Canada : armer la dictature en Algérie

Canada : le commerce des armes avec l’Algérie

 

Fabien Deglise, extraits d’un texte paru Le Devoir, 23 octobre 2019

L’organisme Oxfam-Québec se dit « particulièrement troublé » par l’envoi par le Canada, depuis le début de l’année, d’armes et de munitions à l’Algérie, pour un montant de 12 millions de dollars. Le pays du Maghreb est actuellement au coeur d’une profonde crise sociale et politique, et le régime en place a durci dans les dernières semaines la répression contre l’opposition politique, les journalistes tout comme les citoyens.

Ces ventes ont été effectuées dans les mois précédant l’entrée en vigueur au Canada du Traité international sur le commerce des armes, qui, depuis septembre, force Ottawa à évaluer le risque d’utilisation par les pays importateurs de matériel militaire canadien contre les populations civiles.

Le fédéral a d’ailleurs suspendu la semaine dernière les « nouvelles licences d’exportation » d’armes vers la Turquie, et ce, dans la foulée des frappes orchestrées par Ankara dans le nord de la Syrie, frappes qui ont tué plusieurs dizaines de civils kurdes.

« Nous nous serions attendus à un peu plus de prudence de la part du gouvernement fédéral dans ces ventes d’armes au régime répressif et autocratique algérien qui ne respecte pas les droits fondamentaux, a résumé en entrevue au Devoir Anne Duhamel, directrice des politiques chez Oxfam-Québec.

Le commerce plutôt que les droits

En juin 2019, le Canada a vendu pour 3,3 millions dollars d’armes et de munitions à l’Algérie, puis pour 8,6 millions le mois suivant, soit un total de 11,9 millions, indiquent les dernières données sur le commerce international de Statistique Canada.

Dans cette catégorie de produits exportés, qui ne comprend pas les véhicules, la technologie militaire, la réexportation d’armes fabriquées par un pays tiers ou la formation, les ventes canadiennes à l’Algérie se chiffraient à zéro dollar en 2018 et à 3800 $ à peine en 2017, selon la base de données fédérale.

À l’approche des élections présidentielles du 12 décembre prochain, les arrestations de membres de l’opposition politique, de la société civile, de journalistes et de simples citoyens se sont multipliées.

À titre d’exemple, en septembre dernier, les militaires ont jeté en prison Karim Tabbou, porte-parole de l’Union démocrate et sociale (UDS), figure importante du mouvement de contestation, pour « atteinte au moral de l’armée » et « incitation à la violence ». Il a été symboliquement placé dans l’aile de la prison d’Alger réservée habituellement aux condamnés à mort. Dans son dernier rapport, Human Rights Watch condamne pour une nouvelle année de suite les restrictions à la liberté d’expression et aux libertés d’association et de réunion en Algérie, tout comme les arrestations arbitraires de blogueurs et de militants des droits de la personne.

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