Joel Lexchin, The conversation, 9 septembre 2018
Selon un récent sondage national, environ 91% des Canadiens souhaitent un régime national d’assurance-médicaments. Le même sondage a également révélé que l’accès aux médicaments d’ordonnance et leur accessibilité sont des problèmes pour près de 25% des ménages canadiens. Mais selon ce qui se passe avec les renégociations en cours de l’ALENA, le coût d’un tel régime d’assurance-médicaments pourrait augmenter considérablement. C’est ce qu’on appelle les droits de propriété intellectuelle (DPI). Habituellement, quand on parle aux DPI, les gens pensent aux brevets. Mais il y a aussi quelque chose appelé la protection des données. Les données protégées sont des informations sur l’efficacité et l’innocuité des médicaments qui découlent des essais cliniques réalisés par les fabricants de médicaments d’origine lorsqu’ils souhaitent obtenir la commercialisation d’un nouveau médicament.
Les médicaments génériques
Les données sont la propriété privée des sociétés de marque et ne peuvent être utilisées par quiconque, y compris les fabricants de médicaments génériques, pendant un certain temps. Il serait très coûteux pour les fabricants de génériques de recommencer les tests originaux, et ce serait contraire à l’éthique car les résultats des essais sont déjà connus. Les entreprises génériques utilisent donc les données une fois qu’elles ne sont plus protégées. La protection des données n’est pas un sujet sexy, mais elle est importante pour déterminer la rapidité avec laquelle certains génériques à faible coût peuvent atteindre le marché. La présence de médicaments génériques maintient les régimes publics d’assurance médicaments abordables et sera essentielle à tout régime d’assurance-médicaments. À l’heure actuelle, sept ordonnances sur dix sont remplies de médicaments génériques, mais le fait de payer pour les médicaments génériques ne représente que 21 cents de chaque dollar dépensé en médicaments sur ordonnance au Canada. Une ordonnance générique coûte environ un tiers du prix d’une ordonnance de marque.
Les brevets signifient déjà que les médicaments de marque sont sur le marché canadien depuis plus de 12 ans sans aucune concurrence. Lorsque les brevets sont épuisés, les médicaments génériques peuvent être vendus, mais parfois les brevets expirent avant la fin de la période de protection des données. Jusqu’à la fin de la période de protection des données, il ne peut y avoir de génériques. De plus, contrairement aux brevets, la protection des données ne peut être contestée devant les tribunaux.
La stratégie des entreprises multinationales
Le Canada offrait cinq ans de protection des données, mais le groupe de pression pour Big Pharma ici et aux États-Unis a jugé cette période inacceptable. Au bout du compte, à la suite des efforts de lobbying déployés par l’industrie pharmaceutique, le Canada a modifié sa réglementation sur la protection des données afin de prévoir huit années d’exclusivité des données. Un délai supplémentaire de six mois est possible si l’entreprise qui commercialise le médicament est en mesure de déterminer que les enfants ont besoin de ce médicament. Dans le cadre de l’entente de libre-échange entre les États-Unis et le Mexique de l’ALENA, les produits biologiques auront 10 ans d’exclusivité des données .
Les produits biologiques sont des médicaments injectables utilisés pour traiter diverses formes d’arthrite, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse (maladies inflammatoires de l’intestin), la sclérose en plaques et diverses autres maladies. Les produits biologiques peuvent être très efficaces, mais ils ont un coût élevé.
Selon le dernier rapport du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, un organisme fédéral qui fixe un prix de lancement maximum pour les nouveaux médicaments brevetés, les produits. Le n ° 1 sur la liste est l’infliximab (Remicade), utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et de la colite ulcéreuse, entre autres maladies. Le coût annuel moyen d’un traitement par Remicade est proche de 29 000 $ et, en tout, un peu moins d’un milliard de dollars ont été dépensés en 2017 pour ce seul médicament par des patients, des régimes d’assurance-médicaments provinciaux et des assureurs privés.