Roger Rashi – Article traduit en anglais par Alternatives International
Le Forum social des peuples (FSP) de 2014 a réussi quelque chose de très rare au Canada, soit de faire converger les mouvements sociaux d’un bord à l’autre du pays autour d’un objectif précis à l’époque : battre le gouvernement Harper aux élections fédérales de 2015.
Le contexte était très favorable. Au lendemain du Printemps érable, la jeunesse québécoise était encore fortement mobilisée. Le mouvement autochtone « Idle No More » avait ragaillardi la résistance des Premières Nations aux projets de pipelines traversant (et détruisant) leurs territoires ancestraux. Les organisations syndicales appréhendaient les mesures répressives que la réélection d’un Parti conservateur ultra-néolibéral aurait amenées dans son sillage. Le résultat a dépassé les attentes alors que plus de 6 000 personnes venant de partout au Canada ont pris part à ce forum social tenu à Ottawa du 21 au 24 août 2014. Quatorze mois plus tard, Harper était battu aux élections générales. Sans l’ombre d’un doute, le FSP a été l’un des multiples contributeurs à l’échec des conservateurs.
Disons-le, l’initiative du FSP est venue d’Alternatives qui s’est appuyée sur son expérience avec les forums sociaux pour former le premier noyau organisateur. L’idée s’est alors propagée à Ottawa et à Toronto, dans l’Ouest jusqu’à Vancouver et dans l’Est jusqu’à Halifax. Le soutien des centrales syndicales du Québec a représenté un atout énorme : la FTQ, la CSN et la CSQ ont ouvert la porte à une participation des grands syndicats pancanadiens comme le SCFP, UNIFOR et l’AFPC. Cette présence syndicale a donné une armature organisationnelle solide.
Quelle est la pertinence aujourd’hui de cet événement tenu il y a plus de dix ans ? Nous faisons face à des défis autrement plus dramatiques qu’en 2014 : la crise du néolibéralisme s’est mutée en une polycrise où s’entrechoquent les dimensions écologique, sociale, géostratégique et politique. Les inégalités sociales en croissance vertigineuse se combinent aux multiples guerres, parfois génocidaires comme à Gaza, ainsi qu’aux catastrophes climatiques toujours plus graves, pour créer un sentiment d’insécurité et un réel pourrissement politique. En témoigne l’essor de l’extrême droite avec son cortège de xénophobie, de racisme, de haines et de phobies multiples. Et celle-ci est littéralement à nos portes avec un Trump 2.0 belliqueux au sud et un Poilièvre presque triomphant à Ottawa.
Plus que jamais, il nous faut unir les mouvements sociaux contre le néolibéralisme et l’extrême droite ascendante. Que le succès du FSP 2014 nous serve d’inspiration.
Roger Rashi est un militant social et politique, membre fondateur de Québec solidaire et membre du comité de coordination du Réseau intersyndical. Il a coordonné les campagnes chez Alternatives de 2010 à 2018.