États-Unis : le spectre de la guerre civile

22 mars par Yorgos Mitralias, CADTM

 

Pouvez-vous imaginer combien radicalement notre monde pourrait changer si demain une guerre civile allait éclater dans la superpuissance planétaire, les États-Unis d’Amérique ? Ne vous empressez pas de sourire en pensant que tout cela n’a rien à voir avec la réalité ou que cela ressemble plutôt à de la science-fiction. Ne le faites pas parce que cela a beaucoup à voir tant avec la réalité qu’avec l’actualité nord-américaine ! Parce qu’en plus de Trump qui ne cache pas ses penchants pour la guerre civile, ils sont aux États-Unis de plus en plus nombreux ceux de ses amis et de ses ennemis qui voient se rapprocher cette perspective cataclysmique, hier encore impensable…

Quelques semaines après que son ancien avocat Michael Cohen – qui est peut-être celui qui le connaît mieux que tout autre – ait déclaré que Trump n’accepterait jamais une passation de pouvoir pacifique, Trump lui-même allait confirmer l’avertissement de Cohen avec une nouvelle déclaration bien éloquente. Dans une interview au site Breitbart du tristement célèbre Steve Bannon, lequel abrite la fine fleur internationale de l’extrême droite raciste et sexiste, il faisait, avec son inimitable style et vocabulaire, une déclaration très révélatrice de ses intentions : « J’ai le soutien de la police, le soutien des militaires, le soutien des Motards pour Trump – j’ai des gens dures, mais ils ne jouent pas dur – jusqu’à ce qu’ils arrivent à un certain point, et alors ça va être très mal, très mal ! » [1]

Évidemment, ces « ils » ne sont que les adversaires de toute espèce qui veulent du mal à Trump, et ce « certain point » pourrait s’identifier à la menace directe et immédiate d’éloignement forcé de Trump de la Maison Blanche, c’est-à-dire même la révélation par les commissions d’enquête parlementaires des crimes commis par Trump ! S’agit-il ici des simples fanfaronnades de Trump ou de quelque chose de bien plus grave ? Si on veut répondre à cette question, il faudra donner auparavant une réponse à une autre question bien plus déterminante : Peut-on croire que Trump va accepter d’abandonner la Maison Blanche sans résister et sans utiliser tous les moyens à sa disposition pour rester cramponné au pouvoir ?

Le passé et le présent de Trump, l’extrême polarisation de la société nord-américaine ainsi que le jusqu’au-boutisme du noyau dur de ses supporters plaident en faveur d’une seule réponse : Aucun entre raisonnable ayant une connaissance élémentaire de ce qui se passe aux États-Unis ne pourrait garantir avec une totale certitude que Trump soit disposé à abandonner le pouvoir pacifiquement et sans résister par tous les moyens. Alors, si cette affirmation est valide, on peut dire que font preuve d’irresponsabilité criminelle les gens de gauche de par le monde qui soit feignent ne rien voir d’alarmant ou ne daignent pas s’intéresser aux affaires des… « amerlocs », soit exorcisent le mal avec des prières et des vœux pieux. En d’autres termes, font preuve d’irresponsabilité criminelle tous ceux qui ne s’empressent pas de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face aux terribles conséquences qu’aura pour le présent et l’avenir de nous tous la menace d’une guerre civile nord-américaine, même si personne -ni même Trump lui-même- ne peut aujourd’hui être sûr à 100 % que cette guerre civile va éclater…

Il va sans dire que ce n’est pas un hasard si c’est Bernie Sanders celui qui non seulement comprend mieux que tout autre la menace directe que représente Trump pour les droits et les libertés démocratiques de ses compatriotes, mais qui en tire aussi les conclusions nécessaires en prenant des mesures concrètes pour y faire face. Et la création de ce que lui-même appelle « le plus grand mouvement populaire de l’histoire des États-Unis » est la première et la plus importante de ces mesures, puisque seul un énorme et très radical mouvement populaire aura de sérieuses chances de battre les bandes armées d’extrême-droite de Trump, tant celles « égales » (les divers corps de police) que celles « non-légales » (les milices fascistoïdes de toute espèce et dangerosité et autres Ku Klux Klan). Le fait que la formation de cet énorme mouvement populaire soit déjà en cours et que l’adhésion des citoyens, et spécialement des jeunes, soit massive et enthousiaste (plus de 1,1 millions de volontaires en 6 jours !) fait que l’établissement –Républicain mais aussi Démocrate – pète les plombs et panique, tandis que les citoyens progressistes gagnent en confiance en eux-mêmes, s’organisent, développent leur conscience de classe et affrontent l’avenir avec optimisme.

Cependant, ce qui est particulièrement écœurant est qu’à ce moment si critique pour l’humanité et notre planète, la grande majorité de la gauche feint soit ne pas comprendre, soit croire les « experts » et autres pontes quand ils nous rassurent que Trump… « va finalement se calmer » ou que les « institutions de la grande démocratie américaine vont le contraindre de le faire ». C’est comme si on assistait à la répétition de la tragédie de l’entre-deux-guerres dans ses moindres détails. Alors comme maintenant, c’est-à-dire même un seul jour avant que Hitler envahisse la Pologne et commence la Deuxième Boucherie Mondiale, toutes les chancelleries, leurs médias, et leurs « sages », mais aussi la grande majorité de la gauche de toute sensibilité, continuaient à ânonner leurs discours creux et leurs vœux pieux, et préféraient ne pas prendre au sérieux ce que Hitler disait depuis des années, révélant en détail ses ambitions bellicistes et même son intention de « résoudre définitivement la question juive ». Et enfin, on doit admettre que s’il y a une chose pour laquelle on ne peut pas accuser Trump, c’est pour son inconséquence, car il a toujours refusé de se « calmer », et il applique méthodiquement ses politiques barbares, tandis qu’il n’a jamais oublié de donner suite à ses menaces…

En conclusion, nous croyons que seuls ceux qui… ne veulent pas comprendre peuvent ne pas voir l’énorme importance et les conséquences planétaires qu’a la gigantesque confrontation de classe qui est en cours aux États-Unis et qui promet de prendre des dimensions sans précédent très prochainement. Et évidemment, seuls quelques bureaucrates désespérément stupides et insignifiants peuvent feindre d’ignorer le rapport direct qu’existe entre la montée en flèche mondiale de l’extrême-droite raciste, islamophobe, antisémite, homophobe, anti-ouvrière, anticommuniste, sexiste et misogyne et le fait qu’à la Maison Blanche trône, en voulant y rester éternellement, celui qui l’inspire, la coordonne et est son chef incontesté, le dangereux fascistoïde nommé Donald Trump…

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