Ramzy Baroud, Chronique de Palestine, 26 juin 2021
Lorsque l’ancien président américain Barack Obama a utilisé un vieux cliché pour dénigrer son adversaire politique, le défunt sénateur américain John McCain, il a déclenché une controverse politique qui a duré plusieurs jours. “Vous pouvez mettre du rouge à lèvres à un cochon, mais ce sera toujours un cochon”, avait déclaré Obama lors d’un événement de la campagne de 2008.
Cette maxime veut bien dire que les ravalements de façade n’ont aucune incidence sur les résultats et que le fait de tenter de modifier notre apparence ne change rien à ce que nous sommes vraiment.
Les responsables politiques américains font autorité en la matière. Ils sont experts en changements en apparence, basés sur de la rhétorique et, en fin de compte, superficiels. Une fois de plus, les maquilleurs politiques de Washington sont à l’œuvre.
Depuis l’éviction spectaculaire de son ancien chef de file, Benjamin Netanyahu, le nouveau Premier ministre israélien Naftali Bennett, est maintenant présenté comme une alternative au style politique d’ultra-droite, chauvin et bruyant de son ex-concurrent. Toutefois, pour que cela fonctionne, il faudrait davantage de maquillage.
Il y a beaucoup à dire sur Bennett et son parti d’ultra-nationalistes totalement fascisants, Yamina.
Yamina est un parti politique résolument raciste. Ses sept maigres sièges à la Knesset (parlement) israélienne ont été obtenus grâce à ses constants appels adressés aux groupes d’électeurs les plus violents et les plus racistes d’Israël, dont le slogan souvent répété “Mort aux Arabes” est un rappel quotidien de leur sinistre discours.
Bennett est souvent cité pour cette célèbre déclaration de 2013 : “J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie et je n’ai aucun problème avec cela”. Pourtant, la politique de cet homme ne se résume pas à une déclaration aussi repoussante et odieuse.
Puisque les dirigeants israéliens ne considèrent aucune forme de résistance palestinienne comme légitime et que, à leurs yeux, les Palestiniens sont soit des terroristes déclarés, soit des terroristes potentiels, voyons quelle est la “solution” proposée par Bennett pour traiter le problème du prétendu “terrorisme palestinien”.
En tant que ministre israélien de l’Éducation en 2015, Bennett a proposé la construction d’un mur de “dissuasion”, un mur qui “exige que l’incitation [la résistance – NdT] prenne fin et que les terroristes soient abattus avant qu’ils n’aient la chance de blesser des innocents. Cela signifie qu’un terroriste qui est abattu sera mort, et définitivement. Cela signifie qu’Israël reste à jamais maître de sa patrie, à l’abri du terrorisme.”
Alors pourquoi l’administration Biden veut-elle nous faire croire que Bennett est différent ?
Immédiatement après son investiture, le président Joe Biden a été le premier dirigeant de la planète à appeler et à féliciter Bennett pour sa désignation. Cet acte revêt une importance symbolique encore plus marquée si on se souvient qu’il avait fallu à Joe Biden – après son investiture à la Maison Blanche en janvier dernier – trois longues semaines pour passer un coup de fil à Netanyahu.
Un proche collaborateur du nouveau Premier ministre israélien a expliqué la nature de la conversation téléphonique, très policée, entre Biden et Bennett dans une interview avec site Axios. “La Maison-Blanche souhaite avoir une consultation et un engagement étroits et réguliers avec M. Bennett et son équipe, sur la base de francs échanges de vues, du respect des différences et d’un désir de travailler à la stabilité et à la sécurité”, a déclaré la source israélienne.
Outre l’accent mis sur la franchise et le “respect” en ce qui concerne les relations à venir entre les États-Unis et Israël, l’accent a également été mis, sans équivoque, sur le besoin de confidentialité dans le traitement des différents entre les deux pays. “Contrairement à son prédécesseur”, a rapporté le Times of Israel en faisant référence à Netanyahu, le gouvernement Bennet “exprimerait ses critiques (à l’égard de Washington) en privé”.
Durant des mois, les États-Unis avaient supplié Netanyahu de modérer ses attaques contre Washington, mais en vain.
Maintenant que Bennett est aux commandes, il est clairement prêt à jouer le jeu. Et pourquoi ne le ferait-il pas ? Il veut à tout prix se présenter comme l’antithèse de Netanyahu. En faisant une telle “concession”, il s’attend certainement à ce que Washington lui rende la pareille. Pour Bennett, c’est une situation où l’on gagne à tous les coups.
Bennett comprend que la politique américaine envers Israël n’est pas déterminée par l’attitude des dirigeants israéliens. Par exemple, dans des commentaires faits en mai dernier, Biden a mis un terme à toute idée selon laquelle les États-Unis demanderaient des comptes à Israël pendant son mandat.
Il n’y a “aucun changement dans mon engagement, mon engagement envers la sécurité d’Israël. Point final. Aucun changement, absolument aucun”. Si ce ferme engagement a été pris lorsque l’agité Netanyahu était encore au pouvoir, il ne faut pas s’attendre à un quelconque changement, maintenant que le supposé sympathique Bennett est le nouveau Premier ministre d’Israël.
Les dirigeants politiques américains se pâment devant Bennett et son principal partenaire de coalition et futur Premier ministre, Yair Lapid. Ils sont impatients de tourner la page, et d’aller de l’avant après les années compliquées avec Netanyahu. Bennett devrait se rendre aux États-Unis en juillet, tandis que Lapid a déjà été invité à se rendre à Washington par le secrétaire d’État américain, Antony Blinken.
Dans le même temps, une importante délégation militaire israélienne dirigée par le chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kohavi, devrait déjà se trouver aux États-Unis pour discuter de divers sujets, dont l’Iran et le Hezbollah, et pour “négocier” de nouveaux cadeaux américains à Israël sous forme de matériel militaire.
Les États-Unis sont désireux de lifter leur relation avec Israël, non pas parce qu’Israël a changé, mais parce que Washington a subi des humiliations répétées de la part de l’ex-premier ministre Netanyahu. Sous Netanyahu, les États-Unis se sont souvent retrouvés accusés de ne pas en faire assez pour Israël. Même le programme d’aide militaire annuel de 3,8 milliards de dollars concédé par Obama ne lui a pas épargné les attaques verbales répétés d’Israël.
Biden est prêt à faire tout ce qu’il faut pour s’épargner ce genre de scènes pénibles.
La doctrine de Biden sur Israël et la Palestine est simple. Il n’est aucunement question de s’engager dans un quelconque processus de paix, et ni d’être placé dans une position où il serait obligé d’exiger des choses d’Israël, et encore moins de faire pression sur lui.
Puisque Biden n’a que peu ou pas d’attentes vis-à-vis d’Israël, Bennett semble vouloir jouer le rôle du politicien accommodant et posé. Il serait stupide de s’en priver, car, selon sa propre “vision” politique, il veut simplement gérer le conflit de manière à prolonger l’occupation tout en faisant la promotion, comme son prédécesseur, de la notion trompeuse d’une “paix économique”.
Alors que les Américains et les Israéliens s’affairent à “mettre du rouge à lèvres sur un cochon”, les Palestiniens ne sont en rien concernés par ce genre de gesticulations, car leurs aspirations politiques continuent d’être ignorées et leur liberté refusée.