Mediapart, 7 février 2019
,Si les discussions sur la mondialisation du tournant des années 2000 et les prises de position qu’imposent aujourd’hui la répression internationale de la révolution bolivarienne et contre le peuple vénézuélien nous ont appris quelque chose, c’est qu’il est impossible de critiquer le capitalisme sans prendre en compte la forme concrète sous laquelle il existe à l’échelle mondiale : l’impérialisme.
Il va sans dire que le régime vénézuélien, comme tout autre régime politique commet des erreurs, en revanche les Etats unis d’Amérique ont été toujours l’ennemi des gouvernements d’Amérique latine qui ne suivent pas leur ligne, qui ne se plient pas aux dictatures néolibérales du FMI et de la Banque mondiale. Les USA veulent faire comprendre à toute l’Amérique latine à travers le coup d’état contre Maduro qu’un gouvernement insistant sur le fait que son peuple est souverain et aspirant à construire une société socialiste et humaniste, ne sera pas toléré par la superpuissance restante. Surtout que les États-Unis considèrent encore cette région comme leur arrière-cour. Dans un récent et très éclairant ouvrage, WikiLeaks a dévoilé des fichiers rassemblant les communications internes et secrètes de hauts diplomates des USA dont les plus impressionnants concernent l’Amérique latine. Au fil de la lecture de ces fuites, un paramètre revient constamment : la peur viscérale qu’ont les États-Unis de Chávez et de l’alternative qu’il incarnait et symbolise toujours. « Des dirigeants “populistes radicaux” constituaient pour les États-Unis une nouvelle menace à la sécurité nationale », indiquait déjà en 2004 le commandement de l’armée américaine en Amérique du Sud. À d’autres moments, des ambassadeurs étasuniens de la région se retrouvent pour développer des stratégies coordonnées pour contrer la « menace » régionale inspirée par le Venezuela. Les rapports alarmistes envoyés à Washington évoquent « les plans agressifs de Chávez pour créer un mouvement bolivarien unificateur en Amérique latine ».Bien entendu, les pistes envisagées pour contrer la menace incluent, entre autres propositions louches, le rapprochement et le renforcement des relations avec les leaders la droite vénézuelienne.
Le 20 mai 2018, Nicolás Maduro a été réélu président du Venezuela à la majorité des voix. Les États-Unis, l’Union européenne et certains pays de droite d’Amérique latine ne veulent pas reconnaître cette élection, malgré le fait que de nombreux observateurs internationaux et la Fondation Carter de l’ancien président des États-Unis, Jimmy Carter, ont maintes fois certifié le système électoral vénézuélien comme l’un des meilleurs au monde. Comme peu de gouvernements de la région, le Venezuela a une emprise et un contrôle important sur une bonne partie de son économie. La droite politique au Venezuela répète à l’envie qu’il s’agit d’ailleurs d’une des principales causes des difficultés que traverse le pays. Les différentes nationalisations d’entreprises-clés dans le pétrole ou la sidérurgie ou encore la commercialisation de biens subventionnés dans les Mercal prouvent la volonté du gouvernement de faire en sorte que l’économie soit au service du peuple et pas au profit de quelques nantis.
Mais Maduro et son gouvernement n’ont pas réussi à se défaire de leur perfusion d’importations qui fournit le pays en biens de consommation. Le Venezuela ne parvient en effet toujours pas à produire lui-même ce dont il a besoin dans un domaine-clé comme celui de l’agriculture par exemple. En 2012, plus de 46 % de la farine de maïs (aliment de base de beaucoup de Vénézuéliens) a été importée, tout comme 53 % du riz et 36 % de la viande. L’Institut national de nutrition résume cette situation en mentionnant que 43,7 % des calories disponibles dans le pays proviennent de l’étranger et que 8 milliards de dollars ont été dépensés en importations alimentaires selon les chiffres de l’Institut national de statistique. L’inflation et donc la pauvreté au Vénézuela est inéluctablement dû au non développement d’une industrie endogène, autre que celle liée à l’extraction et au raffinement du pétrole et du gaz. Comme pour l’alimentation, car une partie trop importante des produits de consommation courants est issue de l’importation au lieu d’être produite localement.
En revanche la question qui s’impose aujourd’hui est : quand est ce que les USA et les occidentaux ont été les défenseurs de la démocratie ? Qu’en est il de la guerre en Irak décidée par W.G. Bush en 2003 pour imposer la démocratie et déchoir Saddam Hussein ? La réponse réside dans la relation entre les dynamiques économiques et géopolitiques. Puisque le Vénézuela est un pays riche en pétrole, un président philo-américain à la tête du Vénézuela facilitera le contrôle des ressources pétrolières qui est un moyen de consolider la position géoéconomique des États-Unis vis-à-vis de ses concurrents économiques. Évidemment, comme ce fut le cas lors du coup d’État de 2002, l’ombre des États-Unis n’est jamais très éloignée de chacun des événements déstabilisateurs qui ont lieu au Venezuela. WikiLeaks a dévoilé que les Américains voyaient en Lopez quelqu’un qu’ils devaient appuyer, car ils pensaient qu’il était capable d’unir l’opposition. C’est désormais auprès de Juan Gaido aujourd’hui qu’ils trouvent refuge. Ainsi la menace d’une intervention militaire au Venezuela est réelle et probable.
En fin de compte, ce que les gens doivent comprendre est que la guerre impérialiste contre le Venezuela est une guerre contre tous les mouvements progressistes de la planète. C’est une guerre qui nous menace tous et contre laquelle il faut s’organiser.