Une terre confisquée : histoire de la colonisation de la Palestine

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Nicolas de Bellefeuille, correspondant en stage

Le 12 mars dernier, la Coalition du Québec Urgence Palestine organisait à l’UQAM sa deuxième de cinq soirées d’information sur les racines du génocide en Palestine. Cette conférence a eu lieu peu de temps avant la frappe importante contre la bande de Gaza par Israël qui a fait plus de 400 morts, et ce, deux mois seulement après le cessez-le-feu officiellement signé entre le pays et le Hamas.

Intitulée « Du nettoyage ethnique au génocide (1967-2025) » et animée par Diane Lamoureux, elle a donné la parole à Joël Bedda, juriste pour l’organisation palestinienne de défense des droits de la personne Al-Haq, et à Anne Latendresse, professeure au département de géographie à l’UQAM et spécialiste de la Palestine. Cette dernière a vécu près de trois ans en Cisjordanie occupée.

Cette soirée a permis de faire un retour dans l’histoire, en présentant l’historique des événements de nettoyage ethnique et de colonisation depuis la création d’Israël en 1948, voire avant.

La genèse : 1947-1967

Avant d’amorcer la rencontre, Joël Bedda présente des chiffres qui glacent le sang ; depuis le 7 octobre 2023 et en date du 11 mars 2025, l’ONU dénombre 48 503 personnes tuées, et plus de 10 000 personnes prises au piège sous les décombres lors de la dernière opération contre la bande de Gaza. Isolée depuis 2007, la bande subit un blocus terrestre et un blocus naval. Ces restrictions ont mené à une situation pouvant mener à un génocide dans la bande, où la population de 2,3 millions d’habitant.es est privée d’eau, de vivres, de médicaments.

Mais tout débute avant la création de l’État israélien, avec la Nakba en 1947, qui constitue les premières actions d’un nettoyage ethnique sans précédent. Ce mot signifiant « catastrophe » en arabe est employé pour désigner l’exil forcé des Palestinien.nes pour permettre au peuple juif d’y établir la nation d’Israël. « Je dis la nationalité juive, considérée comme race supérieure. Il ne faut pas la confondre avec la citoyenneté israélienne », ajoute-t-il.

Les personnes déplacées et présentes sur le territoire d’Israël après le pillage de villages ont ensuite reçu la citoyenneté.

Anne Latendresse propose une lecture de la stratégie adoptée par les leaders du projet sioniste, qui mènera à la création de l’État d’Israël et à son expansion. La façon de s’approprier les terres palestiniennes est toujours suivie par le peuplement d’une colonie juive dans ces terres, par l’accueil de colons israéliens et par le don de matériel afin d’y parvenir.

« Deux composantes caractérisent ce projet : L’appropriation du territoire, et l’exclusion totale des Palestiniens et Palestiniennes », explique-t-elle. Pour ce faire, les organisations juives qui financent ce projet, justifient cette dépossession de terres par des projets d’aménagement, de construction d’infrastructures répondant aux intérêts de la population israélienne habitant en Cisjordanie.

Des lois discriminatoires : 1967-1990

Jusqu’en 1967, année à laquelle s’amorce l’occupation des territoires palestiniens, plusieurs lois qui restreignent les droits de la population palestinienne sont adoptées, et un traitement préférentiel est systématiquement mis en place en faveur des juifs. Également, les réfugié.es de cette Nakba sont interdits de retour sur les terres prises par Israël.

La Knesset a également adopté une loi fondamentale affirmant que la Cisjordanie et la bande de Gaza font partie du berceau historique de la nation juive. Bien que cette loi ne redéfinisse pas officiellement les frontières, elle contribue à brouiller la distinction entre Israël et ces territoires occupés.

Dans un horizon de colonisation et de contrôle sur la Cisjordanie, explique Joël Bedda, les forces armées expulsent les habitant.es et démolissent leurs habitations, sous prétexte d’un défaut de permis de construire. Cela se fait près d’un mur qui les sépare d’Israël, et vise à redessiner les frontières de la ligne verte.

Après les Accords d’Oslo, la Cisjordanie est divisée en trois zones : A (contrôle palestinien), B (gestion civile palestinienne sous supervision sécuritaire israélienne) et C (contrôle total d’Israël, incluant la plupart des colonies). Cette division permet à Israël de maintenir son emprise sur le territoire tout en restreignant l’autonomie palestinienne.

Bien que monsieur Bedda avoue que cette façon d’exercer s’inspire de la ségrégation d’apartheid en Afrique du Sud, il confirme qu’il ne faut toutefois pas les comparer ; « La situation dans les territoires palestiniens occupés va au-delà de ce qui s’est passé en Afrique du Sud, en matière de gravité et de longévité ».

Anne Latendresse démontre cette politique israélienne sioniste comme étant différente et plus violente que celle de l’apartheid en Afrique du Sud, en mentionnant le nombre de 450 à 500 villages détruits en Palestine, pour permettre la création de la terre. Elle tient à rappeler que le cœur du conflit est territorial, et que le projet n’est pas un projet religieux, en tant que tel.

La Palestine aujourd’hui

Pour Latendresse, se déroule un processus similaire à la Nakba de 1948 en Cisjordanie et à Gaza; « Il y a un recours aux armes, une opération militaire qui vise à faire fuir, voire anéantir la population ». La population palestinienne y voit la continuité de la Nakba.

La professeure au département de géographie à l’UQAM confirme que les populations palestiniennes de Gaza et de Cisjordanie sont résilientes. Letaux de natalité élevé, signifiant une nouvelle génération désirant poursuivre le combat, peut en constituer un symbole. « Il y a un mot en arabe pour désigner cela : sumud qui veut dire « tenir bon » ce qui implique l’idée de rester sur place coûte que coûte ».

Elle cite des exemples d’étudiant.es palestinien.nes qui ont vécu en Allemagne, aux États-Unis, en Tunisie ou à Montréal. Que ces personnes soient citoyennes ou réfugiées, elles tiennent à garder un lien avec leur pays, soit en retournant en Palestine, car « c’est là où se trouve leur vie », soit en mentionnant leurs origines par des projets qu’ils réalisent.

« Que tu sois à l’intérieur ou l’extérieur du territoire, l’attachement à la Palestine et l’identité palestinienne demeurent bien vivants, d’où le sentiment de devoir faire quelque chose pour la Palestine, qui est très fort pour les Palestiniens et Palestiniennes », conclut-elle.

Pour voir ou revoir cette soirée d’information :

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