L’ombre des JO de Paris 2024 : une flamme olympique éteinte

Robin Bonneau-Patry, correspondant à alter.quebec et participant à la délégation jeune franco-québécoise à l’UÉMSS 2023

En amont des Jeux olympiques, la ville de Paris s’affaire sur de nombreux chantiers en vue d’accueillir cet évènement sportif colossal. Mais qu’en est-il des nombreux conséquences négatives de ces Jeux pour les classes populaires ? Entre gentrification, contrôle social et environnement sacrifié, les JO de 2024 s’annoncent comme un véritable cauchemar pour des populations déjà marginalisées.


Cet article est tiré de l’atelier «Mobilisation contre les grands projets d’urbanisme et événements (JO 2024, ANRU, surtourisme…) qui chassent les classes populaires» organisé à l’initiative de Droit Au Logement (DAL), avec l’appui de Saccage 2024, Plateforme Logement des mouvements sociaux, Comité DAL, Plaine commune, collectifs et Comités DAL, dans le cadre de l’Université des mouvements sociaux et des solidarités à Bobigny.


Du rêve à la réalité olympique

Le sport a toujours occupé une place centrale dans ma vie. Dès l’enfance, j’ai été captivé par la «magie des Jeux olympiques», les percevant comme le summum de la performance. Pour moi, c’était l’incarnation de la grandeur et de la splendeur humaine, où des individus de tous horizons s’unissaient pour repousser leurs limites.

Cependant, ma vision idéalisée des JO a ensuite été ébranlée par certains événements marquants. D’abord, je me souviens que le scandale de dopage institutionnel en Russie après les Jeux de Sotchi en 20141 m’a particulièrement interpellé, me faisant réaliser que cet idéal de performance était au fond bien illusoire. Puis sont venus les JO de Rio 2016, où ont été exposés au grand jour de multiples scandales : destruction de favelas2, impacts environnementaux énormes et stades abandonnés dès le rideau tombé.3

À moins d’un an des JO de Paris 2024, j’ai eu l’occasion de voir de près les effets négatifs de ces Jeux vendus comme une «opportunité de rayonnement» pour la Ville Lumière. Pourtant, derrière ces promesses se cache une réalité plus sombre, notamment pour les classes populaires de Seine–Saint-Denis. Entre gentrification, contrôle social et écologie sacrifiée, les JO de 2024 s’annoncent comme un véritable cauchemar pour des populations déjà marginalisées. Cette prise de conscience m’a amené à contester la vision idéaliste que j’avais des JO et à m’interroger sérieusement sur la pertinence même de leur existence à notre époque.

L’étau se resserre sur les classes populaires

La ville de Paris procède actuellement à la construction d’un écoquartier fluvial — censé être à la fine pointe de la modernité en matière d’aménagement durable — qui accueillera une partie du Village olympique et paralympique. Or, c’est plutôt une densification extrême et une hausse marquée des inégalités urbaines qui attend les habitant.es de la petite île Saint-Denis où est situé le projet4.

Les promoteurs qui construisent l’écoquartier fluvial le font à une vitesse effrénée en délaissant les logements sociaux qui sont pourtant essentiels dans ce secteur. Malheureusement, la défiguration et de la destruction des quartiers populaires accélérée par les Jeux olympiques ne se limitent pas à l’écoquartier.

Ainsi, de nombreux projets de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans des quartiers comme Saint-Denis, Franc-Moisin et le centre-ville témoignent de la même tendance. Sous prétexte de favoriser une soi-disant «mixité sociale» et une «typologie diversifiée des logements», des logements sociaux sont démolis pour faire place à des résidences plus chères.

Cette stratégie, souvent déployée en parallèle à d’autres projets d’envergure ayant trait aux Jeux olympiques — entraîne une hausse significative des loyers, rendant ces quartiers inaccessibles pour leurs habitant.es historiques. Le stratagème opéré est souvent plus subtil que le simple remplacement des HLM en condos de luxe, mais il n’en est pas moins grotesque : transfert non justifié des charges d’entretien aux locataires ou transformation en «logements de transition» pour les personnes en voie d’accéder à la propriété. Peu importe le prétexte, le résultat des courses est le même : on vire les classes populaires — jugées trop dangereuses — des rares quartiers où le marché immobilier capitaliste s’était encore peu infiltré.

Comble de l’ironie, ces rénovations, bien qu’orchestrées par l’ANRU qui est censée travailler en concertation avec les habitant.es, sont imposées sans aucune possibilité de dialogue ou de contestation. Malgré des obligations légales de relogement, les délais sont si longs que beaucoup de résident.es se trouvent contraint.es de quitter le quartier. Ou encore, même lorsqu’ils se voient offrir un nouveau logement, les options sont souvent complètement incompatibles avec leur réalité quotidienne.

Jeux olympiques : accélérateurs de saccage

Bien que je trouve important de focaliser sur la façon dont les Jeux olympiques aggravent la dégradation des quartiers populaires, il s’agit que d’un seul effet négatif parmi de nombreux autres. En effet, il ne faudrait pas négliger l’empreinte écologique de cette stratégie de démolition-reconstruction, sans parler des impacts environnementaux des JO dans leur ensemble. En outre, on assiste à une expansion de la surveillance policière et militaire et une hausse des violations des droits individuels5. Sur le terrain, cela se traduit par l’installation des caméras de surveillance assistées par intelligence artificielle et la multiplication des interpellations policières dans des quartiers ciblés, au nom du «plan zéro-délinquance JO».6

En somme, l’exemple alarmant de Paris 2024 révèle que les Jeux olympiques agissent comme de véritables «accélérateurs de saccage» socioécologique. Bien que les conséquences néfastes puissent se manifester en l’absence de ces événements sportifs mondiaux, il est indéniable que leur impact est exponentiellement exacerbé dans le sillage olympique. La flamme olympique s’est déjà éteinte pour ceux et celles à qui elle n’a au fond jamais vraiment apporté de lumière. À l’approche des JO de Paris 2024, il est grand temps de rallumer une nouvelle flamme : celle de la justice sociale et de l’urgence climatique.


Pour en apprendre davantage sur les conséquences négatives des JO de Paris et les mobilisations pour y faire face …

  1. Victor Mather et Rebecca R. Ruiz, « Here Are the Key Findings in the Russian Doping Report », The New York Times, 9 décembre 2016, sect. Sports. []
  2. « Destruction des favelas : l’autre visage des Jeux olympiques de Rio », Franceinfo, 18 août 2016. []
  3. « Stades abandonnés, chantiers démesurés, pollution… Paris 2024 va-t-il avoir les mêmes conséquences écologiques que les précédents JO ? », Franceinfo, 22 septembre 2022. []
  4. « L’Île Saint-Denis, un écoquartier pas si éco ! | Non au Saccage 2024 ! », consulté le 7 septembre 2023. []
  5. « NON aux JO 2024 à Paris », consulté le 7 septembre 2023. []
  6. Léna Coulon, « Paris 2024 : la surveillance massive et «intelligente» entérinée pour les Jeux olympiques », Libération, consulté le 7 septembre 2023. []