C’est une erreur de croire que Trump n’a pas de stratégie de politique étrangère

 

Michael T. Klare Twitter, The Nation, 23 juillet 2018

Experts et politiciens tiennent pour acquis que le président Trump manque d’une politique étrangère cohérente. Ils croient qu’il agit uniquement par dépit, caprice et opportunisme politique – s’en prenant aux alliés américains comme Angela Merkel et Theresa May pour embrasser des dirigeants autoritaires comme Vladimir Poutine et Kim Jong-un de Corée du Nord.  « Personne ne sait quand Trump fait de la diplomatie internationale et quand il fait campagne dans le Montana », a commenté le ministre danois de la défense Claus Hjort Frederiksen. Or, bien que cette réaction soit typique, c’est une erreur de supposer que Trump n’a pas un plan.  En fait, l’examen de ses discours et de ses actions depuis son entrée dans le bureau ovale – y compris son apparition avec Poutine – reflète son adhésion à un concept stratégique fondamental : l’intention d’établir un ordre mondial tripolaire.

Le point de vue de la Chine et de la Russie

Le projet conjoint russo-chinois visant à ébranler le système mondial unipolaire a été lancé lorsque le président chinois Jiang Zemin s’est entretenu avec le président russe lors d’une visite d’Etat à Moscou en avril 1997. Restaurer des relations étroites avec la Russie et front commun contre la domination mondiale des États-Unis aurait été le but du voyage de Jiang. Cette perspective a été réinscrite dans une « Déclaration commune pour un monde multipolaire et l’établissement d’un nouvel ordre international », signée le 23 avril 1997.

Au cœur se trouve la condamnation de l’hégémonie mondiale – la volonté d’une seule nation de dominer les affaires du monde – ainsi qu’un appel à l’établissement d’un ordre international « multipolaire ». Tant la Chine que la Russie veulent inclure dans cette perspective le respect inconditionnel de la souveraineté d’État et la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autres États (mot de code pour dire que les violations de droits de l’homme ne devraient pas faire partie de la diplomatie internationale). L’objectif d’une telle stratégie était, et continue d’être, de détruire un ordre mondial dominé par les États-Unis et ses alliés européens de l’OTAN. Au cours de ces années, Vladimir Poutine n’a cessé d’appeler à la dissolution de l’OTAN et à son remplacement par un système de sécurité à l’échelle qui inclurait, bien sûr, son pays.

La vision de Trump

On ne peut pas savoir si Donald Trump était été au courant de cette perspective sino-russe, mais il ne fait plus de doute qu’il la partage actuellement.  Lors de sa campagne électorale en 2016, Trump dénonçait la Chine pour ses pratiques commerciales et se plaignait de l’accumulation d’armes nucléaires de la Russie, mais il n’a jamais décrit ces pays comme des ennemis mortels. Ils étaient des rivaux ou des concurrents avec lesquels il pouvait communiquer et, lorsque cela était avantageux, coopérer. Pour Trump, la priorité était le réarmement des États-Unis et de protéger les frontières de l’Amérique. Comme il l’a dit aux journalistes du New York Times, en mars 2016, « nous ne pouvons pas être le policier du monde ». En ce qui concerne la Chine, Trump a misé sur l’influence de Beijing dans le dossier nord-coréen.

Lors de sa rencontre avec Poutine à Helsinki il y a quelques semaines, Trump a confirmé son intention de travailler avec la Russie : « Si nous voulons résoudre de nombreux problèmes auxquels notre monde est confronté, nous devrons trouver des moyens de coopérer dans la poursuite d’intérêts communs ». Il a proposé que les responsables des conseils de sécurité nationale des deux pays se réunissent pour discuter de ces questions – une proposition extraordinaire étant donné la méfiance historique entre Washington et Moscou. Pour Trump, les États-Unis sont devenus trop faibles et dispersés pour continuer dans la vie du passé, c’est-à-dire de surveiller le monde entier, tout en accordant aux alliés européens des avantages économiques et commerciaux. L’OTAN, par ailleurs, est obsolète, inutile. Il faut, pense-t-il, se retirer de certains engagements et se concentrer sur le « rétablissement des capacités d’autodéfense du pays grâce à une accumulation massive de ses forces de combat ». Trump envisage un monde de conflits militaires et économiques constants entre trois centres de pouvoir régionaux, générant des crises de toutes sortes, mais pas de guerres. Il suppose que les dirigeants de ces trois centres coopéreront sur des questions qui les concernent tous, comme le terrorisme, et négocieront, au besoin, pour éviter que des escarmouches mineures n’éclatent en grandes batailles.

 

 

 

 

 

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