Communiqué de la mission
7 décembre 2021 – La mission de vérification des droits humains Québec-Canada-Colombie a été présente en Colombie du 25 novembre au 7 décembre 2021, à l’invitation de la société civile colombienne. L’objectif de la mission était de recueillir des témoignages et de vérifier les allégations de violations graves des droits humains rapportées dans la foulée de la grève nationale qui a secoué le pays de la fin avril au début septembre 2021.
La mission s’est également penchée sur des allégations de violation de droits dans le contexte des échanges commerciaux et d’investissements canadiens en Colombie. Ces derniers contiennent des engagements internationaux et nationaux en matière de protection des droits humains, incluant des questions environnementales importantes. Une fois de retour au Québec, la mission s’engage à rédiger un rapport qui, d’une part, détaillera les observations de terrain de la mission, et présentera, d’autre part, l’ensemble de ses conclusions et recommandations. La mission s’engage également à rendre public son rapport au sein des instances canadiennes ou internationales concernées.
La mission canadienne-québécoise a effectué une tournée du pays avec pour thème « Vivos se los llevaron, Vivos los Queremos » (Vivants ils ont été pris, vivants nous les voulons). Elle a entendu des témoignages troublants au cours des rencontres qu’elle a tenues avec de nombreuses organisations et associations au sein des départements suivants : Cundinamarca, Antioquia, Valle del Cauca, Cauca y Huila. Des collectifs citoyens, des institutions scolaires, des associations sociales, des victimes directes et des personnes proches de celles-ci ont soumis des cas à la mission. Ces cas mettaient en lumière l’importance et l’étendue des séquelles causées par la répression exercée pendant et après la grève nationale sur l’ensemble du territoire colombien.
La participation citoyenne à cette mission a dépassé nos attentes, tant en ce qui concerne le nombre de participants que la diversité des témoignages qui nous permettront d’analyser de plus près la situation et donner suite au processus des organisations du Canada et de la Colombie au cours des prochains mois. Déjà, nous notons quelques graves atteintes aux droits fondamentaux dans certaines régions de la Colombie. Lors de nos visites et audiences, nous avons pu constater un modèle d’intervention systématique, répressif et très inquiétant pour l’avenir.
Nous avons noté, en particulier, un profilage systématique des leaders sociaux et syndicaux, avec de lourdes conséquences pour les victimes, leurs familles et les communautés. Plusieurs des personnes qui critiquent les politiques et les actions de l’État se font stigmatiser, harceler, déplacer, enlever, criminaliser et même tuer. Même des personnes n’ayant pas participé aux différentes manifestations sociales sont touchées, les jeunes en particulier et plusieurs victimes de la diversité sexuelle et de genre. De plus, des leaders et des membres de communautés autochtones ont souligné avoir été attaqués par des civils armés durant la grève, parfois même appuyés par la police. Ces acteurs ont rapporté avoir été témoin de violence similaire perpétrée à l’encontre des communautés afro-colombiennes dans le contexte de la défense de leur territoire.
La majorité des personnes consultées ont mentionné avoir participé à des tables de consultation avec différents paliers et institutions du gouvernement, le tout sans succès. Ces consultations n’aboutissent pas ou, pire, ces tables de consultation sont des façons d’identifier des leaders sociaux pour ensuite s’en prendre à eux. Nous avons noté des cas de criminalisation mensongère de ces leaders. De plus, nous avons constaté un discours qui cherche à banaliser les violences mentionnées ci-dessus. Nous avons visité plusieurs communautés directement affectées par les nombreuses activités de compagnies minières et hydroélectriques enregistrées au Canada et soutenues, dans plusieurs cas, par les investissements canadiens. Déplacements forcés, atteintes à la santé, à la mobilité, fracture du tissu social, militarisation du territoire, criminalisation et assassinats de défenseurs et défenseuse sociaux-environnementaux font partie des impacts rapportés à la Commission.
Les disparitions forcées sont évidemment importantes. Elles sont pourtant peu touchées par les rapports officiels en Colombie jusqu’à maintenant. Nous avons constaté qu’il existe une sous estimation de cas de disparitions, particulièrement lors de la grève générale. Plusieurs organismes établissent le nombre de 300 disparitions, voire plus, plutôt que la centaine reconnue par l’État.
Tout ce que nous avons entendu et observé nous préoccupe profondément quant à la situation générale des droits humains en Colombie, situation qui continue de se détériorer. Nous formulerons donc des recommandations urgentes dans le cadre de notre rapport à venir. Nous en profitons pour remercier l’ensemble des associations et organisations que nous avons rencontrées ainsi que les membres de Retorno y Vida qui nous ont accompagnés dans cette mission.
Le 7 décembre 2021