
Nina Angerville — membre du Collectif Jeunesse FSMI 2025
L’Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) a tenu un atelier, le 31 mai dernier, dans le cadre du FSMI 2025. Cette activité a permis de démontrer que la solidarité internationale doit être pensée comme un processus vivant, inclusif et ancré dans les territoires pour faire face à la complexité des enjeux contemporains.
Il s’agit d’un atelier particulièrement inspirant intitulé « Agissons pour un monde plus juste », en vue d’échanger sur les engagements et les pistes d’action que les actrices et acteurs de la société civile peuvent porter pour promouvoir la solidarité internationale face aux défis contemporains. Il s’inscrivait dans la démarche des États généraux québécois de la solidarité internationale qui se sont tenus la semaine suivante. Un processus collectif dont les réflexions et dynamiques se poursuivront bien au-delà.

Un cadre participatif et intersectionnel
La directrice générale de l’AQOCI, Michelle Asselin, et Sophie Bramucci en service à l’AQOCI ont toutes deux rappelé l’ambition du processus : formuler une déclaration collective qui puisse nourrir le débat public et les espaces internationaux (Université d’été des mouvements sociaux à Bordeaux en août 2025, Forum social mondial à Cotonou en août 2026, etc.) et surtout outiller les mouvements au Québec et au-delà.
Après une présentation des personnes participantes, les animatrices nous ont permis de voir cette diversité en notant les thématiques sur un tableau : un moyen de mettre en lumière la richesse des regards présents et de favoriser une approche intersectionnelle dès le départ.
Réfléchir aux freins à un monde plus juste
Les personnes participantes se sont ensuite réparties en deux groupes pour répondre à la première question : « Qu’est-ce qui nous empêche de vivre dans un monde plus juste ? ». Les échanges ont été nourris et critiques, faisant émerger plusieurs constats :
- La transformation des citoyen·nes en consommateurs/travailleurs dépolitisés, au détriment de l’engagement civique.
- La montée des forces conservatrices et religieuses, mettant en péril les droits des femmes, des personnes LGBT+ et les avancées en matière d’égalité.
- Les inégalités socio-économiques : difficile de militer quand on ne parvient pas à se loger ou nourrir ses enfants.
- Une communication parfaitement huilée de l’extrême droite, appuyée par l’usage des réseaux sociaux.
- L’héritage du colonialisme et du patriarcat, qui continue de façonner les rapports de pouvoir.
- Une baisse du niveau d’instruction rendant les citoyen·nes plus vulnérables aux discours simplistes et populistes.
- Une criminalisation croissante des droits et des mouvements sociaux.
- L’intersectionnalité des haines : les oppressions ne s’additionnent pas, elles se combinent et se renforcent.
Les participant·es ont cité en référence plusieurs ouvrages pour mieux comprendre ces dynamiques, dont « Les ingénieurs du chaos » de Giuliano da Empoli.
Dessiner des engagements concrets
Après une restitution des réponses à la première question, les participant.es ont poursuivi avec la seconde question : « Quels engagements pour un monde plus juste ? »
Les propositions ont été nombreuses et ambitieuses :
- Renforcer les lieux physiques communautaires (tiers-lieux), pour créer du lien, de la solidarité, et des espaces d’action collective.
- Assumer une radicalité décoloniale, en refusant les compromis sur les droits fondamentaux.
- Adopter une vision véritablement internationaliste, en évitant de se limiter à une posture défensive ou purement réactionnaire.
- Créer des alliances élargies et des réseaux de réseaux pour renforcer la capacité d’action.
- Considérer que produire une analyse de conjoncture est en soi une action politique. Sans vision partagée des enjeux, il est difficile de se mobiliser collectivement.
- Travailler à des luttes régionales fortes comme socle d’une solidarité internationale plus solide.
Là aussi, les échanges ont mis en lumière des lectures complémentaires, telles que « Human Kind » de Rutger Bregman ou les travaux de Caela Gillespie sur la « Manufacture de l’homme apolitique ».
Un équilibre entre lucidité et engagement
En plénière, la restitution des groupes a donné lieu à un riche débat intersectionnel, oscillant entre lucidité pessimiste à court terme et espoir stratégique sur le long terme. Un constat partagé : le pessimisme n’est pas une excuse à l’inaction, au contraire, il doit renforcer notre volonté d’agir.
L’atelier s’est conclu par un rappel du calendrier des États généraux, et une invitation à poursuivre l’engagement : les personnes participantes seront invitées à contribuer à la déclaration finale, laquelle pourra aussi être partagée dans d’autres espaces internationaux comme l’Université d’été des mouvements sociaux de Bordeaux. L’ambition n’est pas d’imposer un modèle, mais d’offrir une source d’inspiration pour d’autres dynamiques de solidarité.

Les participant·es repartent avec des idées concrètes, des pistes d’alliances, et la conviction qu’agir pour un monde plus juste passe d’abord par la construction d’un nous collectif, lucide, mais résolument tourné vers l’action.