Mario Gil Guzman, correspondant
Les économies transformatrices sont des territoires autogérés, des relations cordiales et amoureuses entre l les êtres humains et la nature, des échanges de besoins, de complémentarités et de solidarités. Ce sont des économies qui placent la vie, la santé collective et la joie au cœur de l’échange. Ces économies sont faites par des personnes, en particulier par des femmes, qui prennent soin de nos territoires et de nos cultures depuis des millénaires. Il s’agit d’une pédagogie de l’apprentissage par l’action, de l’apprentissage par la récupération d’espaces, de l’apprentissage par l’espoir d’alternatives (FSMET 2024).
Le FSMET 2024 à Cali
Le Forum social mondial sur les économies transformatrices (FMSET) a eu lieu les 20 et 21 octobre 2024 dans la ville de Cali, en Colombie. Sa préparation a été un travail de coordination depuis avril 2023 dans la ville de Neiva, où il a été convenu de tenir ce forum, suivi de la réunion Ecovida, une proposition dans le cadre de la COP16 pour discuter des réseaux et des mouvements dans les économies pour la vie.
Le FMSET fait partie de la famille du Forum social mondial (FSM). La première version était planifiée en 2020 à Barcelone, mais la pandémie a désorganisé sa tenue, la réduisant essentiellement à une rencontre locale. Celle de Cali a permis de réunir des délégations en provenance de plusieurs endroits de la planète, dont le Québec, et surtout de plusieurs régions de l’Amérique latine.
Les principales composantes de cette proposition sont les réseaux d’économie solidaire tels que le Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS), le Movimiento Agroecológico Latinoamericano y del Caribe (MAELA — le Mouvement agroécologique latino-américain et des Caraïbes), ou les propositions éducatives telles que le Curriculum mondial pour l’éducation à l’économie solidaire, les réseaux de troc, les monnaies locales, les économies circulaires, les coopératives. Toutes ces propositions construisent des échanges régionaux et mondiaux, en apprenant des pratiques et des stratégies de différents territoires.
Une alternative économique solidaire et populaire
L’économie solidaire, populaire et alternative n’est pas une invention d’intellectuel.les. Ce sont des pratiques utilisées par les peuples depuis des siècles pour soutenir leurs communautés et leurs familles. Elles sont solidaires, car elles ne recherchent pas l’accumulation ni le monopole de la production. Elles sont populaires, car ce sont des connaissances qui proviennent des peuples. Lorsque ces économies sont prises par les grandes multinationales, elles cessent d’être considérées comme populaires.
Il ne s’agit pas uniquement du commerce local, c’est un moyen de survivre pour des centaines de millions de personnes. La vente de bonbons aux coins des rues, des produits fabriqués par les gens eux-mêmes, la vente sur les marchés traditionnels, l’échange, le troc, la petite vente, ce sont des alternatives parce qu’elles sont différentes du système prédominant. C’est un ensemble de formes d’organisation qui défendent les valeurs de la solidarité, de la coopération, de l’équité, du travail partagé, de la démocratie, de la sauvegarde de l’environnement en passant par une relation équilibrée entre les êtres humains et la nature (Manrrique, Gil, et Carrier 2022).
Les dimensions de l’économie solidaire
Selon le professeur et chercheur uruguayen Pablo Guerra (2010), l’économie solidaire a trois dimensions différentes :
- un mouvement social qui défend l’importance de changer le modèle économique de développement existant;
- un paradigme scientifique qui vise la création de théories d’analyse des formes d’économie alternatives;
- un secteur de confluence des bases solidaires, constitué comme un réseau qui émane de la société civile.
Le concept de l’économie solidaire se réfère autant à l’intégration de l’économie et la solidarité, qu’à une nouvelle manière de concevoir les principes de l’économie, ses processus économiques ainsi que les entreprises. Suivant cette perspective, le marché devrait être orienté vers la coopération et la solidarité des différents protagonistes économiques. L’économie solidaire est comprise comme un troisième secteur, basé sur des liens moraux de réciprocité, la consommation responsable et communautaire ainsi que sur les principes de l’autogestion, l’aide mutuelle, les processus associatifs et la coopération (Davila Ladron de Guevara et collègues, 2018).
Les propositions d’action prennent en compte la relation entre le genre, la nature et la communauté, etc. Elles constituent d’autres façons de voir l’économie, où l’intérêt fondamental est l’être humain et la reproduction de la vie, non seulement au présent, mais aussi dans le passé et pour l’avenir.
Elles sont une réponse aux différentes crises du capitalisme, comme celle de la crise financière en Argentine, celle en conséquence de l’imposition de l’agro-industrie dans une grande partie du Sud global, avec tout ce que cela implique, celle liée à l’utilisation des produits agrochimiques et à la production de la pollution, sans oublier celle liée à la vague d’extractivisme et la guerre pour les ressources naturelles.
Les peuples ont été déplacés, isolés, marginalisés, sans accès aux ressources ou aux traditions. La guerre impérialiste a appauvri des millions de personnes et de peuples, leur a enlevé leurs sources de vie, leurs terres, leurs territoires et les a envoyés migrer dans les villes et vers l’Occident, pour vivre le racisme et la ségrégation (Rocha Loyo 2021).
Toutes les expériences en économies transformatrices se sont rencontrées lors de re ce rendez-international avec l’objectif de se reconnaître et construire ensemble des actions globales pour autres économies.
Le Mouvement des économies transformatrices du Forum social mondial affirme :
- Participer activement au processus mondial, intercontinental et latino-américain des économies transformatrices en tant que droit de la personne et partie intégrante des économies pour la vie.
- Reconnaître la multiplicité des gouvernances anti-patriarcales, décoloniales et anticapitalistes de nos peuples.
- Signer un pacte mondial des Économies pour la Vie, du Partenariat pour la Paix et de la Défense de la Biodiversité.
- Renforcer le développement technologique pour la conservation de la biodiversité et les énergies renouvelables.
- Construire des cartes géopolitiques d’économies transformatrices qui influencent les routes de la formation, de la science, de la technologie, du travail et de la défense des expériences socio-économiques des territoires.
- Jumeler des formations et des recherches basées sur l’associativisme, l’autogestion et les multiples formes d’organisation de l’économie non patriarcale, décoloniale et non capitaliste.
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