Canada : l’implication des minières au Pérou

Owen Schalk, extraits d’un texte paru dans Canadian Dimension, 2 juin 2021
Le deuxième tour des élections générales au Pérou aura lieu le 6 juin. Le candidat populiste de gauche, Keiko Fujimori et Pedro Castillo. affronte la néolibérale de choc Keiko Fujimori. Royaume des investissements miniers et allié des États-Unis dans la région, le Pérou pourrait basculer. Les grandes entreprises multinationales, en particulier les minières canadiennes s’inquiètent.
À l’heure actuelle, le Canada est le troisième investisseur en importance dans le secteur minier péruvien, après la Suisse et la Chine. Il représente 16 % des investissements étrangers directs dans l’industrie et, en 2012, il y avait 96 projets miniers enregistrés au Pérou, exploités principalement par Barrick Gold, Teck, Pan American Silver, Iberian Minerals, Fortuna et Málaga.
Des conflits sociaux ont fréquemment éclaté autour des sociétés minières au Pérou en raison de leur mépris souvent flagrant et sans vergogne pour l’environnement et la population locaux. Les exemples sont trop nombreux pour être énumérés ici, mais un important est la résistance au projet minier de Manhattan Minerals, basé à Toronto, dans la ville de Tambogrande.
Manhattan Minerals a acheté les droits miniers de la région en 1996 et a rapidement découvert de grandes quantités de cuivre et d’or. La proposition de l’entreprise pour l’extraction de ces minéraux était insensible à l’extrême. Pour démarrer sa mine à ciel ouvert, l’entreprise prévoyait de déplacer 8 000 à 25 000 habitants et de détourner le cours de la principale rivière de la région, la Piura. De plus, l’entreprise n’a pas tenu compte des dépôts souterrains de sulfite de fer qui auraient probablement contaminé l’approvisionnement en eau de la ville et dévasté son secteur agricole. La population a formé un « Front de défense pour Tambogrande » afin de stopper le projet. Ils ont organisé un vote local et ont découvert que 98,65 pour cent de la ville s’opposaient à la mine. L’État péruvien a d’abord rejeté la légitimité du Front de défense, mais a finalement convenu que le projet serait inutilement préjudiciable à la région locale et a arrêté la construction. Manhattan Minerals a tenté de lutter contre cette décision par toutes les procédures légales disponibles, mais n’a pas réussi à accéder aux minéraux de la région.
Un autre exemple illustratif est celui de la mine Cañariaco de Cadente Copper, basée à Vancouver. En 2013, l’entreprise a fait face à de nombreuses protestations contre le projet à Lambayeque. Les habitants ont affirmé que le producteur d’or et d’argent leur manquait de respect et ignorait leurs droits coutumiers, comme lorsque 95 % de la communauté a voté contre le projet minier, mais Candente Copper a rejeté leur décision et a quand même avancé. Cela a conduit la communauté à bloquer les routes, et finalement la société a reporté, mais n’a pas suspendu définitivement, son projet dans la région.
Ces protestations réussies représentent cependant une minorité de cas. La plupart des villes sont incapables d’arrêter les opérations des sociétés minières étrangères. Par exemple, une autre mine appelée Antamina, qui est exploitée conjointement par des sociétés suisses, japonaises et canadiennes, s’est avérée avoir pollué l’approvisionnement en eau de la communauté d’Ango Rajo en 2009. De plus, les déversements de déchets toxiques de la mine ont affligé de nombreux enfants locaux avec l’empoisonnement du sang et des conditions de travail inadéquates ont causé des empoisonnements à l’arsenic et aux métaux chez les travailleurs locaux. L’État péruvien a fini par sanctionner les exploitants de la mine pour leurs manquements aux pratiques humaines en matière d’environnement et de travail.
L’avenir des sociétés minières canadiennes au Pérou
Bien que le premier ministre Justin Trudeau utilise constamment la rhétorique des droits de la personne pour maintenir son image respectable, il y a eu une continuité presque totale entre son administration et celle de son prédécesseur, Stephen Harper, en ce qui concerne le soutien du gouvernement canadien aux entreprises qui dévastent si souvent le tissu écologique et social des communautés dont ils extraient les minéraux.
Comme Harper, Trudeau n’a pas conditionné le financement de l’industrie minière par Exportation et développement Canada aux droits de la personne, et son Service des délégués commerciaux fournit à ces entreprises un soutien diplomatique dans le monde entier. La seule différence significative est la création par Trudeau de l’ombudsman canadien pour l’entreprise responsable (CORE), un organisme de surveillance qui a été officiellement formé pour surveiller le comportement des entreprises canadiennes et faire des suggestions au gouvernement lorsque des abus survenaient. Cependant, il n’a jamais obtenu le pouvoir d’exiger des documents des entreprises et ses recommandations ont été systématiquement ignorées.
L’échec de Trudeau à affronter les déprédations de l’industrie minière canadienne n’est pas différent de celui de Harper, et en offrant un soutien diplomatique à des initiatives telles que le Groupe de Lima qui ont travaillé pour éliminer les gouvernements de gauche en Amérique latine, il a mis son gouvernement au service des multinationales affaires.
S’il est élu, Castillo sera un défi pour l’industrie minière canadienn. C’est un populiste de gauche qui promet de demander des comptes aux sociétés minières étrangères, et un intégrationniste régional dans le moule bolivarien. Compte tenu de l’attitude agressive du Canada envers ceux qui sont associés au socialisme latino-américain et compte tenu de l’énorme importance des minéraux péruviens pour les sociétés minières canadiennes, il est probable que Castillo devra relever des défis de taille de la part de l’industrie minière et du gouvernement Trudeau s’il remporte la présidence en juin.