La guerre commerciale ne fait que commencer

Rémi Grumel , L’Anticapitaliste, 28 juillet 2008

Au sommet de l’OTAN, qui s’est tenu le 11 et 12 juillet à Bruxelles, la tension était palpable entre Donald Trump et les chefs d’État des autres membres de l’alliance militaire. Tout en augmentant les droits de douane, le président US veut que ses partenaires accroissent leur budget militaire.

Faisant référence au projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier la Russie à l’Allemagne via la Baltique, Trump a plus particulièrement reproché à l’Allemagne d’être « aux mains de la Russie ». Le gaz russe vient en effet concurrencer le gaz naturel liquéfié que les groupes nord-américains produisent à partir de gaz de schiste et cherchent de plus en plus à exporter. C’est là l’expression de la nouvelle politique agressive de l’impérialisme US, qui veut conserver ses positions quitte à attiser de fortes tensions politiques et commerciales.

Escalade de tensions commerciales

Le 6 juillet, l’administration nord-américaine a annoncé l’entrée en vigueur de taxes douanières de 25 % sur 818 produits chinois d’exportation d’une valeur de 34 milliards de dollars, dont beaucoup à fort contenu technologique comme des voitures électriques, des composants d’avion, des robots industriels ou des disques durs d’ordinateurs. Le gouvernement chinois n’a pas hésité à riposter immédiatement par une autre taxe sur 545 produits américains représentant la même valeur. Il s’agit là de l’épisode le plus significatif d’une escalade de tensions commerciales qui avait commencé le 8 mars, avec l’annonce par Donald Trump d’une taxe de 25 % sur les importations d’acier et d’une autre, de 10 %, sur les importations d’aluminium. Alors que les entreprises mexicaines, canadiennes et européennes avaient été initialement épargnées par cette taxe, l’exemption a été levée le 1er juin dernier, provoquant ainsi des représailles tarifaires de l’Union européenne, mais aussi une riposte canadienne sur 200 produits étatsuniens, dont beaucoup d’entre eux spécialement sélectionnés, car fabriqués dans des régions concentrant des franges importantes de l’électorat de Donald Trump. Enfin, sortis de l’accord sur le nucléaire iranien le 8 mai, les États-Unis menacent de réintroduire d’ici au début d’août des sanctions économiques contre l’Iran. Cela représenterait une attaque frontale contre les grandes multinationales françaises (Total, Renault, PSA, Vinci, Sanofi) et allemandes (Volkswagen, Siemens, Daimler) récemment implantées sur le marché iranien.

Endiguer le développement rapide du capitalisme chinois

Cette guerre commerciale pourrait peut-être bien se généraliser, et une dégénérescence protectionniste du cycle économique actuel entraverait fortement la croissance mondiale. La hausse des taxes douanières aux États-Unis, en augmentant les coûts de production et les prix, pourrait aussi réduire à court terme les profits des entreprises dont dépendent beaucoup les cours des actions, qui pourraient à leur tour chuter rapidement et provoquer un nouveau krach financier. Du fait de ces risques, mais aussi parce que la mondialisation du capitalisme a poussé très loin la division internationale du travail1, la promotion du « libre-échange » reste majoritaire parmi les classes dominantes des grandes puissances. Certes, la bourgeoisie financière étatsunienne partage le diagnostic de Trump : les transferts forcés de technologie dans le cadre de partenariats industriels sino-américains permettent aux capitalistes chinois d’aller concurrencer les États-Unis sur la production d’articles d’exportation à fort contenu technologique. En revanche, pour cette fraction de la bourgeoisie, l’objectif devrait être l’ouverture des marchés chinois aux investissements, plutôt que la réduction du déficit commercial US. Soutenu par les franges les plus nationalistes et réactionnaires de la bureaucratie d’État, Trump cherche en revanche à endiguer le développement rapide du capitalisme chinois qui entraîne à long terme le déclin de la domination sans partage de l’impérialisme américain depuis la chute de l’Union soviétique. L’époque de la « mondialisation heureuse » et de l’ordre « multilatéral » créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale est révolue. Ses institutions, comme l’OMC, ne sont d’ailleurs plus armées pour réguler les conflits commerciaux et les contradictions actuelles. Désormais, l’espace du marché mondial est un théâtre trop confiné pour que la concurrence exacerbée entre les grands monopoles se restreigne au niveau économique, et cette dernière se soldera très probablement dans la décennie à venir par un accroissement des tensions entre grandes puissances – qui par ailleurs augmentent toutes leurs dépenses militaires.

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