Zohran Mamdani lors d'un meeting à New York - Heute.at
Vous appréciez cet article ? Il a été écrit par un.e jeune stagiaire ou correspondant.e du Journal.
Bien que la campagne de financement du Fonds Jeunesse soit terminée, il est toujours possible d’aider la relève du journalisme engagé en cliquant sur le lien ici.
Toute contribution est appréciée !

Charline Caro, correspondante

« Donald Trump, je sais que vous regardez, alors j’ai trois mots pour vous : montez le volume ! » Zhoran Mamdani prononçait mardi soir son discours de victoire à l’élection municipale de New York devant une foule en liesse. En obtenant 50,4% des voix, le candidat démocrate est devenu le premier maire new-yorkais musulman et le plus jeune depuis un siècle.

« Certains diront que je suis loin d’être le candidat parfait : je suis jeune, musulman, socialiste démocrate, et le pire dans tout ça, c’est que je refuse de m’en excuser », a t-il renchérit lors de son discours d’investiture.

Mamdani a remporté 75% des votes chez les 18-29 ans, et 52% chez les électeurs noirs, selon les sondages menés à la sortie des urnes. Quant à la populations juive, 31% d’entre elle a voté pour le candidat démocrate. Au total, ce sont deux millions d’électeurs qui se sont déplacés aux urnes, un record selon la Commission électorale de la ville.

Les divisions du Parti démocrate

Inconnu du grand public il y a un an, Zohran Mamdani a remporté la primaire démocrate en juin dernier à la surprise générale, face à Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l’État de New York et ténor du parti. Ce dernier s’est finalement présenté en tant que candidat indépendant, « témoignant de l’existence de deux visions au sein du Parti démocrate », selon Marin Fortin-Bouthot, chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

La première vision, à l’image d’Andrew Cuomo, est davantage élitiste et centriste, et l’autre, défendue par Mamdani, est progressiste. Le jeune candidat affiche en effet des positions contre le génocide palestinien, contre les excès du capitalisme et les politiques autoritaires de Donald Trump, tout en se définissant comme un démocrate socialiste.

Mamdani a centré sa campagne sur l’accessibilité financière. Gel des loyers, gratuité des crèches et des autobus, épiceries subventionnées, doublement du salaire minimum, taxation des ultra-riches… Le candidat a défendu un programme à destination des classes moyennes et populaires, qui peinent à vivre dans une métropole marquée par l’inflation et les inégalités socioéconomiques.

Son programme contraste avec la ligne du Parti démocrate, qui délaisse depuis quelques années les questions matérielles et les classes populaires qui s’en soucient. « Depuis l’arrivée de Trump, la nouvelle ligne de fracture politique est celle de l’éducation », explique Marin Fortin-Bouthot. Le président populiste s’est accaparé les classes moyennes et populaires, tandis que le Parti démocrate tente plutôt de joindre un électorat diplômé. 

« Le Parti démocrate est critiqué pour son élitisme et sa déconnexion avec les classes populaires qu’il représentait autrefois », observe le chercheur. À travers une campagne axée sur le pouvoir d’achat, Mamdani rompt avec la tendance démocrate, et renoue avec les préoccupations de cet électorat.

Des soutiens hésitants

Au parti démocrate, rares ont été les figures à soutenir publiquement le candidat Mamdani. Seuls Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, élus de la frange progressiste, lui ont apporté un soutien au premier jour. D’autres responsables ont tardé à le faire, comme le chef de la minorité à la Chambre des représentants Hakeem Jeffries, ou la gouverneure de l’État de New York Kathy Hochul. D’autres, comme le chef de la minorité au Sénat Chuck Schumer, ne se sont tout simplement pas prononcés.

« Cela témoigne d’une forme de réticence à l’égard de cette candidature », analyse Marin Fortin-Bouthot. L’establishment démocrate craint les positions assumées de Mamdani, notamment sur le génocide palestinien, la taxation des ultra-riches, et ses déclarations passées – et changées – sur le définancement de la police.

Depuis sa défaite aux élections de 2024, le Parti démocrate est en « requestionnement profond », et « manque de direction et de leader clair », ajoute Marin Fortin-Bouthot. La victoire de Mamdani ajoute de l’incertitude à l’orientation que doit prendre le parti, alors que d’autres candidats démocrates plus centraux ont également remporté leurs élections locales et d’État, comme en Virginie ou au New Jersey.

Si le discours progressiste et socialiste n’a pas les garanties de fonctionner à l’échelle nationale, l’idée de renouer avec les classes populaires demeure pertinente dans le cadre d’élections à plus grande échelle.

Ce que le Parti démocrate doit aussi retenir de la campagne de Mamdani, c’est son « mouvement rassembleur », estime Marin Fortin-Bouthot. « L’idée de gagner en rassemblant plutôt qu’en divisant, comme Trump le fait, est une piste de solution pour insuffler de l’espoir, et peut-être de manière naïve, pour recoller les divisions dans un pays fracturé. »

L’épouvantail communiste

Souffle d’espoir à première vue, la victoire de Mamdani pourrait aussi s’avérer être un cadeau empoisonné pour les démocrates. « Si vous voulez savoir ce que les parlementaires démocrates veulent faire à l’Amérique, regardez le résultat de l’élection hier à New York, où leur parti a installé un communiste à la mairie », a déclaré Donald Trump dans la foulée de l’élection du démocrate socialiste.

Le président américain semble vouloir ériger la figure de Mamdani en épouvantail pour attiser les peurs à l’égard de la gauche progressiste. « Est-ce que ça ne ferait pas l’affaire des Républicains d’avoir ce personnage-là, immigrant, né en Afrique, et qui se dit ouvertement socialiste ? », s’interroge Marin Fortin-Bouthot.

Tenir ses promesses

« Ce sera un mandat pour le changement. Un mandat pour une nouvelle forme de politique […]. Et un mandat pour un gouvernement qui tient exactement ses promesses », a déclaré Zohran Mamdani, pour rassurer ses électeurs sur la faisabilité de ses mesures.

Le nouveau maire doit désormais transformer en réalité un programme social d’envergure, alors que certaines de ses mesures ne relèvent pas de ses compétences politiques. Mamdani sera en effet confronté à la limite de ses pouvoirs, et dépendra pour certaines politiques de l’État de New York, sur lequel il n’a pas la main.

Le candidat Mamdani assurait qu’il allait financer ses mesures grâce à la taxation des entreprises et des ménages les plus fortunés, mais la fiscalité est une compétence de l’État. La gouverneure de l’État de New York Kathy Hochul est une démocrate centriste, et s’était déjà opposé aux hausses d’impôt pour préserver « l’attractivité de l’État ».

Même cas de figure pour l’augmentation du salaire minimum, qui dépend de la même instance. La redistribution des richesses promise sera alors entravée par le bon vouloir des démocrates d’Albany – la capitale de l’État.