Le soulèvement birman de 2021 contre la junte a ceci de particulier que nous vivons quasiment en direct le décompte des morts, des blessés et des arrestations. Des images de plus en plus insoutenables circulent sur les réseaux sociaux, montrant la barbarie de la junte et de ses hommes en armes, qui s’acharnent avec une violence inouïe sur des innocents en toute impunité.
Dimanche dernier, l’adolescent qui s’était posté devant les bureaux de l’Onu à Yangon la semaine passée pour implorer de l’aide a été tué. D’autres sont morts depuis et bientôt nous ne serons malheureusement plus en mesure de compter les morts (des dizaines), les blessés (des centaines) et les interpellés (plus d’un millier), dont on risque ensuite d’être sans nouvelles.
Face à la répression qui s’abat sur le mouvement de désobéissance civile, les condamnations internationales se multiplient mais n’ont aucun impact sur la junte, qui se moque de notre consternation. Son mépris de la vie humaine n’a que faire de considérations morales ou légales. Le « we are watching » finit par sonner creux.
La population birmane doit se sentir bien seule, comme ses persécutés l’ont toujours été face à la répression des militaires birmans. Si ses attentes vis-à-vis de la communauté internationale sont sans doute trop fortes, l’aptitude ou la volonté de celle-ci à faire levier est trop faible.
Plus d’un mois après le coup de force du 1er février, aucun Etat, aucune organisation – internationale ou régionale – n’a été en mesure d’infléchir le cours des événements. Le Conseil de sécurité de l’Onu reste jusqu’à nouvel ordre paralysé par les vetos russe et chinois et on se demande encore si l’ASEAN, regroupement à dominante économique, finira (ou certains de ses membres) par faire levier sur la junte. Les Etats-Unis et Londres ont au moins décidé de sanctions, même si elles ne vont pas encore assez loin. Quant à l’Union européenne, elle annonce des mesures à prendre, mais tarde à les adopter. On peine à comprendre tous les ressorts de cet attentisme.
Pourtant, la répression qui s’accroît depuis dimanche, devenue « Bloody Sunday » sur les réseaux sociaux, suivie d’un « Bloody Wednesday », appelle des actes, précis et ciblés, clairement identifiés par la société civile. Le mouvement de désobéissance civile doit être relayé, appuyé et soutenu sur le terrain, comme y exhorte notamment l’ONG Burma Human Rights Network [1] qui appelle à un soutien direct du mouvement. Les intérêts économiques de la junte doivent faire l’objet d’une attaque concertée et mondiale et ses crimes jugés devant une juridiction internationale.
Encore combien de morts pour que la communauté internationale agisse ? En Birmanie, poser cette question expose à la mort.