Massi Belaïd, correspondant en stage
Différentes interprétations sur l’horreur qui se déroule à Gaza ont cours dans les discours médiatiques depuis le 7 octobre 2023. C’est en vue de proposer une analyse équilibrée de la situation que Rachad Antonius a écrit son livre La conquête de la Palestine qu’il vient de publier. Il en témoignait tout autant lors de sa conférence organisée par l’UPop le 14 octobre dernier, apportant une nécessaire perspective historique, une semaine après le triste anniversaire.
D’entrée de jeu, M. Antonius précise qu’il ne présentera pas l’histoire de la Palestine, mais bien celle de la mainmise graduelle du mouvement sioniste sur les terres palestiniennes. Pour le conférencier, cette perspective se déploie dans une analyse statistique, légale et factuelle. Elle met de l’avant l’histoire d’un objectif colonial initié, non pas le 7 octobre 2023, mais il y a de cela plus de 100 ans.
Une mainmise graduelle sur cent ans
Tandis que la Palestine n’était qu’une province de l’Empire ottoman, en Europe du 20e siècle, la volonté d’émancipation du peuple juif se heurte à un violent antisémitisme. L’idée d’une population juive comme une « race sémitique » distincte sur le continent a rapidement pris forme. Cette construction sociale a débouché sur un État-nation sioniste, présenté comme l’unique moyen de protection face à l’intense antisémitisme européen.
Cette élaboration de la « race sioniste » conduit au second facteur structurant que le conférencier nomme le « Grand récit sioniste ». Il s’agit d’un mythe de plus en plus ancré dans l’imaginaire européen, et dorénavant occidental. Il se développe autour d’une seule racine commune entre la descendance juive et palestinienne, qui amène faussement à prétendre légitime l’importation de tout le peuple juif vers ses « terres d’origine ».
Malgré la démonstration par de rigoureuses analyses statistiques des phénotypes des peuples juifs et de solides sources historiques décrédibilisant largement ce récit, celui-ci persiste. Il demeure un argument clé de légitimation du projet de mainmise. C’est en suivant cette approche coloniale face à l’antisémitisme que naquit le projet d’installer le peuple juif dans des terres non européennes. Le principe de « terre d’Israël » oriente alors l’action collective européenne vers un seul et même objectif : la conquête des terres palestiniennes.
L’Occident complice
On voit entre autres à travers la Déclaration Balfour ou bien le Mandat britannique au Moyen-Orient dans les premières décennies du siècle dernier la validation de cette pensée. Cette logique coloniale n’est pas l’affaire que des peuples « juif » et palestinien, mais est avant tout un projet initié autour d’un problème du Nord auquel on imposa une solution dans le Sud global.
On voit d’ailleurs des échos de cette logique de pensée se ratifier encore de nos jours. On le constate de façon frappante à travers les mots du président français Emmanuel Macron, qui réaffirme explicitement que « Netanyahou ne devait pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU ».
En effet, ce projet de mainmise évolua et implanta de plus en plus la prise de contrôle des terres palestiniennes par l’État israélien. Ainsi, l’ONU a participé en grande partie à l’installation des premières colonies israéliennes sur ces terres et a centralisé la gouvernance entre les mains des autorités sionistes. Bien que M. Antonius ne s’attarde pas sur les motifs et intérêts des principaux pays occidentaux dans cette mainmise, il met de l’avant leur participation active dans le projet d’établir Israël, sous couvert de processus de paix, comme ce fut le cas lors des accords d’Oslo en 1993.
Retracer un fil conducteur
La perspective de Rachad Antonius permet de retracer un fil conducteur se détachant, mais permettant tout de même d’expliciter l’entièreté du « conflit » israélo-palestinien; celui d’un prolongement de la mainmise graduelle des terres palestiniennes depuis plus de 100 ans, pas seulement par Israël, mais aussi par l’Occident. En donnant la parole à Rachad Antonius, Upop permet de faire entendre une voix qu’on peine à distinguer dans la masse médiatique. Ses ouvrages : La conquête de la Palestine, De Balfour à Gaza, une guerre de Cent Ans aux Éditions Lux sont essentielles pour la compréhension de cette période névralgique de la crise de Gaza.