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Claire Comeliau, correspondante en stage 

Alors que le régime de Nayib Bukele intensifie la répression contre les mouvements sociaux, le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) a organisé, le 29 septembre dernier, une rencontre pour alerter sur la situation alarmante des droits humains au Salvador. Un système autoritaire comme réponse à des souffrances n’est pas une solution durable. 

Au Salvador, le travail des syndicats est fortement entravé par la politique de Bukele qui multiplie les attaques contre l’État de droit et les mouvements sociaux. Cette répression politique entraîne un exode massif de journalistes et de membres de la société civile vers d’autres pays ainsi que l’exil d’organisations et la fermeture d’ONG… Celles et ceux qui n’ont pas eu l’occasion de fuir terminent souvent derrière les barreaux : près de 1,7 % de la population salvadorienne s’y trouve, plaçant le pays au premier rang mondial en matière de taux d’incarcération.

Souvent emprisonnées sans raison et dans des conditions calamiteuses, de nombreuses personnes innocentes — dont des directions syndicales — sont victimes de ce régime d’exception. Il enferme celles et ceux qui osent exprimer leur désaccord avec la politique gouvernementale. Face à l’intensification de mesures misanthropes, une résistance se constitue et la lutte populaire se consolide.

Militarisation et régime d’exception

Depuis trois ans, dans un contexte de militarisation, un régime d’exception s’est mis en place et les violations des droits humains s’intensifient. Le 31 juillet dernier, le dirigeant salvadorien a modifié la Constitution et aboli la limite du nombre de mandats présidentiels, ce qui lui permet ainsi de se représenter indéfiniment. Il a également supprimé le second tour de scrutin et prolongé le temps de mandat de 5 à 6 ans : en bref, tout d’un despote.

Nayib Bukele, président du Salvador, se considère comme « le dictateur le plus cool du monde »

Le décomplexé Nayib Bukele, qui se revendique lui-même comme « le dictateur le plus cool du monde », a transformé le Salvador en un véritable laboratoire d’externalisation de l’immigration illégale pour Trump. La somme reçue pour chaque emprisonnement provenant des États-Unis transforme sa capacité carcérale en ressource économique. Le commerce de la détention prend forme et le pays tire avantage de ses établissements pénitentiaires.

Des coupes budgétaires à discrétion

L’économie stagnante du pays s’explique par un faible niveau d’investissement public. La dette du pays et sa notation de crédit en catégorie C, dite « triple risque », font baisser les investissements étrangers sur lesquels s’appuyait le gouvernement. De multiples secteurs subissent des coupes budgétaires aux conséquences sociales considérables.

Dans le secteur agricole, ces réductions entraînent une baisse de la production alimentaire et, par conséquent, une augmentation des importations de denrées, provoquant une forte inflation du coût de la vie. Marisela Ramirez, responsable des relations internationales pour le Bloc de Résistance et de Rébellion populaire, explique que les revenus de la population, déjà très faibles, ne suivent pas.

On observe en 2025 ainsi une hausse de 8 % du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté par rapport à l’année dernière. Le salaire minimum s’élève à 3 000 SVC (470 $ US) par mois lorsque le coût de la vie dépasse les 3 700 SVC (600 $ US). Dans le même temps, les coûts du logement et de leur construction explosent, rendant les chances d’accès à une habitation digne quasi chimériques.

La crise se fait aussi sentir dans le domaine de l’éducation : on observe une baisse significative du nombre d’enfants inscrits à l’école. L’accès à une éducation publique, gratuite et de qualité se raréfie.

Concernant la santé, les fermetures d’hôpitaux et des licenciements massifs rendent la situation tout aussi déplorable. En conséquence, la mortalité maternelle augmente et les droits sexuels et reproductifs reculent.

Le mirage sécuritaire salvadorien

Les prochaines élections auront lieu en 2027 et Bukele reste très populaire dans l’opinion publique. Il fut élu en février 2024 avec 85 % des suffrages, chiffres confirmés par l’Institut CID-Gallup. Cela s’explique par la guerre qu’il mène contre les gangs armés dans le pays. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2019, le Salvador était l’un des pays les plus violents au monde et les maras (les gangs) contrôlaient des quartiers entiers. Selon la Banque Mondiale, on y enregistrait près de 103 homicides pour 100 000 personnes en 2015, soit un record mondial. Depuis 2022, le taux est tombé à moins de 2 pour 100 000 personnes.

Traumatisée par la violence, la population salvadorienne affirme vivre sans peur pour la première fois depuis des décennies. Peu importe si cela s’accompagne d’arrestations arbitraires ou de violations des droits humains : pour une majorité, le sentiment d’ordre et de sécurité prime. Mais en s’habituant à vivre sans droits tant qu’elle est en sécurité, la population salvadorienne subit une aliénation morale et juridique et intériorise cette répression.

Solidarité internationale

Personne ne devrait avoir à choisir entre sécurité et droits fondamentaux. Intérioriser un modèle autoritaire comme solution à des souffrances n’est pas une issue durable. C’est pourquoi les rencontres comme celle organisée par le Centre international de solidarité ouvrière doivent renforcer les solidarités internationales au nom des libertés fondamentales. Elles visent aussi à redonner de l’espoir au peuple salvadorien, qui ne doit pas accepter ces violations des droits humains ni cette politique arbitraire.

Quant aux blocs de résistance et aux syndicats, ils continuent légitimement la lutte pour les droits du peuple contre un dirigeant populiste, assoiffé de pouvoir, qui exploite la détresse de sa population pour consolider son autorité. La population salvadorienne mérite notre soutien inébranlable.

Rappel de l’événement en ligne
La situation des droits humains à El Salvador 
29 septembre 2025
Groupes salvadoriens présents

  • Bloc de Résistance et de Rébellion Populaire qui compte quelques 80 organismes dont le Centre Mgr Romero qui sera également présent,
  • Front Social et Syndical Salvadorien,
  • Mouvement Critique Universitaire,
  • Front Étudiant Salvadorien (de l’Université du El Salvador),
  • Syndicat de l’Institut Salvadorien du Bien-Être des Enseignants
  • Un écologiste de Santa Marta.