Brésil : « IL EST POSSIBLE DE GOUVERNER POUR LE PEUPLE » (LULA)

Former Brazilian President Luiz Inacio Lula da Silva (C-R) speaks after leaving the Federal Police Headquarters, where he was serving a sentence for corruption and money laundering, in Curitiba, Parana State, Brazil, on November 8, 2019. A judge in Brazil on Friday authorized the release of ex-president Luiz Inacio Lula da Silva, after a Supreme Court ruling paved the way for thousands of convicts to be freed. / AFP / HENRY MILLEO

Cathy Dos Santos, L’Humanité, 9 nobembre 2019

L’ancien président du Brésil s’est adressé à ses soutiens réunis au siège des métallurgistes, son syndicat, à São Paulo. Il a fustigé les politiques dévastatrices du gouvernement d‘extrême droite Jair Bolsonaro et s’est dit prêt à « reconstruire le pays ». « Je suis de retour », a-t-il assuré. 

Debout, combatif, parfois rieur, Luiz Inacio « Lula » da Silva était entre les siens, ce 9 novembre, au pied du syndicat des métallurgistes de Sao Bernardo do Campo, dans la ceinture industrielle de Sao Paulo. Devant l’ancien président du Brésil (2003-2010), une foule compacte, arborant des tee-shirts estampillés du visage du leader historique du Parti des travailleurs (PT), s’était massée dès les premières de la journée pour voir et entendre « leur » président, libre, après 580 jours d’arbitraire. Cette prise de parole, vingt-quatre seulement  après sa libération, depuis le siège de son syndicat était symbolique à biens des égards. « Vous n’imaginez pas la signification qu’à pour moi cette journée », a-t-il lancé. L’ancien métallo avait trouvé refuge dans ses locaux, le 7 avril 2018, avant de se rendre à la police. Place forte de la résistance à la dictature des militaires (1964-1985), il incarne désormais le serment du combat pour le retour à l’Etat de droit face à l’extrême droite au pouvoir.  » J’ai pris la décision de me rendre à la police – j’aurai pu me réfugier dans une ambassade ou dans un autre pays- parce que j’avais besoin de prouver que le juge Moro n’était pas un juge mais une canaille », a-t-il fustigé. La veille, le désormais ministre de la Justice du gouvernement de Jair Bolsonaro avait déjà pris cher. Les révélations du site internet The Intercept cet été ont mis en lumière ses manœuvres et celles des avocats du parquet, en démontrant que Lula a été condamné pour des raisons politiques et non juridiques. L’ancien métallo a purgé 19 mois des douze ans de prison qu’il avait écopé non pas pour corruption mais pour des « faits indéterminés », faute de preuves tangibles. « Tout cela ma défense l’avait écrit il y a  quatre ans », a-t-il rappelé. La suite est de notoriété publique : alors ses avocats avaient déposé des recours, il a été arrêté en seconde instance, au mépris de la présomption d’innocence qui prévaut dans la Constitution et du code pénal. 

« Je n’ai pas de haine », a maintes fois répété Lula lors de son discours interactif avec le public. Entouré des dirigeants du PT, des syndicalistes, des représentants du Parti socialisme et liberté, ainsi que du Parti communiste du Brésil qu’il a chaudement remercié, l’ancien président s’est livré à un réquisitoire contre les politiques dévastatrices du gouvernement de Jair Bolsonaro.  » Il a été élu pour gouverner pour le peuple et non pour les miliciens de Rio Janeiro », a-t-il accusé, en référence aux groupes paramilitaires qui extorquent et terrorisent la ville carioca où réside le chef de l’Etat. Il a fustigé le patrimoine du locataire du Palais du Planalto et ses « 17 maisons », alors que son ministre de l’Economie, Paulo Guedes, a instauré un gel du salaire minimum pour une durée de deux ans et procède désormais au grand bradage des fleurons économiques du pays dont Petrobras, la poste, ainsi que les banques d’importance… 

Le 8 avril, le jour de son élargissement, à peine après avoir franchi le seuil de la prison de Curitiba, il avait déclaré : « depuis que j’ai été emprisonné, le Brésil a empiré ». Le  leader historique de la gauche est revenu à la charge. A ses yeux, l’ultralibéral Paulo Guedes veut transformer le Brésil en un « Chili », celui-là même « où le peuple est dans la rue » car il conteste l’orthodoxie libérale, à l’origine de violentes inégalités. Il a d’ailleurs rappelé que « 200 familles ont plus d’argent que 6 millions de personnes mais ces gens ne vivent pas dans le pays ». Il a défié le richissime Jair Bolsonaro de vivre avec les salaires de misère qu’il préconise pour ses concitoyens. « Nous n’allons pas les laisser détruire » la nation, a juré Lula. « Je suis de retour », a-t-il assuré. « Ils n’ont pas emprisonné un homme, ils ont tenté de tuer une idée. Une idée ne se tue pas, une idée ne disparaît pas », a-t-il encore répété. Il y a un an et demi déjà, lors de son arrestation, puis derrière les barreaux, le leader historique du PT n’a eu de cesse de répéter que ce n’était pas un homme que l’on emprisonnait mais l’idée même d’un Brésil démocratique, progressiste. Après le putsch contre la présidente Dilma Rousseff en 2016, il était impératif pour nombre d’acteurs de la droite nationale et internationale d’écarter Lula de la scène politique car tous les sondages s’accordaient sur une nette victoire de la gauche, si Lula avait pu se présenter à l’élection présidentielle à l’automne 2018.  « Je ne veux rien. Je veux construire ce pays avec la même joie » que lorsque le PT était au pouvoir, a-t-il précisé. Désormais libre, bien que toujours sous le coup d’une autre inculpation, Lula vient bouleverser l’échiquier politique. Il devient de fait la figure de proue de l’opposition à l’extrême droite. Sa popularité, sa stature politique seront de précieux atouts pour fédérer une gauche encore morcelée, ainsi que les différents mouvements sociaux. La tâche est immense, alors que la société brésilienne est plus polarisée que jamais. Lula a enjoint ses partisans à faire un effort supplémentaire pour mettre « davantage de gens dans les rues », conscient que sans un rapport de force plus conséquent, l’extrême droite aura les coudées franches jusqu’en 2022. 

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