Par Pablo Rivas
La nouvelle est tombée comme une douche froide pour les organisations qui depuis des années alertent sur le danger que représente le glyphosate, un herbicide grandement utilisé, qualifiée depuis 2015 comme « sûrement cancérigène » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en plus de provoquer des perturbations endocriniennes et toxiques pour la faune aquatique. La Commission européenne a annoncé ce mercredi sa position sur l’éventuelle extension de l’autorisation à utiliser cet herbicide alors qu’elle était débattue au sein des institutions européennes : elle valide l’extension de son l’utilisation en Union européenne au moins pour la prochaine décennie.
La Commission base sa décision sur un avis de L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de juillet. Elle rapporte que « l’évaluation de l‘impact du glyphosate sur la santé des personnes, des animaux, et de l’environnement n’a pas était identifiée comme une préoccupation majeure ». Elle constate toutefois qu’il y a quelques « lacunes dans les données » présentées par son analyse, entre autres « l’évaluation du risque alimentaire pour les consommateurs et l’évaluation des risques pour la végétation aquatique ».
Aux États-Unis, Bayer-Monsanto a accepté d’indemniser de 11 milliards de dollars les victimes de sa marque commerciale de glyphosate – Roundup – pour les cas de cancer qu’elle a provoqué
Pendant que les questions sur de meilleure analyse restent en suspens, la EFSA soutient que « le manque d’information concernant la toxicité d’un des composants présent dans la composition du pesticide […] ne permet pas d’établir une conclusion claire dans l’évaluation du risque lors de son utilisation. Cependant, et d’après ce que les experts de l’organisme reconnaissent concernant son caractère écotoxique soutenant qu’il existe « un risque élevé sur du long terme pour les mammifères pour douze des vingt-trois utilisations proposées du glyphosate », l’organisme a émis un avis disant qu’il ne voyait aucune raison pour s’opposer à son utilisation.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. « La proposition de la Commission européenne est inacceptable. À un an des élections européennes, c’est une stratégie claire de Von der Leyen pour obtenir le soutien des droites européennes », signale dans El Salto Florent Marcellesi de Sumar y Verdes Equo. Pour ce vétéran écologiste, la proposition « va à l’encontre de la santé et met en danger la biodiversité et notre sécurité alimentaire ».
« Cela fait des années que nous insistons sur la nécessité d’interdire le glyphosate. Les pays voisins l’ont déjà fait, la justice française et la justice nord-américaine soutiennent elles aussi son interdiction… Quand est-ce que ce sera le tour de l’Espagne ? » se demande Juantxo López de Uralde, coordinateur de l’Alliance verte.
En plus d’être qualifié comme cancérigène, le glyphosate est considéré par tout un éventail d’organisations comme un perturbateur endocrinien
Dans une idée similaire, Theo Oberhuber, porte-parole d’Écologie en action, qualifie d’« incroyable » la décision de la Commission, remarquant que « les intérêts économiques pèsent plus que la santé et la nature » et exige du gouvernement espagnol qu’il s’oppose à l’extension de l’autorisation du glyphosate.
Pour sa part, le groupe les Verts européens/Alliance européenne libre a demandé à la Commission qu’elle ne renouvelle pas la licence du glyphosate au sein de l’UE, afin de mettre fin à sa vente et à son utilisation sur le contient.
Interdit chez certains, suspecté par d’autres
L’utilisation du glyphosate, une substance commercialisée depuis les années 70 par le géant agronomique Monsanto – actuellement propriété de Bayer – est interdite entre autres en Autriche et dans des régions des États-Unis, Canada, Grande-Bretagne ou Suisse, et son utilisation est limitée dans une vingtaine de pays. En Espagne, toute une série de municipalités, incluant Barcelone, Madrid ou Zaragoza ne les utilisent plus dans leurs zones naturelles à cause de sa possible toxicité.
En plus d’être qualifié comme cancérigène, le glyphosate est considéré par tout un éventail d’organisations comme un perturbateur endocrinien, ce qui signifie que c’est une substance qui affecte le système hormonal animal, incluant les êtres humains. De plus, il est le principal contaminant dans les bassins du Tajo, Miño Sil, la Cantabrique occidentale et orientale, Duero, Guadiana, bassins internes d’Andalousie, Jucar et Segura, selon un rapport des Écologistes en action, de juillet 2020. Un an après, cette confédération d’organisations écologistes a publié les résultats d’une analyse détaillée des eaux espagnoles, concluant que, de toutes les analyses réalisées par les organismes de bassins entre 2015 et 2019 dans les rivières et les aquifères, 31% d’entre elles détectent la présence de glyphosate, et 22% d’entre elles surpassent la valeur limite référencée par le Guide pour l’évaluation de l’état des eaux superficielles et souterraines du ministre pour la transition écologique.
Une autre étude menée au niveau européen par les Verts/ALE en 2022, en collaboration avec Pesticide Action Network Europe et la Coalition Stop-Glyphosate, a examiné des échantillons d‘eaux dans 12 pays européens. Cette recherche a détecté la présence de ce pesticide dans 74% de la nôtre, dont 22% ayant un niveau qui dépasse la limite de 0.1 μg/L pour les substances de pesticides actives et de ses métabolismes dans les eaux potables. Dépasser cette limite implique que ces eaux sont inutilisables pour la consommation humaine.
Aux États-Unis, Bayer-Monsanto a accepté d’indemniser de 11 milliards de dollars les victimes de sa marque commerciale de glyphosate – Roundup – pour les cas de cancer qu’elle a provoqué lors d’un procès qui a regroupé des dizaines de milliers de demandes, quasiment 125.000.
La proposition de la Commission va passer par le Comité des pesticides ce vendredi et les états membres la voteront le 12 octobre prochain. Le ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, Manuel Planas, s’est montré favorable à l’extension de l’autorisation du glyphosate en juillet, après avoir pris connaissance du rapport de la EFSA.
Par Pablo Rivas, via El Pais republié par desInformemonos traduit par Rédaction-JdA/PA.