L’épidémie du coronavirus a des conséquences économiques et sociales que beaucoup éprouvent déjà durement en France, et encore plus dans les pays pauvres ou sans protection sociale. Ce moment nous rappelle cruellement que les désordres profonds suscités par le capitalisme ont des conséquences mortelles : nous le savions pour les conditions de travail dangereuses, c’est désormais une certitude pour la destruction systématique de nos milieux de vie ; la transmission du virus aux êtres humains a été favorisée par la déforestation massive, et sa propagation par l’intensité et la rapidité des communications à l’heure de la mondialisation néolibérale.
Le retour à l’état antérieur nous condamnerait
La pire des choses, compte tenu de cette situation, serait d’imaginer devoir, coûte que coûte, revenir à l’état antérieur : outre qu’il soit douteux de pouvoir le faire, les remèdes pour traiter le mal seraient archaïques. La croissance pour la croissance, qu’importent les destructions impliquées : voici une logique qui doit disparaître dans les poubelles de l’histoire.
On ne peut pas préparer le monde d’après avec les indicateurs économiques du monde d’avant comme le PIB
Cette injonction paradoxale est le manuel de conduite de tous les gouvernants qui se mettent au service de la finance. Reconstruire nos économies comme si de rien n’était serait un moyen d’accélérer un processus d’autodestruction auquel il s’agit au contraire de mettre un coup d’arrêt, net et précis. Cela est d’autant plus nécessaire que la continuation de ce processus ne pourrait avoir lieu qu’en réprimant encore plus les classes populaires. Et en creusant d’autant plus des inégalités déjà considérables.
L’occasion et la nécessité de faire bifurquer nos économies
Il faut considérer ce moment historique lié au coronavirus comme une opportunité particulièrement importante : celle de réorienter l’ensemble de nos moyens de production, d’échange et de consommation. Toute bifurcation doit permettre de garantir les possibilités de la survie collective : chacun doit donc pouvoir bénéficier de conditions de vie et de travail dignes. Avec le changement climatique et l’extinction des espèces, c’est en effet de survie dont il est question, ce que vient nous rappeler cette pandémie.
On ne peut pas préparer le monde d’après avec les indicateurs économiques du monde d’avant comme le PIB. La vulnérabilité organisée et très importante de nos économies est aujourd’hui manifeste. A force de détruire nos capacités souveraines de production industrielle, la production de certains médicaments, de tests, de matériels médicaux, est difficile, voire impossible. De telles situations mettent en évidence la nécessité de disposer d’une autonomie énergétique et alimentaire afin de pouvoir encaisser ce type de chocs, appelés à se reproduire. Dans cette perspective, la puissance publique est centrale.
Personne ne doit avoir à choisir entre manger ou se chauffer
Cette nécessité est une question de justice sociale. Il faut mettre en place une forme de sécurité sociale alimentaire pour que personne ne soit menacé, comme aujourd’hui, par la famine. Personne ne doit avoir à choisir entre manger ou se chauffer. Il faut donc développer partout les énergies renouvelables, plus décentralisées, non émettrices de gaz à effets de serre, plus sûres, et mettre en œuvre un plan massif d’isolation thermique. C’est aussi une question de justice environnementale : personne ne doit subir quand d’autres polluent. Il faut relocaliser l’essentiel de la production industrielle et engager un tournant vivrier dans l’agriculture. Nous pouvons produire tous les biens de première nécessité en France, et assurer les conditions de notre alimentation collective au niveau national tout en luttant contre la malbouffe, source d’obésité qui augmente le risque de mortalité. Toutes ces actions créeraient de l’emploi.
Un tel horizon est impératif dans l’Hexagone, mais encore plus dans les départements et territoires d’outre-mer, dramatiquement dépendants du fait de la structure coloniale de leurs économies, fondées bien souvent sur la monoculture et l’importation. Rappelons également que la Corse et les Outre-Mer ont les moyens d’être autonomes énergétiquement.
Une sobriété heureuse, un horizon positif
Un horizon positif réside dans notre capacité collective à offrir des conditions de vie digne à chacun. Aux côtés de la lutte conjointe contre les injustices sociales et environnementales, la sobriété est à ce titre incontournable. Pour être acceptable, elle doit être désirable. Elle doit donc faire partie intégrante de la planification écologique.
La catastrophe n’est pas une fatalité
La mise en œuvre de ce nouveau pacte social, écologique et démocratique suppose un rapport de force déterminé avec les puissances d’argent, qui ont cru pouvoir être au-dessus du contrôle social. La fraude fiscale des grandes fortunes et des transnationales doit être combattue sans trêve, la liberté de circulation du capital limitée, l’impôt progressif réhabilité, le droit de propriété subordonné à l’intérêt général social et écologique, et les services publics renforcés, toutes conditions sans lesquelles nous courons au désastre.
La catastrophe n’est pas une fatalité : le moment actuel est aussi celui du développement d’initiatives solidaires et d’une prise de conscience collective de la nécessité d’un autre modèle de société, plus écologique, plus solidaire, plus démocratique. C’est de souveraineté économique et de coopération solidaire entre pays autant que du partage effectif des richesses par la contribution de tous au pot commun dont nous avons besoin. Nous voulons une société basée sur la coopération humaine pas sur le flicage numérique permanent.Le temps de l’entraide est venu.
Nous n’avons pas besoin de plus de concurrence, plus de croissance, plus d’accumulation. Nous voulons en finir avec la dictature du temps court, nous voulons privilégier la qualité de vie sur la quantité de biens, ne laisser personne sur le bord du chemin. Nous préférons un futur de simplicité volontaire plutôt qu’un futur rythmé par les angoisses d’épidémies mortelles et les canicules.
Une telle chance de bifurcation radicale ne se présentera peut-être pas de sitôt. Saisissons-la !
- Mathilde Panot, vice-présidente du groupe FI à l’Assemblée nationale
- Loïc Prud’homme, député FI membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Manuel Bompard député européen FI
- Sergio Coronado, ancien député EELV
- Martine Billard, ancienne députée écolo
- Bénédicte Monville, conseillère régionale IDF, conseillère municipale Melun
- Philippe Juraver, responsable de l’espace des luttes de la FI
- Karine Varasse, candidate dans la 2ème circonscription de Martinique en 2017
- Paul Ariès, politologue, directeur de l’Observatoire International de la Gratuité (OIG)
- Pierre-Yves Cadalen, docteur en sciences politiques
- Jean-Marie Brom, physicien, directeur de recherche au CNRS et animateur du livret France Insoumise 100% énergies renouvelables
- Manon Dervin, auteur de L’écologie populaire (Editions 2031)
- Julien Armijo, chercheur énergies renouvelables / hydrogène
- Michel Philippo, animateur du livret planification écologique