Marie Couture et Thomas Fontaine, membre du collectif Jeunesse du FSMI
Au Québec, un homme sur cinq âgé de 18 à 35 ans considère que « le féminisme est une stratégie pour permettre aux femmes de contrôler la société » selon un sondage de la firme léger qui paraît en 2023. C’est dans ce contexte que l’Aide internationale pour l’enfance (AIE) propose une activité nommée « Le féminisme en 2025 : freiner la montée du masculinisme » pour la troisième journée du Forum social mondial des Intersections.
L’atelier de deux heures, animé par Caio Santiago, s’est déroulé sous un format de groupe de discussion appuyé par un diaporama interactif. Celui-ci comportait différents faits et statistiques sur les inégalités de genre à travers le monde.
Grâce à ce format qui s’inscrit dans leur programme d’éducation à la citoyenneté mondiale (https://www.aipe-cci.org/ecm/), l’AIPE sensibilise les jeunes dès l’âge du secondaire.
Le masculinisme, c’est quoi ?
Au début de l’atelier, Caio nous propose quelques définitions afin que toutes les personnes participantes partent sur les mêmes bases de connaissances. Le masculinisme comme un mouvement social, puisqu’il comporte différents acteurs, surtout, qui tiennent des actions et des discours autour d’une idéologie commune. Ce mouvement se qualifie comme « réactionnaire », puisqu’il tient à réactiver des idéaux, à retourner vers un état passé des rapports homme-femme. L’idéologie partagée chez les masculinistes est que, dans nos sociétés contemporaines, les hommes et la masculinité sont en crise à cause du féminisme.
L’animateur prend aussi le temps d’aborder le féminisme, qu’il définit comme mouvement idéologique, politique et social en faveur de l’égalité des genres.
Les hommes et le féminisme
Grâce au nombre restreint de personnes participantes, les échanges étaient à la fois fluides et approfondis, permettant de soulever de nombreux enjeux et questionnements.
Parmi les idées communes qui circulent par rapport au féminisme, on entend souvent que « le féminisme n’a plus trop d’intérêt aujourd’hui, puisque les grandes luttes ont déjà été menées ». Ici, les participants se sont mis d’accord sur la différence entre l’égalité formelle et l’égalité réelle. Alors que les femmes ont le droit de voter, elles sont moins nombreuses en position de pouvoir, elles passent plus de temps quotidiennement aux tâches ménagères, elles gagnent des salaires inférieurs à leurs collègues, etc. De plus, elles sont régulièrement victimes de micro-agressions, d’un sexisme quotidien, qui serait difficile à cibler et à combattre.
La question de la posture et de la responsabilité des hommes dans les luttes féministes a constitué un point central de nos discussions. Nous avons collectivement pris conscience que les hommes se revendiquant comme proféministes doivent, au-delà d’amincir leur propre contribution au système de domination patriarcale, adopter une posture de vigilance et agir en véritables sentinelles dans les interactions sociales, n’hésitant pas à intervenir pour prévenir toute forme d’agression.
En effet, si une féministe confronte un homme vis-à-vis d’un commentaire sexiste, celui-ci risque de ne pas se sentir interpellé, puisque cette confrontation est prévisible. Or, si un homme proféministe critique ce même commentaire et refuse de le valider, nous soupçonnons qu’il sera davantage porté à une réflexion, puisqu’il considère plus sérieusement le jugement d’un autre homme. Ainsi, dans les luttes féministes, les hommes ont une position privilégiée pour être des alliés actifs.
Ensuite, nous remarquons que plusieurs hommes ne se joignent pas à la cause féministe, puisqu’ils ne s’y sentent pas concernés. Alors, le féminisme se présente à eux seulement comme une perte de privilèges. Ceci crée alors une certaine peur, ou un sentiment de dépassement. Ainsi, il semble primordial de rappeler que l’idéologie féministe, qui remet en question le patriarcat, bénéficierait aux femmes, mais également aux hommes.
Effectivement, dans le système patriarcal actuel, le concept de masculinité encourage les hommes à correspondre le plus conformément à de nombreux critères. Être un « vrai » homme impliquerait d’être compétitif, musclé, dominant, riche, etc. Cependant, ce ne sont pas tous les hommes qui se retrouvent dans cette conception étroite de la masculinité. Ainsi, il nous semble important de déconstruire nos idées préconçues de ce qu’est un « vrai » homme, pour une société plus inclusive et égalitaire.
Les hommes et le masculinisme
En ce sens, nous remarquons que plusieurs jeunes adolescents qui adhèrent au masculinisme sont en quête identitaire et à la recherche de repères auxquels s’accrocher. Ainsi, lorsqu’ils voient Andrew Tate, ils le perçoivent comme un modèle inspirant, dans la mesure où il présente des caractéristiques valorisées en société, dont l’argent, la célébrité, la confiance en soi. Selon les personnes participantes, il faut mettre de l’avant d’autres modèles de masculinité plus sains, notamment pour ces jeunes adolescents.
Pour finir, la place des émotions a également été identifiée comme un enjeu majeur. Il a été observé que, dans le mouvement masculiniste, la tendance à négliger ses émotions est valorisée, la sensibilité étant perçue comme un attribut féminin. À l’inverse, nous avons conclu que la sensibilité ne devrait pas être genrée et qu’il est important de valoriser les hommes empathiques et sensibles, afin de déconstruire les normes de la masculinité hégémonique. L’intelligence émotionnelle doit être encouragée et travaillée chez les jeunes garçons, notamment, pour permettre de créer des conversations plutôt que d’opter pour la violence.
À la fin de l’atelier, une chose reste certaine pour tout le monde, le masculinisme monte en popularité chez les jeunes. Pour chaque personne participante, il semble une priorité d’étudier ce mouvement qui menace les acquis des luttes féministes, afin de limiter la violence portée par ses idées. Les ateliers comme celui de l’AIPE sont nécessaires afin de sensibiliser les jeunes et d’ouvrir des espaces de dialogues sécuritaires.