Égypte : enquête sur un régime de terreur et de torture

PSEUDONYME, Mediapart, 26 MARS 2018 PAR

 

Assis au rez-de-chaussée du centre d’accueil fermé dans lequel il réside depuis six mois, S.* enchaîne les cigarettes et soupire. « Je me sens encore un peu en prison ici, je ne suis pas libre. Mais c’est quand même mieux que la prison égyptienne ! »plaisante-t-il.

Arrivé en Belgique en novembre 2017, le jeune homme a demandé l’asile politique après avoir subi plusieurs mois d’enfermement et de tortures dans son pays d’origine. Révolutionnaire de la première heure, il explique avoir « comme tous les jeunes hommes de son âge, suivi le mouvement » pendant le soulèvement populaire égyptien de 2011 et les années qui ont suivi. Pacifiste, il était de tous les rassemblements. Jusqu’au 16 août 2014.

Quelques mois auparavant, Abdel Fatah al-Sissi, le nouvel homme fort du pays, a gagné la présidentielle avec 96,4 % des voix. Populaire pour avoir renversé le président islamiste Mohamed Morsi en juin 2013, l’ex-maréchal réinstalle aussitôt un régime militaire à la tête du pays, que beaucoup d’Égyptiens avaient pourtant tant combattu trois ans auparavant.

Ce soir d’août 2014, des policiers en civils viennent interroger le voisinage de S. Est-il révolutionnaire ? Gauchiste ? Islamiste ? « J’ai alors arrêté toute activité militante, raconte-t-il. J’ai fermé mon compte Facebook, j’ai quitté mon domicile et me suis caché pendant huit mois. »

Le 28 mars 2015, il commet une erreur. Après des mois de planque, le jeune homme rend visite à sa mère. Dénoncé, il est arrêté sur-le-champ par « des hommes en noir, masqués, avec leurs mitraillettes pointées sur ma gueule, se souvient-il. À ce moment-là, j’ai cru que c’était le pire jour de ma vie. Je ne savais pas encore ce qui m’attendait. » Jeté à l’arrière d’un pick-up, il est emmené au commissariat de Sharkeyyia, près des pyramides, en bordure du Caire. Sous les coups de bottes et de barre de fer, une voix lui lance : « Bienvenue en enfer. »

Après 24 heures de détention, le parquet décide de sa libération « faute de preuves tangibles prouvant son implication dans des actes répréhensibles ». Mais ses geôliers en ont décidé autrement. À minuit, il est sorti du commissariat par une porte dérobée et emmené dans les bureaux d’Al-Laghzoly, un QG policier utilisé comme centre de détention non-officiel, à deux pas des ambassades américaine et anglaise.

Entièrement déshabillé, frappé, abusé sexuellement une longue partie de la nuit, on lui promet de faire subir les mêmes sévices à sa famille s’il ne livre pas rapidement ses copains. Le lendemain matin, il est mis à genoux dans une pièce pendant plusieurs heures. « Là, je me suis dit que j’allais me prendre une balle dans la tête. »

Mais c’est « le barbecue » qui commence : « Ils m’ont attaché les mains et les pieds ensemble, comme quand on fait griller un poulet sur une broche, et ils ont commencé les électrocutions. Je hurlais, je leur disais d’arrêter. Ils me criaient un truc que tous les gens torturés connaissent : “Efdi nasfak.” Ça veut dire : “Épargne-toi, choisis de quel côté tu veux être, en enfer ou au paradis. Dis-nous tout sur tout le monde et on te lâche” », raconte le jeune homme.

« Ils m’électrocutaient les parties génitales, me versaient des liquides brûlants sur le corps, je leur demandais d’arrêter, je leur disais : je sens que mon cœur va lâcher, je vais mourir, j’ai des problèmes cardiaques ! Mes doigts avaient triplé de volume, ils étaient devenus bleus. À un moment, l’un d’eux a dit aux autres : “Arrêtez, il va claquer.” Ils m’ont retiré de la broche et ont fait venir un médecin pour contrôler si je pouvais encore tenir le choc. Il leur a dit : “C’est bon.” Ils m’ont remis sur le barbecue. Là, je me suis dit que j’allais direct à la mort. »

Humiliations, électrocutions, brûlures, abus sexuels avec des objets. S. ne veut pas que tout son récit soit mentionné. Par peur pour ses proches restés en Égypte. Par honte aussi de tout dire. Le calvaire dure 12 heures par jour. Pendant 16 jours. Le reste du temps se passe dans le noir, dans une minuscule cellule. « Tu n’as le droit d’aller aux toilettes qu’une fois par jour, à minuit, donc tu dois te retenir et si tu ne peux pas, tu te pisses dessus et tu restes comme ça. Pour déféquer, le problème ne se pose pas trop, tu n’as pas envie d’aller aux toilettes puisqu’on ne te donne pas à manger. »

Une source proche des services de sécurité égyptiens le confirme. Les détenus sont entassés, avec l’impossibilité de bouger, de se lever ou de marcher, et ils sont alimentés avec le strict minimum, 40 grammes de riz et deux tranches de pain. « La cellule est très sale, il fait froid, tu n’as aucun vêtement, tu n’as pas le droit de parler aux autres, pas le droit de manger, de boire, de dormir. Le pire, c’est les cris des gens que tu entends se faire torturer, témoigne S. Quand tu entends les autres, tu réalises. Et tu attends ton tour. »

Détenu dans le secret pendant deux semaines, accusé de « participation à un groupe illégal qui planifie des attaques contre le pays avec la complicité d’ennemis de l’étranger », S. a perdu 20 kilos quand il est officiellement mis en état d’arrestation et transféré à Scorpion, une prison de haute sécurité située à Tora. Ce complexe gouvernemental situé sur le Nil, au sud du Caire, était, dans les années 1980 et 1990, un lieu dédié à la détention des prisonniers considérés comme les plus dangereux d’Égypte, les membres présumés d’Al-jama’ah al-islamiyah et du Jihad islamique égyptien. Il est enfermé dans l’un des quatre « blocs H » contenant chacun 320 cellules. Mal nourri, quotidiennement tabassé, plusieurs fois menacé d’être exécuté, il partage une pièce de sept mètres carrés avec cinq personnes. On estime à plus de 1 000 le nombre de prisonniers présents dans ce complexe, qualifié de « charnier »par d’anciens détenus.

Parmi eux, des dirigeants des Frères musulmans, emprisonnés aux côtés de membres présumés de l’État islamique, mais aussi des opposants politiques, comme le révolutionnaire Alaa Abdel Fatah, le journaliste Hisham Gaafar ou le médecin activiste Ahmed Saïd.

Plus de 60.000 personnes emprisonnées depuis 2013

Combien d’Égyptiens ont-ils été emprisonnés et torturés dans les geôles du pays ces cinq dernières années ? Cette vieille habitude du régime a pris des proportions industrielles. Au mois de septembre 2017, Human Rights Watch estimait que l’ampleur des violences orchestrées par le régime pourrait constituer un crime contre l’humanité. « Le président al-Sissi a donné aux policiers et aux agents de la sécurité nationale un blanc-seing pour se livrer à la torture quand bon leur semble, commentait Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient de l’ONG. L’impunité qui recouvre le recours systématique à la torture a privé les citoyens d’espoir et de justice. »

Si les Frères musulmans, désormais placés sur la liste des organisations terroristes, sont les cibles favorites de ces persécutions, des militants laïcs et libéraux, des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des avocats, des homosexuels, des petits criminels, des supporters de football ultras ou des badauds arrêtés par erreur sont également les proies de cette machine répressive infernale.

Les organisations internationales estiment à plus de 60 000 le nombre de personnes emprisonnées pour des raisons politiques depuis 2013.

 « La police fait payer l’humiliation qu’elle a subie lors de la première révolution, elle est de retour et elle se venge, note un diplomate européen en poste au Caire. Rien n’a changé en Égypte, la police continue à avoir des pratiques au-delà de l’inacceptable. Les autorités ont beaucoup plus peur de la société civile que des Frères musulmans ou des milieux terroristes. Ils ont une peur bleue des jeunes. »

Le pouvoir martèle depuis cinq ans que le pays est la cible d’attaques. Abdel Fatah al-Sissi estime que des « forces du mal » cherchent à ébranler la nation. « Nous avons payé le prix fort pour être là où nous sommes aujourd’hui et nous ne laisserons personne affaiblir la sécurité de l’Égypte, sa stabilité et ses institutions », grondait-il en avril 2016. Le 31 janvier dernier, il affirmait même : « Je ne laisserai jamais quelqu’un manipuler la sécurité de l’Égypte tant que je suis vivant. »

Les témoignages recueillis parlent d’eux-mêmes. Le récent rapport de Human Right Watch, intitulé « Torture et sécurité nationale dans l’Égypte d’al-Sissi », aussi (la version française est ici). Après sa diffusion en septembre 2017, le gouvernement a convoqué en urgence la presse pour se défendre des accusations portées par l’ONG. Il a dénoncé « la position politique biaisée de l’organisation ». Dans un communiqué, le service d’information d’État notait même que « si l’on considère que tout le contenu de ce rapport est avéré, le petit nombre de cas recensés (19) prouve bien le faible recours à la torture, sauf pour de rares cas individuels ». Dans le même temps, le site internet de l’ONG rejoignait la liste des 497 sites bloqués en Égypte.

Durant notre enquête, Karim Taha est le seul qui ait accepté de témoigner sous son vrai nom, depuis la République tchèque où il a réussi à fuir en 2015. En Égypte, ce membre du bureau politique du Mouvement du 6-Avril, à gauche, aujourd’hui à la tête de l’ONG Le Front égyptien pour les droits humains (FEDH), a été condamné par contumace à 25 ans de prison. Avant son exil, il a connu à trois reprises la détention et la torture. En novembre 2013, en janvier 2014 et en août 2015. Plus de quatre mois au total. Il décrit les mêmes scènes d’humiliations et de sévices.

« Tout ça pour quoi ? Parce que je manifestais contre la corruption », dit-il. Lors du troisième anniversaire de la révolution, le 25 janvier 2014, les militants du Mouvement du 6-Avril savent que la situation est dangereuse. « Mais nous avons décidé d’organiser une marche. Nous voulions protester contre une loi infâme interdisant les manifestations. Nous voulions continuer à réclamer la justice sociale, et aussi exprimer notre refus du coup d’État militaire du 3 juillet [date de l’arrestation du président islamiste Mohamed Morsi – ndlr]. »

Ce jour-là, quelques minutes seulement après les premiers slogans, les tirs de chevrotines et les gaz lacrymogènes contre les manifestants créent un mouvement de panique. Karim et deux amis sautent dans un taxi et demandent au chauffeur d’éviter les checkpoints de la police. « Il nous a répondu : “Bien sûr, vous êtes comme mes enfants”, mais il nous a conduits directement vers les véhicules des forces de sécurité pour nous dénoncer. C’était un informateur. » Battu dans la rue, il est jeté à l’arrière d’un camion. « Les gens étaient contents de ce qui nous arrivait », se souvient-il, amer.

Au commissariat de Dokki, menotté et mis à genoux, un officier écrase sa cigarette sur son épaule. Le lendemain, il est transféré dans une prison à dix kilomètres du Caire, sur la route qui mène à Alexandrie. Il s’agit d’un camp de la sécurité centrale d’État qui, officiellement, n’est pas un lieu détention. À son arrivée à « Kilomètre 10,5 », nom de cette prison secrète, les conscrits forment une « haie d’horreur » : deux rangs entre lesquels chaque détenu doit passer avant d’entrer dans la prison en encaissant les coups de rangers et de matraques. « Ils appellent ça “la fête de bienvenue”. Ils essayent de te casser pour que tu ne te rebelles pas pendant ta détention. »

Karim se retrouve avec neuf codétenus dans une cellule de confinement prévue pour une personne. « J’ai passé 2 mois à vivre sur 1 m². Les interrogatoires de la sécurité d’État avaient lieu toutes les 48 heures, ils m’électrocutaient dans le dos, me fouettaient les jambes avec une ceinture. Dans ces moments-là, tu ne sais même pas à qui tu parles, tu as toujours les yeux bandés. » Le jeune militant est ensuite transféré dans la prison de haute sécurité de Wadi Natrun. La « fête de bienvenue », encore.

Et de nouvelles humiliations. Les matons lui rasent la moitié de la tête. D’un côté, ses cheveux longs qui lui tombent sur les épaules, de l’autre, un crâne tondu. « Quand je leur ai demandé de me couper tous les cheveux, il m’ont battu encore plus fort. » Dans la nouvelle prison, ils sont 52 dans 25 m², « la situation était bien meilleure qu’à Kilomètre 10,5 ». Au bout de quelques semaines, Karim se plaint de ne pas pouvoir recevoir de visites, alors que des défenseurs des droits de l’homme, Sana Seif, Gihan Shaaban et Mohamed Elbaker, tentent de prendre de ses nouvelles. Il exige de parler au responsable du bureau procédural de la prison.

La torture est aussi « un message adressé à la société »

En réponse, Karim est roué de coups, a l’obligation de signer un rapport indiquant qu’il a attaqué un officier. Il est placé en cellule d’isolement. « C’était horrible, rester debout dans une cellule de moins de deux mètres carrés, sans lumière, sans toilettes. Ils ne m’ont donné qu’une bassine, une bouteille d’eau et une couverture puante. J’ai perdu le sens du temps, seul un rai de lumière, à un certain moment de la journée, me faisait comprendre que le temps ne s’était pas arrêté. »

Quelques jours plus tard, une mutinerie éclate dans la prison. Les forces spéciales répliquent à coups de grenades assourdissantes lancées dans les cellules. Ces policiers choisissent 11 détenus qui seront alignés contre le mur dans la position « six get ready », les poignets et les mollets liés dans le dos. Karim est l’un d’eux. On le déshabille, lui bande les yeux. « Ils nous ont plongé la tête dans un seau à l’odeur horrible, utilisé pour les besoins des prisonniers, et puis ils m’ont forcé à chanter une chanson pro-régime : “Al-Sissi est mon président et le peuple et l’armée ne font qu’un !” Je devais répéter ces paroles. Ils rigolaient et expliquaient que j’exerçais mon “droit de l’homme”, le droit à la survie. »

Karim est transféré dans un autre établissement, placé dans une cellule de confinement. Onze jours, sans aucune visite, si ce n’est un sous-officier qui lui amène une fois par jour un morceau de pain et un cube d’halawa, une pâte au sésame sucrée. « Cette fois, je devenais fou. J’essayais de résister à la folie, alors je me parlais à moi-même, je chantais ou fondais en larmes. J’ai trouvé un bout de fourchette en plastique par terre et je passais des heures à racler le mur gris pour écrire ce qui m’arrivait. »

Au bout de plusieurs semaines, il apprend qu’il est dans une zone montagneuse du désert occidental proche de l’oasis du Fayoum. C’est une prison de très haute sécurité, réservée aux criminels dangereux. Après son procès, le 11 juin 2014, il retrouve la liberté et sombre dans la dépression. En août 2015, il est de nouveau arrêté alors qu’il se rend avec des camarades au domicile d’un militant, tué un an plus tôt, pour adresser ses condoléances à la famille. Le supplice reprend.

Les histoires se ressemblent mais les profils des victimes sont variés, révélant la paranoïa qui a gagné le régime ces dernières années. Comme S. et Karim, Bishoy a lui aussi subi les coups de botte. Accusé de préparer des attaques terroristes, le jeune homme est pourtant bien connu pour son activisme pour la défense des droits des minorités, notamment de la communauté copte dont il est issu.

« Franchement, c’était risible. On m’accusait de faire partie des Frères musulmans et dans les pièces à conviction pour prouver ma culpabilité, il y avait l’un de mes carnets. Dedans, il y avait des numéros de téléphone de journalistes, une photo de ma mère et une photo de la Vierge Marie. » Bishoy, pourtant soumis pendant un mois et demi aux interrogatoires et aux pressions, assure « avoir eu plus de chance que les autres ».

« Ils m’ont maltraité, frappé, mais je n’ai pas subi des choses aussi graves que ce qu’on entend tout le temps. Je crois qu’ils voulaient juste savoir qui j’étais et ce que je faisais, pour leur liste de gens politiquement actifs. Je pense que c’est la seule raison pour laquelle j’ai été arrêté. Ils n’avaient rien de spécial à obtenir de moi. Ils me connaissaient déjà, ils savaient tout », assure-t-il.

Pour Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la torture a des objectifs autres que la simple collecte d’informations. « Il y a la peur que cela engendre dans les pays où la torture est systématisée. Elle n’est peut-être pas efficace comme moyen des renseignement, mais pour intimider une population, elle l’est. C’est aussi et surtout un message pour la société », explique-t-il.

En juillet 2015, Amnesty International s’alarmait d’ailleurs d’un autre fléau, étroitement lié à la pratique de la torture, qui glace la population et la rend docile : le kidnapping par les forces de sécurité et la détention secrète. Ce que les spécialistes appellent « les disparitions forcées ». Elles s’affichent quotidiennement sur les réseaux sociaux, où les hashtags #oùestIslam? #oùestEzzat? #oùestAbdelrahman? se multiplient.

Dans le bureau d’une ONG égyptienne, les dossiers s’accumulent. « Toutes les personnes qui disparaissent sont torturées. On n’a pas de chiffre exact sur la pratique de la torture. En revanche, on a recensé plus de 3 000 cas de disparitions forcées ces trois dernières années. Sans aucun doute, toutes ces personnes ont été torturées », explique Asna*, militante et spécialiste de cette question.

« Les disparitions forcées sont devenues un des instruments de l’État en Égypte. Toute personne qui ose exprimer des critiques est en danger », déplore aussi Amnesty International, qui notait récemment « une recrudescence de ces rapts depuis l’arrivée au ministère de l’intérieur de Magdi Hamid Abdel Ghaffar, ex-membre du SSI, l’ancienne police secrète du président déchu Hosni Moubarak. »

L’endroit emblématique de ces pratiques se situe dans le désert du Sinaï, à Ismaïlia, une ville située à 100 kilomètres au nord-est du Caire, dans la prison secrète d’Al-Azouly. Installée à l’intérieur du vaste camp militaire du quartier général de l’armée égyptienne, son seul nom fait frémir nos interlocuteurs. « C’est du suicide d’en parler », lâche une avocate spécialisée. Ses détenus sont appelés « les survivants » tant les conditions de détention y sont difficiles. Aucun avocat, observateur ou civil libre, n’a jamais pu y rentrer. Peu de détenus en sont ressortis.

« On sait très peu de choses sur cet endroit puisque c’est un centre de détention illégal. Il est en dehors de tout système judiciaire, c’est comme s’il n’existait pas. Le seul moyen d’avoir des informations, c’est lorsqu’un survivant est transféré dans une autre prison. Il essaye de se souvenir par cœur des noms des détenus qu’il a vus, des numéros de téléphone de leur familles qu’il essaye de transmettre quand il réapparaît dans une prison légale », explique-t-elle.

Les sévices sexuels et les tortures y sont monnaie courante mais « améliorés », raconte l’avocate. « Les détenus passent entre les mains de nombreux officiers qui les abusent. L’électricité, moyen le plus souvent utilisé, est omniprésente avec une technique particulière : ils font boire un liquide huileux aux détenus et leur en recouvrent le corps pour augmenter la conduction de l’électricité. »

Les autorités égyptiennes continuent de nier. « Ce n’est pas le genre de sujet qu’on peut évoquer facilement, elles sont dans le déni permanent », assure un diplomate en poste au Caire. L’Égypte bénéficie d’une impunité presque totale : personne ne lui demande des comptes sur ces violations systématiques, pourtant largement documentées par les ONG. Le silence le plus assourdissant vient des diplomaties étrangères, et notamment européenne et française, qui ferment les yeux à la faveur de contrats et de la stabilité à tout prix de la région.

 

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