Photos prises dans le Centre pénitentiaire de Palmira en Colombie. On peut y reconnaître, outre les prisonniers, Laura Guerrero de Memoria Viva Colombia, la deuxième partant de la gauche, ainsi qu'Isabel Cortéz, la 2e partant de la droite. La personne en fauteuil est Yidwar Mondragón. assassiné le 26 juin dernier. @ Crédit photo Isabel Cortés
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Isabel Cortés, collaboratrice

L’indignation et l’urgence résonnent des rues de la Colombie jusqu’aux tribunes internationales. Le Comité de solidarité Canada-Colombie (CSCC), en collaboration avec des organisations alliées, dont le Journal des Alternatives, a lancé un appel international pour dénoncer les violations persistantes des droits humains des personnes judiciarisées durant le soulèvement national de 2019-2021. Ce mouvement social, un cri collectif contre les inégalités et l’exclusion, a laissé des cicatrices profondes : arrestations arbitraires, blessures oculaires, agressions sexuelles, assassinats par les forces de l’ordre, persécutions systématiques et, tragiquement, l’assassinat de celles et ceux qui, après des processus judiciaires, retrouvent leur liberté. On trouvera le fichier de l’appel en cliquant ici.

Un cri de résistance : le soulèvement national de 2019-2021

Le soulèvement national, amorcé en novembre 2019 et prolongé jusqu’en 2021, a marqué un tournant dans l’histoire récente de la Colombie. Des milliers de personnes, surtout des jeunes issus de communautés marginalisées, sont descendues dans la rue pour exiger des changements structurels face à la pauvreté, au chômage et à l’abandon de l’État. Cependant, la réponse de l’État, sous le gouvernement d’Iván Duque, a été une répression démesurée, avec des arrestations massives, de la violence policière et une criminalisation de la contestation sociale.

Crédit photo – Colectivo de prisioneros politicos Jhonatan Sabogal.

Le 22 mai 2025, l’Audience publique intitulée «Garanties et droits humains des personnes judiciarisées dans le cadre de la contestation sociale» a réuni plus de 60 participantes et participants, incluant des personnes touchées, leurs proches et des organisations de défense des droits humains. Organisée par la Commission accidentelle du Congrès de la République pour la vérification des garanties et des droits humains, cette audience a mis en lumière des témoignages bouleversants. David Bernal, une personne incarcérée au centre pénitentiaire de Palmira, a dénoncé l’inaction du gouvernement.

«Je m’adresse à quiconque peut transmettre ce message au président de la République, Gustavo Petro, et à ses différents ministères. Le 19 juillet 2023, une table de dialogue et de contribution à la paix a été signée avec les personnes incarcérées du soulèvement national à la prison de Palmira, en présence du Haut-Commissaire à la paix, du ministère de l’Intérieur, du ministère de l’Égalité et du ministère de la Justice, pour ouvrir des ponts de dialogue et signifier les personnes touchées. Mais on se retrouve avec un gouvernement qui tergiverse, qui prend peu au sérieux les personnes judiciarisées du soulèvement national et, encore plus, celles et ceux qui ont été victimes de cet épisode qui a transformé la rage et la douleur en un pari pour le changement.»

Yidwar Mondragón : victime d’un schéma d’assassinats systématiques

Le 26 juin 2025, l’assassinat de Yidwar Mondragón Paredes, porte-parole du Collectif Jhonatan Sabogal et signataire de l’Accord de paix de 2016, a secoué la communauté nationale et internationale. Mondragón, une personne en situation de handicap qui se déplaçait en fauteuil roulant, avait été judiciarisé dans le cadre du soulèvement national de 2019-2021.

Arrêté le 24 mai 2021, Mondragón est resté privé de liberté pendant trois ans et un mois, sans que le ministère public puisse prouver sa culpabilité. Durant son incarcération, il a été revictimisé en raison de l’absence d’installations adaptées dans le centre pénitentiaire, qui ne garantissaient pas son bien-être minimal en tant que personne en situation de handicap.
Libéré en juin 2024 pour expiration des délais judiciaires, Mondragón a demandé des mesures de protection à l’Unité nationale de protection (UNP) le 2 juillet 2024 en raison de graves menaces et de harcèlement, sans obtenir de réponse. Son assassinat, le neuvième d’un ex-prisonnier politique du soulèvement national de 2021, s’ajoute à celui de Niver Andrés Vallejo Angulo, survenu le 24 mai 2025, mettant en évidence un schéma systématique de violence contre ce groupe. Dans une entrevue après sa libération, Mondragón a déclaré :

«Lors de la réunion sur l’urgence d’une Commission d’éclaircissement, nous avons insisté sur la nécessité d’enquêter sur ces assassinats et d’établir des protocoles de sécurité pour celles et ceux qui retrouvent leur liberté, comme c’est mon cas. C’est un point essentiel de la Table du soulèvement : une contribution à la paix et à la justice sociale.»

La Commission accidentelle, appuyée par des membres du Congrès du Pacte historique et de Comunes, insiste sur la nécessité de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles l’Unité nationale de protection (UNP) n’a pas accordé de mesures de sécurité à Yidwar Mondragón, malgré sa demande officielle en juillet 2024.

Progrès insuffisants et appel international

La Commission de la vérité du soulèvement, annoncée par Petro le 10 mai 2024, demeure lettre morte, ce qui alimente le scepticisme quant à la volonté politique du gouvernement d’aborder cette crise qui touche de manière disproportionnée les communautés marginalisées.

C’est dans ce contexte que l’appel du Comité de solidarité Canada-Colombie présente cinq demandes clés :

1. Relance de la Table du soulèvement : Garantir la poursuite de la table de dialogue de 2023 pour obtenir la libération et l’absolution des personnes judiciarisées.

2. Sanctions ciblées : Exhorter les gouvernements alliés, comme l’Union européenne, à imposer des restrictions diplomatiques aux responsables de la répression, notamment l’ex-président Iván Duque Márquez, sous le mandat duquel une réponse étatique démesurée et systématique a été déployée contre le soulèvement national; l’ex-procureur général Francisco Barbosa Delgado, pour son rôle dans la judiciarisation massive et la stigmatisation des manifestantes et manifestants; et le général Eduardo Enrique Zapateiro, alors commandant de l’armée à Cali, pour sa responsabilité dans l’usage excessif de la force et la militarisation des zones civiles.

3. Commission de la vérité : Respecter l’engagement de créer une commission qui fasse la lumière sur les crimes commis lors du soulèvement national.

4. Réparation intégrale : Mettre en œuvre des mesures de réhabilitation psychosociale et de restitution des droits pour les personnes touchées par les assassinats et leurs familles.

5. Suivi international : Demander à l’Organisation des Nations Unies (ONU), à la Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) et à des organisations de défense des droits humains des missions d’observation et des mesures de protection pour les personnes affectées et leurs défenseurs.

De Québec à Genève, les organisations signataires appellent la communauté internationale, y compris les communautés de Montréal engagées pour la justice sociale, à se joindre à cette lutte pour la justice. La mémoire de Yidwar Mondragón et de toutes les personnes touchées par le soulèvement national ne peut être reléguée aux oubliettes.

Signataires :

Canada et international : Comité de solidarité Canada-Colombie, Codevelopment Canada, Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), Komite Internazionalista de Euskal Herria, Asamblea Colba, Citizen Diplomacy Netherland, Latín Alternative Radio, Diáspora de Colombia en Países Bajos, AIDHDES-Suiza, Acción Obrera Internacionalista, Asamblea de Colombianxs en Buenos Aires, 15J, Vida Paz y Justicia España, MAFAPO Internacional, Plataforma Movilízate del País Valencia, Nuestra América Lejana, REDCOLVE, collectif Saya Bruxelles, Arlac, Adi ASBL, Collectif solidaire de Genève, Nexus human rights ASBL, Colarebo, Comité de Solidaridad Internacionalista de Zaragoza, Journal des Alternatives Canada, Bloque de Resistencia y Rebeldía Popular-El Salvador, Colectivo de Derechos Humanos Herbert Anaya Sanabria-El Salvador, collectif Le Silure-Genève.

Colombie : Nomadesc, Universidad Intercultural de los Pueblos, Corporación jurídica Ius Humanitas, PAR Pensamiento y Acción Revolucionaria, Colectiva de derechos humanos Jesús María Valle Jaramillo, Las Marianas colectiva feminista, Fundación Guagua – Galería de la Memoria Tiberio Fernández Mafla (Cali-Colombie), Corporación Claretiana Norman Pérez Bello, La Malva Negra, DH Escudos Azules, Centro de droits humains del PaZifico, Raíz-Congreso de los Pueblos, Objetivo Libertad, Iniciativa « La Justicia es la Verdad en Acción ».

Sources :

Alerte internationale pour les garanties et les droits humains des personnes judiciarisées dans le cadre du soulèvement national 2019-2021.

Communiqué public — Commission accidentelle pour la vérification des garanties et des droits humains des personnes capturées dans le cadre du soulèvement national de Colombie — 27 juin 2025.