Brésil : le Canada soutient l’invasion des terres autochtones

Maurício Angelo, L’autre Brésil, 16 septembre 2021
Fondateur de l’Observatoire du secteur minier
Les ambassadeurs étrangers en poste au Brésil sont fréquemment consultés par le gouvernement de Jair Bolsonaro sur les politiques relatives au secteur minier et ont une part active à une stratégie conjointe visant à ouvrir les terres autochtones à l’exploitation minière et aurifère.

C’est ce que révèlent les analyses basées sur les ordres du jour des réunions et les annonces du ministère des Mines et de l’Énergie (MME) en 2021 et 2020. Parmi les ambassadeurs les plus écoutés on trouve les représentants des Etats-Unis, du Canada, de l’Angleterre et de l’Australie, pays où les compagnies minières ont une puissance économique et politique importante. L’Union européenne a également été consultée.

Au Brésil, les entreprises de ces pays sont réparties du Nord au Sud et occupent une place importante dans le secteur minier. Pour n’en lister que quelques-unes, on citera l’anglo-australienne BHP, partenaire de Vale à Samarco, responsable de la catastrophe de Mariana, l’entreprise anglaise Anglo American, qui extrait du minerai de fer dans les Minas Gerais et veut explorer des terres autochtones en Amazonie, les Canadiennes Kinross, qui exploite un énorme barrage dans le Minas Gerais, Equinox Gold, responsable de la contamination dans le Maranhão et Belo Sun, qui insiste dans l’exploitation de l’or en Amazonie ainsi que l’Américaine Mosaic Fertilizantes.

Les réunions et les séminaires organisés par le sommet du ministère des Mines et de l’Energie constituent une véritable foire aux minéraux, dont l’objectif délibéré est d’attirer des investissements, d’explorer de nouveaux espaces, de signer des partenariats, de simplifier les processus et de consulter les ambassadeurs et les représentants des sociétés minières, qui participent à ces réunions, sur la manière dont les politiques publiques doivent être menées.

Le « Programme minier et de développement » (PMD), lancé fin 2020 et le PL 191/20, signé par Bolsonaro, Bento Albuquerque, ministre des Mines et de l’Energie et Sérgio Moro, ancien ministre de la Justice, constituent l’essentiel de cette stratégie.

Comme je l’ai révélé ici, dans l’Observatoire, en décembre 2020, les 110 objectifs finaux pour l’ensemble du secteur des industries extractives brésiliennes, qui doivent être mis en œuvre d’ici 2023, ont été littéralement dictés par le secteur des minerais et les associations représentant ce secteur.

L’analyse des documents internes présentés en exclusivité montre que l’objectif de disposer dans les 4 ans de 8 terres autochtones pour l’exploration minérale, a été proposé par l’Association brésilienne des sociétés de recherche minérale (ABPM) et approuvé par le gouvernement fédéral.

L’ABPM a également demandé 200 millions de réaux d’incitations fiscales pour explorer de nouveaux espaces. Le PMD est, en effet, le sujet des principales réunions avant l’annonce officielle du programme et après sa publication.


Partenaire stratégique, le Canada est salué comme un exemple

Les relations avec le Canada, y compris la participation d’ambassadeurs canadiens sur des questions clés au Brésil, ont été fréquentes. Ces dernières années, le Brésil a parrainé, présenté et envoyé des délégations au plus grand événement minier du monde, qui se tient à Toronto. C’est lors de cet événement, l’APDC, que nombre de ces partenariats sont signés et que les cibles sont définies.

En mars 2021, Alexandre Vidigal, représenat du Ministère brésilien des mines et de l’énergie et impliqué dans l’effort du gouvernement actuel de briser les « obstacles » à l’expansion minière, a participé à l’ouverture du marché brésilien à la Bourse de Toronto (TSX), l’une des principales bourses mondiales pour les sociétés minières. Le président pour l’Amérique du Sud de la TSX, Guillaume Légaré, considère le Brésil comme « le pays du présent » pour l’exploitation minière, avec un « potentiel minier » énorme.

Le président de l’ABPM a également participé à l’événement, ainsi que des dirigeants de sociétés minières et l’ambassadeur du Brésil au Canada, Petro Borio. En 2020, l’Institut brésilien des mines (IBRAM), qui représente les plus grandes entreprises du secteur, a signé un protocole d’accord pour attirer les investissements canadiens. Aujourd’hui, le Brésil compte 36 sociétés cotées à la Bourse de Toronto, avec 99 propriétés minières.

L’Association minière du Canada et la Chambre de commerce Canada-Brésil entretiennent également des relations étroites avec le gouvernement brésilien.
Dans un communiqué de presse de décembre 2020, le MME indique que l’ambassadeur du Canada, Jennifer May, l’ambassadeur d’Australie, Timothy Kane, et le consul britannique à Belo Horizonte, Lucas Brown, « reconnaissant les efforts adoptés par le gouvernement brésilien pour assurer une plus grande sécurité juridique et réglementaire dans le secteur » ont souligné l’intérêt de leurs pays à renforcer leur partenariat avec le Brésil et à promouvoir une plus grande participation de leurs entreprises dans le secteur minéral national ».

Pas moins de 150 représentants de sociétés minières brésiliennes, canadiennes, australiennes et britanniques ont assisté à la série de séminaires organisés par le gouvernement Bolsonaro.

Lors de l’APDC 2020, M. Vidigal a rencontré le directeur général du Centre de recherche minière du gouvernement canadien, Magdi Habib, et a discuté des priorités de chaque pays pour le secteur minéral, « en mettant l’accent sur l’exploitation minière sur les terres autochtones ».

Selon la note, 95 % de l’exploitation minière canadienne se fait sur des terres autochtones et cela constituerait « une référence d’expérience réussie », a déclaré M. Vidigal. Des catastrophes telles que l’effondrement du barrage du Mont Polley en 2014, qui a touché les populations autochtones, démentent cette affirmation.
Selon le MME, il y a eu un échange d’expériences concernant les questions de compensation et de consultation des communautés autochtones pour mener des activités minières dans ces zones. Alexandre Vidigal a également rencontré le président de l’Association minière du Canada, Pierre Gratton.

Les sociétés minières expriment leur soutien aux politiques de Bolsonaro
Une vidéoconférence tenue en juillet 2020 par Alexandre Vidigal, figure la plus fréquente de ces réunions – et qui a récemment quitté son poste au MME – est assez expressive pour souligner le soutien massif des entreprises minières aux politiques de Jair Bolsonaro, du MME, de l’ANM et d’autres institutions.
Y assistaient l’ambassadeur du Royaume-Uni de l’époque, Vijay Rangarajan – remplacé ensuite par Peter Wilson – et des dirigeants de grands acteurs du secteur tels que Anglo American, Horizonte Minerals, Appian Capital, Arcelor Mittal et Verde Agritech.
« Les entreprises participantes ont exprimé le soutien du secteur privé à la politique minière menée par le gouvernement fédéral. Ils ont souligné le maintien de leurs activités au milieu de la pandémie comme expression de leur confiance dans la contribution de l’exploitation minière à la croissance économique durable des pays », indique le communiqué.
C’est précisément après une série d’articles que j’ai publiés au début de la pandémie, en 2020, concernant la pression des compagnies minières et de l’IBRAM, confirmée par l’Institut à l’Observatoire, que le gouvernement fédéral a publié une ordonnance faisant de l’exploitation minière une activité essentielle au Brésil.
Cela a été essentiel pour garantir un bénéfice de 36 % supérieur en 2020 par rapport à 2019. L’année dernière, les plus grandes sociétés minières opérant au Brésil ont réalisé un bénéfice de 209 milliards de réaux. Et le volume d’argent encaissé, porté par un nouveau boom des matières premières, continue d’augmenter en 2021.
Ce profit a été obtenu au détriment de la vie des travailleurs, soumis à des rythmes de travail non-stop dans les mines, comme je l’ai rapporté ici. La pandémie a déjà tué près de 600000 Brésiliens. Ces histoires et cette situation dramatique pour les employés des compagnies minières ont conduit à une dénonciation qui a été acceptée par la Commission interaméricaine des droits humains.
La réunion virtuelle, organisée par le consulat du Royaume-Uni à Belo Horizonte et la chambre de commerce Brésil-Royaume-Uni (Bricham), Minas Gerais, avait précisément pour thème les « perspectives du secteur minier dans la période post-COVID ».