Daniel Noboa le jour de l'élection présidentielle à Olón, en Équateur © Isaac Castillo/Presidencia del Ecuador via Flickr
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Sabine Bahi, correspondante

En plein cœur d’un état d’urgence décrété la veille de l’élection présidentielle en Équateur, plus de 13 millions d’électeur.rices ont été appelé.es aux urnes le dimanche 13 avril. Avec un taux d’appui de 56 %, le président sortant Daniel Noboa débutera un second mandat à la présidence. L’impact de cette élection est majeur au sein du pays, qui traverse une période de violences extrêmes. Il l’est également à l’échelle internationale, alors que l’administration Trump aux États-Unis bénéficie désormais d’un nouvel allié de droite en Amérique latine.

Les résultats promettaient d’être beaucoup plus serrés entre le président réélu et son opposante Luisa Gonzáles, qui a récolté 44 % des voix au sein du parti Revolución Ciudadana. Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle en février dernier ont favorisé de très peu Noboa (44,17 %) face à González (43,97 %), pour laquelle l’appui est demeuré le même au second tour.

Représentante de gauche et issue du «corréisme» de l’ancien président Rafael Correa, Luisa González aspirait à devenir la première femme à occuper la présidence de l’Équateur et avait misé sur une importante alliance avec les peuples autochtones.

Leónida Iza, président de la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Confederación de Nacionalidades Indígenas del Ecuador — CONAIE) et troisième candidat en lice à la première ronde de l’élection présidentielle sous les couleurs du parti Pachakutik, avait récemment publiquement appuyé la candidature de González. Il affirmait ne vouloir céder aucun vote à la droite de Noboa (ni un solo voto a la derecha).

Hausse des violences en Équateur

L’élection présidentielle équatorienne a pris place dans un contexte marqué par la violence depuis plusieurs années. Si l’Équateur était connu pour être un des pays d’Amérique latine les plus calmes et stables, le portrait actuel se dissocie de cette image et a été en grande partie façonné par la croissance du narcotrafic. Ayant d’abord profité de l’instauration d’un état d’urgence en 2020 et d’une hausse de la pauvreté chez la population, le crime organisé a progressivement pris de l’ampleur dans le pays.

Du fait de son économie dollarisée et de son positionnement géographique entre la Colombie et le Pérou, où se concentrent les plus grandes productions mondiales de cocaïne, l’Équateur s’est converti en point stratégique pour le développement du narcotrafic.

En 2023, le syndicaliste Fernando Villavicencio, candidat à la présidence ayant tenté de dénoncer l’infiltration des narcotrafiquants dans la campagne électorale, s’est fait assassiner. En 2024, des groupes criminels ont pris le contrôle de plusieurs prisons équatoriennes, et ont même mené une attaque armée contre une chaîne de télévision nationale.

Aujourd’hui, selon les données du ministère de l’Intérieur de l’Équateur, environ 26 homicides y sont commis quotidiennement. Ce nombre dépasse largement celui de 2022 — auparavant considérée l’année la plus violente de l’histoire du pays — où étaient enregistrés 22 homicides par jour.

Consolidation d’un «noboisme» ou rejet du «corréisme»?

Fils de l’homme le plus riche d’Équateur et héritier d’une centaine d’entreprises d’exportation de bananes, Daniel Noboa est issu de l’oligarchie équatorienne. Il a d’abord été élu à la présidence en 2023 après la destitution de l’ancien président Guillermo Lasseo.

En plus de défendre des positions associées à la droite néolibérale — politiques d’austérité, renforcement de la sécurité nationale et augmentation des investissements privés à l’étranger — Noboa incarne une image de renouveau qui s’oppose fermement au «corréisme» lié à Rafael Correa.

Vaincu en 2017, l’ancien président de gauche continue d’être une figure extrêmement influente et polarisante en Équateur. Si le fait de se présenter comme la successeure de Correa a pu avoir un effet positif sur la candidature de Luisa González, notamment en rappelant une période de stabilité et de réduction de la pauvreté en Équateur, les détracteur.rices de Correa peuvent rapidement associer ses erreurs à la candidate vaincue. La division sociale créée par le «corréisme» en Équateur a eu tendance à s’intensifier lors d’élections présidentielles, et plus précisément au second tour.

Un facteur pouvant avoir influencé le dénouement de l’élection présidentielle équatorienne est l’arrivée de Donald Trump à la tête des États-Unis. Les premiers mois de son administration ont été marqués par le lancement d’une guerre tarifaire mondiale lourde de conséquences économiques pour les individus partout dans le monde, notamment celles et ceux qui détiennent des dollars américains. C’est le cas en Équateur.

Daniel Noboa a rencontré Trump deux semaines avant l’élection présidentielle. En démontrant la construction d’un lien avec le président des États-Unis — qui a rapidement félicité l’arrivée d’un «grand dirigeant pour le merveilleux peuple d’Équateur» sur Truth Social — Noboa se présente comme une figure rassurante et capable de négocier avec la source de la menace.

La candidate de gauche a de son côté refusé de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle. Elle dénonce entre autres le décret d’un état d’exception la veille de l’élection et demande un recomptage.

Renforcement de l’administration Trump

L’élection de Daniel Noboa représente à la fois une victoire de la droite latino-américaine et de l’administration Trump, qui semble pour l’instant s’être acquis un nouvel allié en Amérique du Sud. Alors que les liens unissant de nombreux pays aux États-Unis se sont récemment détériorés en raison de la guerre tarifaire lancée par Trump, l’Équateur figure parmi les premiers pays à vouloir réapprofondir sa relation commerciale avec la puissance américaine.

Ce lien entre les deux gouvernements n’est pas tout à fait nouveau. Une grande part de la stratégie de sécurité déployée par Noboa pour adresser la violence et l’insécurité généralisées en Équateur s’est concentrée sur la militarisation du pays pour contrer le narcotrafic, notamment en contractant les mercenaires de l’entreprise militaire américaine Academi (anciennement Blackwater Worldwide).

L’entreprise privée Academi — la plus grande société privée fournissant des services de sécurité et de défense à diverses entités, notamment des gouvernements — a été fondée par le milliardaire Erik Prince, qui a également été secrétaire à l’Éducation dans la première administration Trump. Prince a ouvertement soutenu la candidature de Noboa sur le réseau social X.

Une avancée qui peut forger la résistance

Malgré la défaite électorale de la gauche équatorienne, il importe de reconnaître l’importante mise en commun qui a mené à l’obtention de 44% des voix par Luiza González. Dans un contexte international très peu favorable à l’union des mouvances de gauche, l’alliance conclue entre les partis Revolución Ciudadana et Pachakutik représentait une puissante volonté politique d’unir les mouvements sociaux et les peuples autochtones en Équateur pour avancer vers un but commun.

Une telle entente est historique et n’a qu’un seul antécédent similaire dans le contexte équatorien, soit la coalition de gauche Movimiento Alianza PAIS. Formée en 2006 par Rafael Correa, cette alliance a formé le gouvernement de l’Équateur jusqu’en 2017.