ainsi que la conservation du territoire et de la vie sur la planète. Espérons que le 20 août prochain, le Oui à la vie l’emportera sur les intérêts du capital, car il s’agira non seulement d’une victoire symbolique très importante contre l’extractivisme pour le peuple équatorien, mais aussi parce que le plus important dans les victoires, c’est qu’elles sont contagieuses.