Amélie David, correspondante à Beyrouth
Je me suis trompée. J’étais pessimiste et je n’y croyais pas. Je ne le voyais pas arriver malgré ce que j’entendais et ce que je lisais. Mais je me suis trompée. Le cessez-le-feu a bien été accepté. Validé. Mis en œuvre. Oui, désormais au Liban, nous pouvons regoûter à la paix. Nous pouvons respirer. Le 27 novembre, deux mois jour pour jour après la mort de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, un cessez-le-feu est entré en vigueur. Comme lorsque les enfants jouent à la guerre et décident de s’arrêter le temps du goûter. On fait une trêve. On définit des principes. On définit une durée. Au Liban, ça sera un cessez-le-feu de 60 jours. L’armée libanaise devra reprendre position dans le sud du Liban, le Hezbollah devra déposer les armes et se retirer. En contrepartie, Israël se retirera aussi… On connaît la chanson. Y croit-on encore seulement ?
Certaines personnes habitant le sud sont reparties dans leurs villages. Pour se réinstaller quand elles le peuvent. Pour constater les dégâts, surtout. D’autres n’ont plus rien. Elles ont tout perdu. Mais la force de ces gens est là : point levé ou avec le V de victoire, ils rebâtiront. Même si ce n’est qu’une trêve et que les combats pourraient recommencer. Pourraient. Où vont-ils ?
Car la trêve semble plus que fragile. En 4 jours, à peine, Israël a déjà violé plusieurs fois les accords du cessez-le-feu : par le ciel et la terre. Les drones sont aussi toujours présents. Des tirs d’artillerie ont eu lieu à la frontière. Des attaques de drone aussi. Israël a tué et blessé en l’espace de 4 jours au Liban pendant ce que nous continuons d’appeler cela un cessez-le-feu. Deux personnes sont mortes et une autre a été blessée par une frappe de drone qui visait trois jeunes hommes près de Marjeyoun, dans le sud. À la mi-journée, le centre d’urgence du ministère de la Santé a annoncé qu’un raid israélien près de Tyr a fait trois blessés, dont un enfant de 7 ans. D’après L’Orient-le-jour, un char et un drone israéliens sont entrés dans la localité de Aitaroun, près de Bint Jbeil, à deux kilomètres de la Ligne bleue, une zone dans laquelle ils n’avaient pas réussi à entrer pendant la guerre. Les municipalités de Deir Mimas et Deir Seriane appellent quant à elles leur population à éviter de se rendre dans leurs villages ou à en évacuer quand ils y sont déjà retournés. L’accès aux terres agricoles et aux oliveraies est strictement interdit à Deir Mimas, d’après un communiqué de la municipalité en coordination avec l’armée libanaise. À Deir Seriane, les familles qui étaient rentrées ont été appelées à évacuer « afin de préserver leur sécurité », précise la mairie. C’est donc cela la souveraineté ? C’est donc cela que mérite le Liban après plus d’un an de guerre, près de 4000 morts (des personnes n’ont pas été retrouvées sous les décombres), près de 16 000 blessés et environ 1,5 million de personnes déplacées ? Sans compter les nombreuses menaces du porte-parole arabophone de l’armée israélienne sur X contre les populations du sud du Liban qui n’aspirent qu’à rentrer dans leur foyer. Et y rester.
Pour la première fois depuis la trêve, un drone israélien a survolé Beyrouth. Quelques heures seulement après qu’un rassemblement avec des centaines de personnes ait eu lieu dans la banlieue sud de Beyrouth, en mémoire de Hassan Nasrallah. Son bruit a vite rappelé à toutes et tous que la guerre, finalement, n’était pas si loin. Que le drone souvent annonciateur de bombardements était toujours là ! À nous épier. À nous matraquer. À nous rendre fou.
Mais ceci est un cessez-le-feu. Alors, tout va bien. Nous ne savons pas tout de cet accord d’ailleurs. Ce qui en ressort tout de même est qu’il y a deux puissances occidentales qui sont aux commandes de l’avenir du Liban. Surtout la France qui a troqué ses valeurs pour être dans les négociations. Et qui rend à Benyamin Netanyahu, son immunité alors qu’un mandat de la Cour Pénale Internationale a été émis à son encontre. La France donneuse de leçons a craché sur ce qu’elle se sent obligée d’inculquer aux autres. Bien sûr, ce n’est pas la première fois. Bien sûr, ça ne sera pas la dernière.
J’étais pessimiste sur la mise en œuvre d’un cessez-le-feu. Je n’y croyais pas. Je m’étais trompée. Je suis aujourd’hui pessimiste sur son maintien et son respect. J’espère aussi, très sincèrement, me tromper.