Collectif Échec à la guerre
Nous publions la version intégrale, non atténuée, de la récente position du Collectif Échec à la guerre. Le Devoir l’a publiée ce matin, avec une certaine atténuation du texte original, justifiée par « un environnement éditorial dont les termes finaux nous reviennent ».
Cette année, l’ONU a choisi pour thème de la Journée internationale de la paix (21 septembre) « Promouvoir une culture de paix ». Entre pays, cela implique minimalement l’exigence du respect du droit international et des droits humains par tous. Depuis un peu plus de deux ans, les postures diamétralement opposées prises par le Canada face à la guerre en Ukraine, puis face à l’assaut génocidaire d’Israël contre Gaza, nous ont révélé à quel point son attachement au droit international et aux droits humains est factice et instrumentalisé.
Condamnations et sanctions contre la Russie
Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, le Canada et tous les pays occidentaux ont instantanément sonné l’alarme. La Russie viole « l’ordre mondial basé sur des règles », cible des infrastructures civiles, crée des millions de réfugié·e·s et des milliers de victimes civiles, annexe illégalement des territoires, etc. Toutes choses vraies, bien sûr… mais un seul côté de la médaille, occultant l’autre, celui de leurs propres responsabilités.
Le Canada a aussi immédiatement mis en branle tout un train de sanctions contre de proches collaborateurs du pouvoir, des « entités » financières de défense et d’énergie et des banques. Il a interdit les exportations pouvant profiter à l’armée russe et celles de services essentiels au fonctionnement des industries pétrolière, gazière et chimique de la Russie, etc. À peine une semaine après le début de la guerre, avec 38 autres États, le Canada a demandé au Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par la Russie en Ukraine. Et deux mois plus tard, le Parlement canadien a adopté une motion condamnant « des actes de génocide contre le peuple ukrainien » !
Mais face à l’horreur sans fin à Gaza, rien de tout ça
Depuis octobre 2023, le blocus total et l’assaut monstrueux d’Israël ont à la fois réduit en ruines la bande de Gaza et plongé toute la population dans des conditions d’errance, de famine, d’insalubrité, d’épuisement et de traumatismes. En se basant sur les chiffres du ministère de la Santé, grandement sous-estimés selon plusieurs experts, on calcule aisément que plus de 3 600 civils ont été tués en moyenne chaque mois à Gaza, contre moins de 400 par mois en Ukraine (selon les chiffres de l’ONU). À Gaza, plus de 1 400 enfants ont été tués en moyenne chaque mois, contre 23 en Ukraine. Où sont les condamnations et les sanctions du Canada à la hauteur de ces crimes ?
À Gaza, selon les grandes organisations internationales, humanitaires et de droits humains, l’échelle des violations du droit et des souffrances infligées aux humains est sans précédent. L’ampleur de la destruction généralisée des infrastructures est sans précédent. La rapidité avec laquelle toute une population a été plongée dans une situation de famine est sans précédent. Jamais une crise n’a vu autant d’agences et de rapporteurs spéciaux des Nations Unies sonner l’alarme. À répétition. Sans compter qu’en août 2024, l’organisation israélienne B’Tselem a publié un rapport intitulé « Bienvenue en enfer : le système pénitentiaire israélien, un réseau de camps de torture ». Où sont les condamnations et les sanctions du Canada à la hauteur de ces crimes ?
Dès le 13 octobre 2023, les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme ont lancé un appel aux États tiers à intervenir d’urgence pour protéger le peuple palestinien contre un génocide. Par la suite, de très nombreux experts internationaux, dont le dernier en lice est Omer Bartov, éminent historien de la Shoah et des génocides du 20e siècle, ont qualifié de génocide les actions israéliennes à Gaza.
De plus, la Cour internationale de Justice (CIJ) a statué, le 26 janvier 2024, qu’il était plausible qu’Israël commette des actes de génocide à Gaza. Le 24 mai, elle a ordonné à Israël de cesser son offensive militaire à Rafah. Le 20 mai, le procureur du TPI, Karim Khan, a demandé des mandats d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité contre le premier ministre et le ministre de la Défense israéliens. Pour toute réponse, Israël a qualifié la CIJ et le procureur du TPI d’antisémites.
Où sont les condamnations et les sanctions du Canada pour s’acquitter de sa responsabilité de prévenir un génocide en vertu de la Convention internationale dont il est signataire à cet égard ?
Instrumentalisation des droits et répression
Face à tout cela, donc, le Canada n’a rien fait de ce qu’il a fait dans le cas de l’Ukraine. Que devrait-on en comprendre ? Simplement, que face aux violations commises par des rivaux stratégiques (Russie, Chine) de l’hégémonie étasunienne, ou face à des pays qui refusent cette hégémonie (Cuba, Iran, Venezuela), le Canada et les autres pays occidentaux — menés en cela par les États-Unis, maître d’œuvre de l’OTAN — montent une propagande, dénoncent et sanctionnent tous azimuts. Alors que face aux violations d’un allié, coupable de pire, on regarde ailleurs, on feint la compassion pour les victimes, on répète des paroles creuses ad nauseam et on ne fait rien.
Pour défendre l’indéfendable, on va même plus loin : on vilipende celles et ceux qui dénoncent sans relâche les crimes d’Israël et la complicité du Canada, en assimilant leur action à de l’antisémitisme, et on les réprime.
Notre devoir d’humanité et notre survie
Les tendances lourdes à l’œuvre au Canada et dans les autres sociétés occidentales sont antinomiques d’une culture de paix. Rhétorique de confrontation avec les pays « menaçant » l’hégémonie occidentale, militarisation et course aux armements accélérées, montée du racisme, de la xénophobie, de l’islamophobie et de l’intolérance au sein de nos sociétés, tout cela gangrène de plus en plus notre commune humanité et nos chances de survie comme espèce, advenant une troisième guerre mondiale vers laquelle on semble vouloir absolument nous mener !
Promouvoir une culture de paix, c’est d’abord et avant tout avoir le courage de s’opposer à ces courants de toutes nos forces. Et cela passe urgemment par la solidarité grandissante avec le peuple de Palestine, la dénonciation du génocide et du soutien inconditionnel de nos gouvernants à Israël.
Jean Baillargeon, Judith Berlyn, Martine Eloy, Raymond Legault, Suzanne Loiselle
Porte-parole du Collectif Échec à la guerre
Toutes et tous à la manifestation du 5 octobre