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Emma Soares, correspondante en stage

L’autodétermination et le consentement des communautés autochtones est un enjeu central dans les projets d’exploitation minière, leur droit de dire « non » à ces multinationales qui souhaitent exploiter leurs terres à profit, détruisant les écosystèmes en leur privant d’un environnement sain. L’organisation Mining Watch et sa représentante Viviana Herrera rassemblent les communautés qui ont souffert de l’extractivisme afin de partager leurs connaissances, leurs souffrances et tracer ensemble un chemin vers la résistance pour protéger leurs terres et ses ressources.

Les États généraux de la coopération internationale organisés par l’AQOCI se tenaient à Montréal ce début juin où des conférences et ateliers se sont tenus pour mettre en lumière divers enjeux internationaux. Dans ce cadre, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL), le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et l’organisation Mining Watch Canada se sont unis pour lutter contre l’extractivisme minier opéré par des compagnies canadiennes sur les terres sud-américaines. Au sein de cette lutte commune se trouvent les trois piliers du capitalisme contemporain : le libre-échange, l’extractivisme et le pouvoir des firmes multinationales.

Le Canada, un paradis juridique et économique

Mining Watch Canada documente les violations de droits humains dans le comportement des sociétés minières pour faire pression sur le gouvernement canadien. Pour les trois organismes, le Canada est un « paradis juridique et économique » pour les compagnies minières. Elles sont favorisées par le système gouvernemental canadien dont son code minier est un des plus permissifs au monde.

Mining Watch Canada fait face à une demande explosive venant de communautés dévastées par l’activité de ces sociétés : les mines sont laissées à l’abandon rejetant des métaux lourds et substances acides dans les rivières où ils pêchent, destruction de sites sacrés, cratères toxiques au milieu des forêts tropicales, violence et assassinat des défenseurs de la nature, agressions sexuelles commises par des agents et policiers qui surveillent les mines.

Les faits rapportés par les locaux sur place témoignent d’un climat violent autant pour l’écosystème que pour la population. En Équateur, le pays le plus petit d’Amérique latine, 15 sociétés minières se partagent le peu de territoire pour exploiter leurs quelque 70 projets d’extraction. Ces projets avancent sans l’accord des communautés autochtones et le gouvernement local a autorisé son déroulement sans consultation avec les peuples qui habitent ces territoires.

Les conditions de travail, de la poudre aux yeux

Amélie Nguyen, directrice du CISO, décrit les conditions de travail observées dans les mines en Amérique latine, la grande majorité de la main-d’œuvre est locale, recrutée avec des salaires inégalables. Ces sociétés attirent des travailleurs locaux souvent pauvres en s’érigeant comme LA porte d’entrée à un niveau de vie qu’ils et elles n’ont jamais connu. Il s’agit d’un lourd sacrifice à payer qui ne représente pas une alternative à long terme puisque la nature environnante est vite dégradée, même détruite. Elle appelle à déconstruire l’identité des miniers qui portent également des revendications écologiques. Il faut avant tout prendre les efforts de transition avec une perspective internationale, prendre en compte les conditions de vie des familles et des travailleurs et le droit des peuples autochtones de prendre des décisions libres et éclairées.

Pour la directrice, une grosse partie du travail de recherche demande une éducation poussée sur l’extractivisme et le rôle peu connu du Canada. Les compagnies minières usent de leur influence en pratiquant un « lobbying extrêmement agressif » qui requiert une réponse collective pour faire adopter une loi contre les violations qu’elles opèrent dans le monde. Le CISO souhaite renforcer les liens entre le monde du travail du Québec et celui de ces communautés contre des oppressions et exploitations semblables. Malheureusement, le respect des normes environnementales et des droits humains est perçu comme une perte de profit pour les sociétés minières.

Le droit de vivre dans un environnement sain : un enjeu politique

Rosalinda Hidalgo du Comité pour les droits humains en Amérique latine, un organisme de solidarité internationale basé à Montréal, accompagne différentes luttes contre les accords de libre-échange au Mexique. Elle explique que les violations des droits humains et la dégradation des environnements sont imbriquées. Le droit de vivre dans un environnement sain est un droit humain fondamental bafoué par l’extraction minière.

En 2014, le tribunal permanent des pauvres organise des audiences sur les activités minières pour dénoncer les conséquences violentes, mais son pouvoir n’est que symbolique et moral. Il ne peut pas rendre de verdict formel ou faire adopter des réglementations. Des plaintes sont déposées sans pouvoir pour les enquêter et investir du temps et des ressources dans un processus qui n’a aucune chance d’aboutir s’avère inutile pour ces associations.

Malgré les efforts des organisations et communautés, le Canada manque de légiférer sur ce problème grandissant et ne tient pas les sociétés minières responsables des conséquences de leurs actions à l’étranger. En leur garantissant cette impunité, il contribue à intensifier les violences commises en Amérique latine. Les peuples autochtones voient leurs terres ancestrales exploitées pour soutenir l’hyperconsommation des sociétés nordiques, aux dépens de leur santé et des écosystèmes. Le Canada les tiendra-t-il un jour responsables ?