Middle East Eye, 18 novembre 2020
Des militantes saoudiennes des droits de l’homme détenues dans leur pays seraient soumises à des abus d’ordre sexuel, selon l’avocate britannique Helena Kennedy.
Dans un rapport de 40 pages intitulé « Une souillure sur les dirigeants mondiaux et le G20 en Arabie saoudite : la détention honteuse et la torture des femmes saoudiennes », Helena Kennedy détaille les violences employées par les interrogateurs contre les militantes emprisonnées, dont certaines ont été « suspendues au plafond » et « torturées avec des décharges électriques ».
Plusieurs célèbres militantes sont aujourd’hui incarcérées en Arabie saoudite, notamment Loujain al-Hathloul, Aziza al-Yousef, Eman al-Nafjan, Nouf Abdelaziz, Mayaa al-Zahrani, Hatoon al-Fassi, Samar Badawi, Nassema al-Sadah et Amal al-Harbi.
Selon le rapport de l’avocate Helena Kennedy, membre travailliste de la Chambre des lords et une des activistes les plus dynamiques du Royaume-Uni, les prisonnières ont été « obligées de regarder du porno devant leur interrogateurs », « forcées à avoir des relations sexuelles entre elles […] et à embrasser » leurs geôliers.
« Au moins une source a rapporté qu’Aïda al-Ghamdi [mère du dissident Abdallah al-Ghamdi exilé à Londres] avait été forcée de regarder de la pornographie et plusieurs sources ont rapporté que Loujain al-Hathloul et Eman al-Nafjan avaient été forcées de s’embrasser et d’accomplir d’autres actes sexuels devant les interrogateurs ».
« Menacées de viol »
Les prisonnières ont aussi « été menacées de viol », selon ce même rapport.
Le rapport précise que les interrogatoires ont été supervisés par Saoud al-Qahtani, membre du cercle intime du prince héritier Mohammed ben Salmane, accusé d’avoir orchestré le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.
En écho au démembrement du journaliste dissident au consulat saoudien à Istanbul, Saoud al-Qahtani aurait dit à l’une des prisonnières : « Je ferai de vous ce que je veux, puis je vous dissoudrai et vous jetterai dans les toilettes. »
Une des militantes a affirmé que ses séances d’interrogatoire étaient supervisées par le frère cadet du prince héritier, Khalid ben Salmane, ambassadeur saoudien à Washington de 2017 à 2019.
Ce dernier se serait vanté devant les prisonnières : « Savez-vous qui je suis ? Je suis le prince Khalid ben Salmane, je suis l’ambassadeur aux États-unis et je peux faire tout ce que je veux de vous. »
Les prisonnières ont souvent été transférées entre la prison de Dahaban, près de Djeddah, et un « centre de détention non officiel », selon le rapport.
L’avocate et militante Helena Kennedy a appelé à boycotter le sommet du G20 organisé le 21 novembre par l’Arabie saoudite à moins que les militantes saoudiennes ne soient libérées.
Plus tôt ce mois-ci, l’ambassadeur saoudien au Royaume-Uni a déclaré que les militantes pourraient bénéficier de la clémence et être libérées avant le sommet virtuel du G20, mais les militants des droits humains ont rejeté ses propos, les qualifiant de « coup médiatique ».
Début novembre, Human Rights Watch a appelé les pays membres du G20 à « faire pression sur l’Arabie saoudite pour qu’elle remette en liberté toutes les personnes détenues illégalement et accepte de rendre des comptes pour les abus passés », avant le sommet.
Campagne contre le G20 saoudien
HRW a lancé pour l’occasion sa campagne #G20SaudiArabia, « exhortant les dirigeants du G20 à tenir leurs hôtes saoudiens responsables de leurs violations des droits humains, après leur avoir déjà adressé des courriers avec la même demande en juillet et en août ».
Le 5 novembre, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a demandé « la libération immédiate » de la militante Loujain al-Hathloul, en grève de la faim depuis le 26 octobre, alarmé par la détérioration de son état.
Dans un communiqué, le comité onusien, organe composé d’experts indépendants, a appelé à la libération immédiate d’al-Hathloul et de toutes les autres militantes de la cause des femmes en détention.
Loujain al-Hathloul a entamé sa grève de la faim le 26 octobre et la détérioration de son état de santé est « profondément alarmante », selon ces experts.
Le Comité s’est dit « sérieusement préoccupé par les informations récentes concernant les conditions de la détention prolongée de Mme al-Hathloul, notamment les rapports selon lesquels elle n’est pas autorisée à avoir des contacts réguliers avec sa famille ».
Âgée de 31 ans, Loujain al-Hathloul a longtemps milité pour le droit des Saoudiennes à conduire et pour la fin de la tutelle mettant la femme à la merci totale de l’homme.
Elle a été arrêtée avec d’autres militantes en mai 2018, peu avant la levée de l’interdiction de conduire faite aux Saoudiennes.