Yves Engler, extraits d’un texte paru dans Canadian Dimension, 31 mars 2021
À quoi les Canadiens progressistes devraient-ils s’attendre du NPD en matière de défense? Une réponse facile : il devrait être critique par rapport aux dépassements de coûts au sein de l’armée, ou encore, face à la participation de l’armée à des opérations de combat douteuses à la demande de notre voisin du sud. Pourtant, en examinant ce que le porte-parole du NPD sur la défense dit, on pourrait penser que tel n’est pas le cas.
Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes constituent le plus grand «ministère» du gouvernement fédéral au pays. Bien qu’il s’agisse d’entités techniquement distinctes en vertu de la Loi sur la défense nationale, les deux entités représentent ensemble de loin le plus gros budget, personnel, machine de relations publiques et capacités de collecte de renseignements de toutes les branches de l’État canadien. Avec environ 24 000 employés, le MDN dépense à lui seul 30 milliards de dollars par année, soit 15 fois le budget d’Environnement et Changement climatique Canada.
Partout au pays, le MDN gère le « plus grand portefeuille d’infrastructures du gouvernement fédéral » avec ses nombreuses bases et stations couvrant plus de deux millions d’hectares. Ensemble, le MDN et les FAC sont également les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre du gouvernement fédéral.
Offensivement orientée, l’armée canadienne a d’innombrables liens avec l’appareil de défense des États-Unis. Le Canada a des centaines d’accords de coopération avec l’armée américaine et les forces armées canadiennes sont déployées dans plus de 20 missions internationales avec leurs homologues américains.
L’actuel porte-parole du NPD en matière de défense nationale, Randall Garrison, conteste peu le MDN (à l’exception notable du sexisme au sein de l’armée). En fait, Garrison est partisan depuis longtemps de l’augmentation des dépenses de défense. Il est resté silencieux sur le programme des navires de combat canadiens, le plus important marché militaire de l’histoire du Canada.
Garrison a gardé le silence sur les navires de la marine canadienne prenant le contrôle des forces navales permanentes de l’OTAN dans les mers Baltique, du Nord et de Norvège. Il n’a également rien dit au sujet des navires canadiens participant à des manœuvres provocantes en mer de Chine méridionale où des navires canadiens sont engagés dans des patrouilles multinationales avec leurs homologues saoudiens. Le porte-parole du NPD en matière de défense n’a pas non plus mentionné les rotations de pilotes canadiens en Roumanie ou le petit détachement de troupes sur une base américaine en Arabie saoudite. De plus, Garrison a ouvertement appuyé les importants déploiements «d’entraînement» du Canada en Irak, en Ukraine et en Lettonie.
Le député d’Esquimalt — Saanich — Sooke a également été silencieux au sujet des attachés de défense canadiens (des diplomates qui entretiennent et font progresser les relations du Canada avec les alliés sur le matériel de défense international) qui font la promotion des exportations d’armes dans plus d’une douzaine de pays. De plus, Garrison s’est montrée peu préoccupée par la nature coûteuse, écologiquement dommageable et violente du projet d’achat d’avions de combat du Canada.
Par rapport au projet des navires de guerre, le directeur parlementaire du budget a estimé le mois dernier que le coût d’acquisition pourrait atteindre 77 milliards de dollars, trois fois l’estimation initiale. Dans un article récent du Hill Times, l’ancien sous-ministre adjoint du matériel au MDN, Alan Williams, a laissé entendre que le coût du cycle de vie complet de ces navires s’élèverait à 286 milliards de dollars. Cela couvrirait les frais de scolarité de chaque étudiant universitaire au pays pendant 15 ans ou garantirait une eau potable salubre dans chaque réserve des Premières nations 100 fois plus. Malgré cela, les coûts exorbitants du projet n’ont pas incité Garrison à s’exprimer à la Chambre des communes. Son silence suggère qu’il est en faveur de consacrer un quart de billion de dollars au renforcement de la capacité de la marine à s’engager dans des opérations au pays et à l’étranger.