Canada : Ottawa silencieux sur la répression au Chili

 

Comité pour les droits humains en Amérique latine,16 décembre 2019

La semaine dernière marquait un mois depuis que le président chilien, Sebastian Piñera, ait approuvé un décret basé sur une constitution datant de l’époque de la dictature, dans le but de déclarer l’état d’urgence dans 10 des 16 régions du pays, en plus de déclarer la « guerre » contre les manifestant.e.s.

Le conflit, qui a été perçu de manière générale comme une réaction face à la hausse du prix du transport en métro à Santiago, tient ses origines des inégalités économiques, de la disparité entre les riches et les pauvres du pays, d’une constitution de l’époque dictatoriale qui restreint de manière sévère les libertés civiles, d’une piètre distribution des services de bases chez les travailleurs et travailleuses (tel les services de santé et de pension) et à un agenda extractiviste qui saccage l’eau et l’environnement pour les intérêts des industries.

Les événements qui se déroulent  au Chili ont, sans aucun doute, surpris plusieurs d’entre ceux qui suivent les grands médias (et peut-être même jusqu’à Piñera). Cependant, ce que les Canadien.ne.s ne voient pas c’est la répression brutale et inhumaine exercée par la police militaire « carabinière » contre les manifestant.e.s au niveau national. Selon l’INDH (Institut National des Droits Humains du Chili), en date du 15 novembre, la répression a provoqué (ces chiffres sont sûrement conservateurs) :

  •  Plus de 20 personnes mortes
  • 217 blessé.e.s avec lésions oculaires devenu.e.s aveugle (plusieurs personnes  ayant été attaquées au visage de manière intentionnelle)
  • Plus de 2000 blessé.e.s
  • Plus de 6300 détenu.e.s

La police militaire a été accusée d’abus sexuels envers les femmes et un nombre élevé de mineurs blessés ou arrêtés a été dénoncé.

Le silence du Canada face à ces abus (en juxtaposition avec ses réactions immédiates aux crises au Venezuela et en Bolivie) est stratégique. Les intérêts miniers pourraient être une des raisons pourquoi le Canada semble regarder ailleurs face à la répression, peut-être la plus brutale que le Chili ait vécu depuis l’époque de Pinochet. 

Ce n’est pas de la sécheresse, c’est du pillage !

Selon les rapports officiels, le Chili vit une des sécheresses les plus difficiles de son histoire. En septembre 2019, Piñera a déclaré « l’état de catastrophe de sécheresse » dans les régions d’Atacama, de Coquimbo et la région métropolitaine. Des membres du gouvernement ont signalé que la sécheresse, la pire en 60 ans, était le produit du changement climatique.

Toutefois, selon la population vivant près des projets d’extraction et selon des organisations comme le Movimiento para Agua y Territorios (MAT), l’excuse du changement climatique a permis aux industries agroalimentaire et minières de ne plus être sujettes à la critique publique dénonçant l’usage irrationnel et non durable des ressources. Selon Camila Zarate, porte-parole de MAT : « On nous dit que le changement climatique occasionne la crise de l’eau. En effet, nous avons une pénurie de pluie, c’est un fait historique… cependant, serait-ce vraiment la cause principale de la sécheresse ? Nous savons qu’en réalité la demande en eau dépasse la quantité d’eau disponible, mais il y a une incitation à continuer d’extraire de l’eau pour usage agricole et minier. »

 L’explication du changement climatique continue d’être manipulée par ces industries pour se déresponsabiliser face à leurs impacts sur l’environnement où ils exercent leurs activités. Le gouvernement Canadien tient un discours similaire en défenses des mêmes entreprises minières. En août de cette année, MiningWatch Canada s’est réuni avec des membres de Asuntos Globales Canada (GAC) et un membre de l’organisation chilienne Putaendo Resiste, qui s’opposent à une mine junior canadienne. Quand ce membre a commenté ce que le manque d’eau et la menace de la mine représentait pour lui, le fonctionnaire de la GAC lui a répondu : « Comment pouvez-vous être certaine que les activités de l’entreprise causent la sécheresse ? Je sais que la région continue d’être frappée par les changements climatiques. »

Au Chili, l’accès à cet élément essentiel de la vie est privatisé.

Il est le producteur majeur de cuivre au niveau mondial, et les méga-mines de cuivre sillonnent le paysage dans le nord du pays. Les mines à ciel ouverts monopolisent l’eau et leurs activités minières de grande échelle frappent des régions déjà menacées par la pénurie sévère d’eau et des conditions désertiques.

En 2018, la Commission Chilienne de Cuivre a signalé que l’industrie consommait 16,25 mètres cubes d’eau par seconde. Cela représente 512 millions de mètres cubes par an, ou 1,5 fois la consommation annuelle des 2,8 millions d’habitants de Toronto. La commission a prévu que la consommation d’eau allait augmentait au cours des 5 années suivantes, mais que l’eau déssalée pourrait servir de coussin à cette augmentation, représentant éventuellement un tiers de l’eau utilisée par l’industrie (elle en représente maintenant 10%).

MiningWatch Canada était au Chili pendant les semaines les plus difficiles de la sécheresse et a visité des communautés de la 5e région qui ont parlé avec peur et horreur du rapprochement du désert du Nord vers leurs communautés. MiningWatch Canada a également discuté avec des représentant.e.s de diverses communautés du Nord qui sont affectées par les explorations et exploitations minières.

Au niveau local, pour les Chiliens qui ont accès à l’eau chaque 10-12 jours, les systèmes tels ceux qui dépendent de la construction de pipelines de centaines de kilomètres de long pour transporter de l’eau douce ou de mer vers les mines sont complètement irrationnels. Les fleuves sont secs, et les sources sont canalisées et déviées pour s’assurer que ces systèmes fonctionnent sans interruption.

Quand nous nous sommes réunis avec les communautés affectées par le projet « Los Vizcachitas » de l’entreprise minière canadienne Los Andes Copper, qui suit un projet d’exploration pour une méga-mine de cuivre, leurs voisins ont exprimés de l’angoisse au retour des membres de retour de la cordillère avec leurs troupeaux. Plusieurs habitants de la petite communauté d’éleveurs de Los Patos, près de la zone d’exploration minière, ont commenté avec peine et préoccupation que « 50 chèvres sont tombées » et « plus de 100 vaches sont mortes ». Les éleveurs dépendant de pratiques anciennes de pâturages cycliques. Dans les régions près de Putaendo et San Felipe, on peut observer des chevaux et du bétail égarés, morts de faim et de soif, qui déambulent sans propriétaires à la recherche d’eau.

« Même les arbustes de la cordillère, habitués à la sécheresse, sont en train de mourir » a dit un résident alors que nous traversions des kilomètres et des kilomètres de cactus brûlés par le soleil puissant des Andes.

Et la problématique ne commence pas seulement avec les mines, mais fait partie structurelle du tissu économique et politique des industries de la nation. Le projet polémique « Alto Maipo », une méga-centre hydroélectrique dans la région métropolitaine du Chili, est un cas emblématique de la collusion entre les pouvoirs économiques et politiques afin de promouvoir des projets dont seul bénéficiera l’élite chilienne. Selon Anthony Prior, porte-parole de l’organisation Red Metropolitana No Alto Maipo, les industries minières en sont les principales bénéficiaires. Or, il souligne que les manifestations qui prennent place aujourd’hui dans le pays ne vont pas cesser tant que les demandes principales n’auront pas été résolues :

« Le peuple est mobilisé dans les rues et nous allons continuer à résister jusqu’à ce que nous récupérons notre eau en tant que bien public et droit humain. »

Les compagnies minières canadiennes contribuent à l’agenda extractiviste

Selon des données de MiningWatch Canada, il y a en ce moment plus de 40 compagnies minières canadiennes au Chili, avec plus de 100 mines et projets. Le Chili et le Mexique sont les pays étrangers où il y a le plus d’investissements miniers canadiens (derrière les États-Unis). La majorité de ces compagnies sont des compagnies juniors impliquées dans la spéculation et l’exploration de sites de lithium et de cuivre. Cependant, il y a aussi des grands joueurs comme Yamana GoldTeck Resources et Lundin Mining qui détiennent des mines opérationnelles dans le pays. Par conséquent, on peut comprendre à cet effet le silence du gouvernement canadien.

En septembre 2019, MiningWatch Canada s’est réuni avec des organisations et communautés chiliennes touchées par les minières canadiennes, et en vue d’une union de celles-ci aux manifestations nationales d’octobre, nous sommes restés en contact. Nous avons réalisé que ces organisations associaient leurs luttes propres avec les demandes nationales, et nous voulions nous assurer que le public canadien en prenne connaissance. Nous avons découvert que leurs préoccupations communes par rapport à l’eau, à la contamination de l’environnement et aux inégalités économiques leur ont donné l’élan pour s’unir régulièrement lors des marches et autres actions publiques.

Les compagnies

 Los Vizcachitas, Los Andes Copper (Comuna Putaendo)

Los Andes Copper exploite le projet de Los Vizcachitas, qui est actuellement en phase d’étude de faisabilité, prétend développer une mine énorme de cuivre à ciel ouvert, dont la fosse se terminerait directement au-dessus (et dont le gisement est sous) du fleuve Rocín. Ce fleuve est la source principale d’eau douce pour les communautés en aval, à travers le nouveau barrage controversé qui, selon les membres de la communauté, bénéficie à l’industrie minière et agricole. Il est important de souligner que le bassin de résidus de la mine, selon le scénario privilégié par la compagnie (110 ktpd et 220 ktpd) serait sur le fleuve Chalaco, un peu plus de 10 kilomètres au-dessus de la communauté de Los Patos

Putaendo Resiste! est un regroupement de représentant.e.s de diverses organisations de la région de Putaendo qui se sont organisées contre l’exploitation minière. Sa préoccupation principale est la protection de l’eau, une ressource de plus en plus restreinte, étant donné que la communauté en est alimentée par un glacier rocheux où l’on prétend installer la mine. Dût à la proximité des communautés situées en aval, ils se soucient également de la contamination potentielle ou les possibles déversements qui peuvent être déclenchés par les opérations minières.

Ils dévoilent qu’entre 2007 et 2008, le permis de Déclaration d’impact sur l’environnement a été refusé à la compagnie, à cause de violations lors du programme de forage. Plus tard, de 2015 à 2017, elle a été sanctionnée pour avoir dévié le fleuve Rocín et pour avoir utilisé l’eau contre l’usage requis.

Actuellement, la compagnie tente d’obtenir les permis environnementaux nécessaires pour procéder à un nouveau cycle de forage, qu’ils espèrent débuter cette année. Les communautés dénoncent que leurs voix, malgré leur unité dans les villages et leur déclaration en tant que premier regroupement chilien « libre de mines », sont réduites au silence par la compagnie et le gouvernement chilien.

Putaendo Resiste a été présent dans les efforts pour organiser et participer à la plupart des marches et des actions dans la région depuis la déclaration d’état d’urgence il y a un mois.

 Ils ont noté qu’ils et qu’elles s’uniront aux mobilisations nationales pour les mêmes raisons que celles expliquées à Santiago. Leur lutte contre Los Vizcachitas et le microcosme d’une crise économique et sociale qui ébranle le Chili actuellement. Des membres de Putaendo Resiste  disent :

 « Nous faisons partie du peuple et nous vivons la même injustice que tous, le modèle économique est basé sur la surexploitation des biens naturels, générant des zones d’abattage avec des niveaux élevés de contamination, et les entreprises ne se soucient pas de l’impact sur les enfants et les familles. L’exploitation minière est l’une des secteurs d’activité les plus prédatrice, avec ses niveaux élevés de consommation d’eau et de destruction de glaciers dans la cordillère des Andes. Les propriétaires de ces entreprises qui se situent dans le 1% des plus riches au Chili, par conséquent la crise est à la fois économique, sociale et environnementale. Les manifestant.e.s de partout au Chili demandent, entre autre, l’accès à l’eau comme un droit.

Carmen de Andacollo mine, Teck Resources (Andacollo)

La mine Carmen de Andacollo est l’une des trois mines que détient cette compagnie au Chili. Cet été, Teck Resources a annoncé un accord de risques partagés avec la compagnie japonaise Sumitomo Metals pour la mine Quebrada Blanca. Cependant, malgré ce plan d’expansion très important en capital pour l’automatisation de ses mines, la compagnie fait valoir qu’elle traverse une crise économique et que, par conséquent, les employés doivent subir des compressions budgétaires.

La mine Carmen de Andacollo est une mine de cuivre à ciel ouverts où travaillent 474 employés.

En conséquence, les opérations de la mine restent paralysées depuis plus d’un mois, suite à la déclaration de grève générale de la part du syndicat qui n’est pas parvenu à un accord collectif considéré juste avec la compagnie. Selon le président du syndicat des travailleurs de Carmen de Andacollo, Manuel Álvarez, les demandes principales du syndicat sont : une augmentation de salaire correspondant au nivellement observé dans les autres mines de cuivre du Chili, des investissements dans les services de santé et les assurances collectives, de meilleures conditions pour les travailleurs et travailleuses souffrant de maladies « catastrophiques » et des avantages pour les employé.e.s de longue date. Bien que les revendications soient relativement élémentaires, Teck refuse d’aborder les demandes du syndicat. Le 14 novembre, les membres du syndicat ont refusé de ratifier l’accord proposé par l’entreprise en faisant savoir qu’il ne s’agissait pas d’une proposition équitable et ont décidé, il y a quelques jours, de radicaliser leurs mesures de pression en empruntant une route de transit pour tenter de faire pression sur l’entreprise afin qu’elle reprenne le dialogue.

La demande probablement la plus préoccupante est l’aide que les travailleurs sollicitent à Teck sous forme de prêts à court terme pour dédommager les travailleurs et travailleuses atteint.e.s de maladies « catastrophiques ».

« Quelques-un.e.s de nos collègues souffrent de leucémie : voilà une maladie catastrophique. Nous voulons que ces collègues puissent traiter leur maladie, qui pèse beaucoup sur leur famille et communauté, avec dignité » a déclaré M. Álvarez.

Des représentants du gouvernement ont déterminé que Andacollo est une région « saturée » par la contamination, dont les niveaux de pollution font partie des plus élevées du territoire, ce qui amène de graves conséquences pour la santé de la population locale. L’organisation mondiale de la santé a estimé qu’Andacollo faisait partie des 20 villes d’Amérique Latine avec les taux les plus haut de matières particulaires respirables, qui augmentent les risques d’attaques cardiaques, de maladies respiratoires et de cancer. Un expert de la santé a déclaré lors d’une entrevue que cette contamination de l’air à Andacollo est un résultat de l’activité minière, en particulier due à la poussière générée par les camions à benne sortant de la mine.

L’Association environnementale et sociale de Andacollo est un regroupement urbain qui lutte depuis 12 ans pour le droit de vivre dans un environnement sain. Elle constate que le risque le plus important que représente la mine canadienne pour la population de Andacollo est «la santé et la qualité de vie des gens… depuis l’arrivée des mines, selon les données des hôpitaux locaux, il y a une augmentation drastique des maladies respiratoires, de cancer et de leucémie

 « À cause de Teck Andacollo, nous vivons dans un état permanent de pollution et de division sociale, causés par de fausses promesses et des accords non respectés par la compagnie. »

L’eau est également un sujet très important pour l’Association. Elle demande « que la compagnie cesse d’utiliser l’eau douce pour le fonctionnement de la mine, ce qui épuise et contamine les dernières quantités disponibles. Ceci est encore plus important depuis l’arrivée de la période de sécheresse. La compagnie doit investir dans des technologies de dessalement. »

 L’Association a participé aux protestations massives qui ont lieu au pays, en notant qu’il y a plusieurs points communs entre leurs revendications des 12 dernières années et celles au cœur des manifestations du dernier mois. Selon elle, le modèle extractiviste « est promu dans la constitution elle-même et permet l’exploitation aveugle des ressources naturelles, de l’eau et aussi de l’énergie sans tenir compte des besoins de la population et lorsque celle-ci exprime ses préoccupations quant au respect de leurs droits, elles sont ignorées.

Et son message aux canadien.ne.s ? « Il faut s’unir et sensibiliser les gens aux conflits environnementaux que les compagnies minières canadiennes provoquent au Chili. »

Proyecto Alturas, Barrick Gold (Valle del Elki)

 Barrick Gold ment, saccage et contamine !

 Le projet Alturas-del Carmen est un autre exemple de projet binational d’exploration aurifère se trouvant sur la frontière Chili/Argentine de la cordillère, au sud de Pascua Lama et Veladero.

Selon l’Assemblée pour la défense du Valle del Elki, un regroupement multiculturel qui travaille officiellement depuis six ans pour défendre les glaciers contre les méga-mines, le plus grand risque que représente l’exploitation minière canadienne pour les communautés est  » la pollution de l’eau, puisque nous vivons dans un bassin hydrographique très sensible aux pénuries et à la contamination ». Le second risque identifié est lié au premier : l’exploitation minière représente une menace pour les glaciers avoisinants de la région. 

Ici, leur travail collectif est de prévenir, et leurs membres espèrent réussir à empêcher que leurs vallées, leurs  rivières et leurs glaciers ne deviennent une autre « zone de sacrifice ».

« Le projet minier binational Alturas-del Carmen, qui prétend être plus grand que Pascua Lama, se trouve sur les glaciers qui alimentent la vie du bassin d’Elki et est situé à 10 kilomètres du glacier Tapado, le plus grand de la région de Coquimbo, qui fournit environ 20% des eaux du fleuve Elqui. »

Lorsqu’on leur a demandé si les membres de la communautés’étaient joints aux manifestations au cours des dernières semaines, ils ont répondu par l’affirmative en disant : « La fin du modèle extractiviste est l’une des motivations qui nous amènent à travailler à l’abolition de la constitution de l’État-nation chilien, une constitution qui continue d’être remplie de balles et du sang de nos camarades qui ont été tués et torturés à ce jour. Le modèle extractiviste sauvage installé par les multinationales et promu par l’État-nation chilien sur nos territoires est le principal responsable de la souffrance de notre peuple. »

Les communautés de la vallée Elki exigent que « cessent immédiatement les explorations et les activités minières de Barrick Gold sur notre territoire, puisque nous les considérons comme une attaque contre l’écosystème que nous habitons en tant que communauté. »

Valle del Huasco, Pascua Lama (Barrick Gold) et Nueva Union (Teck-Newmont/Goldcorp)

Nous ne pouvons pas parler des mines canadiennes au Chili sans mentionner Valle del Huasco, où depuis plus d’une décennie, se déroule une des querelles les plus emblématiques à propos de l’environnement entre une entreprise canadienne et des gens qui optent pour la vie et l’eau.

MWC est en contact avec le coordinateur pour la Vida del Valle del Huasco. L’organisation demeure ferme dans sa résistance contre l’exploration minière, une lutte pour préserver la vie qui inclut l’accès à l’eau douce propre pour les générations futures. Les grandes compagnies minières canadiennes comme Barrick Gold (Pascua Lama) et Teck Resources (Nueva Union) sont engagées dans des conflits juridiques et sociopolitiques au sujet du développement de projets miniers de millions de dollars dans des régions qui sont certainement parmi les plus importantes pour l’avenir : les glaciers.

 Ces résistances communautaires joueront un rôle central dans un prochain rapport qui examinera comment les sociétés minières canadiennes contribuent à aggraver la crise climatique et écologique en explorant les glaciers de la cordillère des Andes, l’une des rares sources d’eau encore disponibles pour la consommation dans cette région. 

Minera Tres Valles, Sprott Resource Holdings

Finalement, malgré que nous n’ayons pas été en mesure de communiquer avec les communautés affectées par la mine Tres Valles (Sprott Resource Holdings) de manière directe, nous pensons qu’il est très important d’inclure la déclaration de l’entreprise suite à la récente tragédie qui s’est produite dans la région. Les communautés affirment qu’un de leur membre a été tué par un gardien de l’entreprise manipulant une arme à feu. Sprott Resources Holdings, comme plusieurs des compagnies mentionnées plus haut, possède des mines dans la cordillère des Andes, où de nombreux éleveurs ont circulé avec leur bétail pendant de nombreuses années durant les saisons sèches. Il convient de mentionner qu’au cours de notre visite au Chili, nous avons entendu de nombreuses plaintes de la part de nombreuses organisations au sujet d’un processus de clôture de terres qui étaient auparavant connues et utilisées pour le pâturage. Dans certains cas, les passages sont barrés, ce qui oblige les éleveurs à prendre des routes plus longues pour se rendre à l’eau. Dans d’autres cas, l’accès à l’eau leur est simplement refusée, les routes s’y rendant étant toutes bloquées.

Il est clair dans cette déclaration que, comme dans plusieurs autres, les communautés dénoncent un manque de clarté quant aux zonages pour les libres passages sur les terres. Évidemment, alors que la situation de sécheresse s’aggrave partout au pays, l’accès aux terres humides devient une question de vie ou de mort pour les éleveurs, lesquels dépendent des glaciers pour alimenter leurs élevages pendant la saison sèche.

 L’industrie minière fait partie du problème, et donc ne peut pas être la solution.

En septembre 2019, MiningWatch Canada, en association avec le OLCA (Observatorio de Conflictos Ambientales de Chile / Centre d’études de conflits environnementaux du Chili), le OCMAL (Observatorio de Conflictos Mineros de América Latina / Centre d’étude des conflits miniers d’Amérique Latine), War on Want et The London Mining Network, a animé une série de réunions pendant deux jours pour analyser la relation entre la crise climatique, la transition énergétique et l’extractivisme minier. Le OLCA a convoqué les réunions à Santiago, ville hôte du COP25 et de la Cumbre de los Pueblos (Sommet des peuples). Dans le but d’influencer les débats sur la crise climatique du Chili et au niveau mondial, 26 organisations latino-américaines et internationales ont signé une déclaration publique qui remet en question les principales prémisses sur les causes et les solutions à la crise climatique.

Tel qu’il a été mentionné, le Chili est le plus important producteur de cuivre au niveau mondial, et le second plus important producteur de lithium. Ces deux métaux sont considérés critiques pour la transition énergétique.

Il n’est peut-être pas surprenant que l’industrie minière ait adopté cette vision de la transition énergétique, promouvant ainsi une solution minière à la crise environnementale. Au chili, en Amérique Latine et au Canada, les communautés sentent déjà la pression des compagnies minières, avec des discours tels que « Si vous voulez sauver la planète et le futur de vos petits-enfants, vous devez nous permettre de produire x, y, z. »

Par conséquent, il est urgent et important que les organisations et les communautés des pays producteurs aient l’opportunité de s’opposer à ces discours. Vous trouverez ici quelques sections de la déclaration :

 Nous reconnaissons… que la croissance économique de Nord et des puissances émergentes se cache derrière le discours de la « transition énergétique », qui augmente exponentiellement les zones de sacrifice pour assurer l’approvisionnement en minéraux pour les technologies dites « vertes », au prix de l’exploitation de nos territoires et de la précarisation de leurs habitants, le tout aggravant la crise écologique.

Qu’à la résistance historique et flagrante de nos communautés urbaines et rurales du Sud à la crise climatique, s’ajoute aujourd’hui la panique qui s’est installée dans le Nord. La panique ne peut pas nous imposer de fausses solutions ni reproduire l’activité extractiviste.

 Que la crise climatique, en tant qu’élément d’une crise écologique, est une condition du modèle capitaliste du développement mondial, qui exige de multiples actions communes des peuples du monde.

Nous dénonçons… toutes tentatives des compagnies minières pour profiter de la crise climatique avec des duperies telles que : les résidus inclusifs, l’adoption de responsabilités environnementales, l’exploitation minière responsable, l’exploitation minière verte, l’exploitation minière durable, l’exploitation minière écologique, l’exploitation minière propre, l’exploitation minière intelligente du point de vue climatique, les mécanismes de compensation des dommages sociaux et environnementaux, l’économie verte et tout autre concept qui viserait à laver son image ou à rester impuni.

 Qu’à ce jour les COPs n’ont pas contribué à résoudre les problèmes d’injustice et d’inégalité climatiques causés par l’extractivisme prédateur, concentrant les décisions dans l’ombre des intérêts commerciaux responsables de la crise climatique actuelle.

 Nous lutterons… Pour défendre l’eau sous toutes ses formes comme source de vie et pour créer, célébrer et renforcer les territoires libres d’exploitation minières.

 Malgré la poursuite des manifestations au Chili et le fait que la COP25 ait été transférée en Espagne, Sebastian Piñera demeure président du conseil due la COP25. À ce jour, il n’a pas commenté par rapport à la répression brutale utilisée par les militaires chiliens contre le peuple, lesquels réclament, entre autre, un agenda pour affronter l’urgence climatique. Il ne devrait donc pas rester en charge de ce mandat pour la COP25. Une déclaration récente de la Unidad Social Chilena (l’Unité sociale chilienne) a exigé sa démission du poste en Espagne.

 Les compagnies minières comme Teck ont des objectifs de durabilité directement liés à la réduction des émissions de carbone pour affronter les changements climatiques. Cependant il est important de se demander, tel que l’ont fait nos camarades chiliens : comment Teck pourra-t-elle combattre les changements climatiques si elle-même contribue à la crise économique ? Ses mines au Chili, et particulièrement sont projet de mine pétrolière Frontier, en disent plus que n’importe quelle déclaration de développement durable.