La population palestinienne au Liban inquiète du sort de l’UNRWA

Amélie David, correspondante au Liban

Après les accusations de complicité avec le Hamas par Israël contre des employé.es de l’UNRWA 1, une vingtaine de pays a suspendu leur financement à l’agence. Au Liban, où 250 000 réfugié.es de Palestine dépendent des services de cette agence, l’avenir apparaît plus sombre que jamais.

« Nous devrons vivre au jour le jour. Tu fais à manger et tu ne sais pas ce qu’il se passera après… » Jihad Moussa tourne le bouton de sa gazinière. Les flammes bleues sous la petite théière disparaissent. Le jeune homme de 25 ans vit avec sa famille, descendante de réfugié.es palestinien. nes qui ont fui leur pays pendant la Nakba en 1948, dans une maison dans le camp de Burj-El-Barjaneh 2 l’un des camps les plus anciens et bondés du pays, situé au sud de Beyrouth.

Ici, les rues sont très étroites, la lumière y est rare en raison de la hauteur du camp. Les fils électriques s’entremêlent et touchent parfois les têtes des passants. Les pluies d’hiver rendent les rues pavées glissantes et boueuses.

Rappelons que les suspensions du financement interviennent après les accusations d’Israël portées contre une douzaine d’employé.es de l’UNRWA, immédiatement mis.es à pied. L’événement fut rendu public en même temps que le jugement de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui exigeait à l’État hébreu d’empêcher tout acte de génocide.

80 % de la population palestinienne au Liban vit en dessous du seuil de pauvreté

Dans ce camp, comme dans les 11 autres qui se trouvent au Liban, les 250 000 réfugié.es comptent sur l’aide de cette agence 3. Selon une estimation, 80 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et plus de la moitié dans des camps surpeuplés.

L’agence onusienne assure des services d’éducation à 38 000 enfants répartis dans 62 écoles et aussi des services d’enseignement technique et professionnel à près de 1000 étudiant.es. Au Liban, l’UNRWA est aussi responsable de la gestion de 27 centres de santé qui accueillent 27 000 patient.es chaque année, et apporte son soutien à d’autres structures de santé. En plus de services sociaux et matériels, l’UNRWA soutient financièrement 65 % de la population palestinienne réfugiée au Liban.

« Ces coupes budgétaires vont entraîner une réduction des services et… sur la durée, pourraient entraîner leur disparition », s’inquiète Jihad Moussa. De son côté, sa famille a bénéficié non seulement de l’aide de l’UNRWA pour l’éducation, mais d’un soutien financier aujourd’hui pour les soins de santé de sa sœur malade. « L’UNRWA aide ma sœur à couvrir les tests de laboratoire et d’autres coûts liés à l’hospitalisation quand nous ne pouvons pas, car nous n’avons pas d’assurance santé », continue le jeune homme.

Le Docteur Rami Zurayk, directeur intérimaire du centre d’études sur le territoire palestinien de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), estime que l’UNRWA agit comme une sorte de pansement pour la population palestinienne et pour leur cause. Selon lui, la suspension des fonds démontre surtout à quel point les pays occidentaux sont prêts à soutenir Israël, malgré le jugement intérimaire de la Cour internationale de justice. « L’Ouest moralisateur, apporteur de leçons, démontre ici qu’il n’est qu’un monstre colonisateur qui ne peut s’empêcher de détruire toute civilisation sociale pour asseoir son hégémonie », s’insurge le chercheur.

Au Liban, l’UNRWA représente une bouée de sauvetage. En raison du statut de réfugié.e, officiellement, la population palestinienne n’a pas accès aux mêmes droits que les citoyen.nes du Liban, même si plusieurs ont pu obtenir cette citoyenneté. Emploi, accession à la propriété, nationalisation : c’est un peuple accueilli, mais non intégré. Une vie au jour le jour, dans l’attente d’exercer le droit au retour.

Pour aller plus loin :

Une vidéo du média français Blast qui explique l’ordonnance historique rendue par la Cour internationale de justice dans laquelle elle enjoint Israël la commission de tout acte « tout acte entrant dans le champ d’application de la Convention sur le génocide et de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide. »

  1. Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugié.es de Palestine dans le Proche-Orient[]
  2. Il a été créé en 1948 et compte plus de 18 000 habitants selon un recensement de 2017, mais plus de 20 000 personnes sont enregistrées par l’UNRWA. Elles vivent sur 0,2 kilomètre carré.[]
  3. Il n’existe pas de décompte officiel de la population palestinienne réfugiée au Liban. L’UNRWA estime qu’ils sont 250 000, mais d’autres chiffres publiés en 2023 indiquent près de 500 000.[]