Les rebelles entrent dans la ville de Bukavu - Photo par Caritas Bukavu
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Une entrevue avec Damas, le chef d’antenne de l’ONG congolaise par Charlie Wittendal, correspondant en stage au journal et chargé de communication pour le FSMI.

Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les violences sexuelles sont utilisées comme armes de guerre, dévastant des communautés entières. Dans ce conflit reconnu comme le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, avec plus de six millions de morts, des millions de déplacés et plus d’un million de femmes victimes de violences, celles-ci et leurs filles sont particulièrement vulnérables.

Un conflit aux racines profondes

Si ce conflit est complexe et multifactoriel, marqué par le génocide rwandais de 1994, des tensions ethniques et l’implication d’une multitude de groupes armés, l’économie de guerre s’est transformée en économie de prédation des ressources naturelles.

Le chercheur et spécialiste en conflits armés, Nicolas Hubert, a expliqué que les groupes armés et les forces régulières contrôlent l’exploitation minière dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, y compris la province de l’Ituri, riches en ressources naturelles. Ces « minerais de sang » qui y sont extraits circulent avec des chaînes d’approvisionnement internationales impliquant de grandes entreprises comme Apple et Google. Les minerais extraits illégalement sont exportés vers des marchés internationaux sous des étiquettes trompeuses avec des impacts sociaux et économiques dévastateurs pour les populations locales.

Actualités dans la région du Nord-Kivu

Depuis janvier 2025, les combats se sont intensifiés dans les provinces du Nord et Sud-Kivu opposant les forces Gouvernementales de la RDC et les rebelles du M23. Le M23 a pris la ville de Goma, capitale du nord Kivu, entre le 24 et le 27 janvier, suivi par la ville voisine de Bukavu, province du Sud Kivu, le 16 février. Des combats causant des déplacements massifs de civils, des meurtres et des violences sexuelles. Simplement au cours de la semaine du 27 janvier au 2 février 2025, l’Unicef remarque que le nombre de victimes de viol accueillies au sein des 42 structures de santé a quintuplé, dont parmi elles, 30 % étaient des enfants. Entre le 26 janvier et le 7 février, L’ONU estime près de 3 000 personnes tuées et 2 900 blessées. Face à ces violences des rebelles, il est urgent d’agir.

Des personnes déplacées installent leur camp dans la banlieue de Goma @MONUSCO, CC BY-SA 2.0

Damas est le chef d’antenne de Caritas Bukavu depuis 2018, une ONG humanitaire qui œuvre dans cette région. Il témoigne de cette réalité. « On ne sait plus sur quel pied danser. Nous sommes enfermé.es dans nos maisons, muselé.es, incapables de travailler », confie-t-il. Les activités humanitaires sont paralysées, les autorités ont fui et les membres de la société civile doivent se cacher pour survivre. « Nous plaidons pour la démocratie, la liberté d’expression, mais même notre sécurité est en danger. »

Caritas Bukavu

Caritas Bukavu s’engage pour la paix et la défense des droits humains en soutenant les survivantes de violences sexuelles, en assistant les personnes déplacées et en menant des actions de cohésion sociale et de plaidoyer local. L’organisation sensibilise sur l’égalité des genres, l’éducation pour les enfants et la protection de l’environnement, tout en répondant aux urgences avec des distributions de vivres et une aide financière.

Grâce à des partenariats tels que la Caritas Espagne, la Caritas Belgique ou le fonds de Nations Unies pour la Démocratie, elle renforce l’autonomisation des femmes et leur participation à des instances décisionnelles. Elle procure des programmes de mentorat, la création d’activités génératrices de revenus, et une assistance psychosociale et socio-économique pour les survivantes.

L’équipe de Caritas Bukavu en RDC, tiré du site de Caritas Bukavu

Violences faites aux femmes comme arme de guerre

Les femmes sont particulièrement vulnérables dans les régions de conflit. Le viol est utilisé comme arme de guerre : certaines sont agressées devant leurs familles, qui sont ensuite massacrées. D’autres sont capturées en fuyant, violées, mutilées, et abandonnées. Ces violences servent à semer la terreur : elles facilitent la prise de contrôle des territoires, provoquent des déplacements massifs et détruisent le tissu social. Les victimes contractent des infections, sans accès aux soins, leurs maisons sont détruites, leurs biens pillés. Damas raconte : « C’est plus que la guerre. Ils retirent les organes, laissent les survivantes traumatisées, sans aucun soutien ». La réparation judiciaire est inexistante, les bourreaux ont été libérés en cascade pendant la guerre : toutes les prisons sont vides et d’autres incendiées par les rebelles et les forces gouvernementales.

Pourtant, face à cette horreur, des initiatives existent. Le Dr Mukwege et son hôpital offrent des soins médicaux, psychologiques, et un soutien juridique aux survivantes. Caritas Bukavu organise des centres d’écoute, distribue des biens essentiels, et propose des programmes de réinsertion. Ces efforts se font en coordination avec des agences comme l’UNICEF et l’OMS, malgré les risques.

Responsabilité internationale

Ce conflit est aussi une responsabilité internationale : l’exploitation illégale des ressources congolaises finance ces atrocités, au bénéfice de multinationales occidentales et asiatiques. Il est impératif d’interpeller les gouvernements et les entreprises pour qu’ils cessent de soutenir, directement ou indirectement, ce cycle de violence. Les groupes humanitaires appellent le Conseil des droits de l’homme et le Conseil de sécurité de l’ONU à ouvrir un couloir humanitaire sûr, malgré l’entrave des groupes armés. Ils exigent que les responsables des violences soient jugés, que l’exploitation illégale des ressources cesse, et que les populations reçoivent une protection immédiate. Il est urgent d’agir pour soulager les souffrances des victimes de ce conflit.

L’ONG Caritas Bukavu est inscrite comme entité au Forum social mondial des intersections et compte organiser une activité.