Cuba : malgré la crise économique, la pandémie est vaincue

« Un pays exemplaire dans la lutte contre le COVID 19. Néanmoins, en raison de cette pandémie et du blocus, il est confronté aujourd’hui à une profonde crise économique », explique Franco Cavalli, président de mediCuba Europe. Cavalli a pu visiter ce pays caribéen lors de la première quinzaine de novembre.

Les statistiques reflètent au 8 décembre une réalité sanitaire exceptionnelle. Durant ces dix derniers mois, l’île dénombrait 8.900 infections et seulement 136 décès pour une population d’environ 12 millions de personnes. Cela représente un impact de 1.20 morts pour 100’000 habitants, alors que l’un de ses voisins, la République dominicaine, dépasse 22.08 décès. Au cours de la même période, la Suisse atteint le chiffre de 65.70, la France, 84.14 et la Belgique 153.12 victimes pour 100.000 habitants.

Santé communautaire

Le système public de santé, totalement gratuit, et les normes de médecine communautaire en vigueur à Cuba « ont réussi à contrôler la pandémie qui aurait pu faire des ravages, comme cela s’est produit dans la majorité des pays latino-américains et caraïbes », estime l’ancien président de l’Union internationale contre le cancer (UICC).

Durant son séjour à Cuba, l’oncologue suisse a obtenu toutes les informations sur les diverses étapes franchies par les chercheuses-eurs pour mettre au point un vaccin. Soberana 1 est en phase 2 des essais cliniques. Les responsables espèrent pouvoir commencer la phase 3 vers la fin de cette année. Ils pensent le processus sera achevé fin mars et prévoient de débuter la vaccination vers le milieu de l’année 2021. Il existe un second projet Soberana 2, également en cours de développement.

« Le pays a investi depuis de nombreuses années dans la recherche biomédicale. Ils ont une expérience énorme dans le domaine des vaccins », explique l’ex-président de l’UICC. L’une des caractéristiques des structures spécialisées à Cuba est d’avoir développé dans un même espace la recherche et la production industrielle. Les exportations en matière de biotechnologie représentent une source importante de revenus pour le pays.

Le médecin suisse se souvient d’une phrase entendue à La Havane : « Nous ne serons pas les premiers à avoir un vaccin, mais nous aspirons à être le premier pays ayant vacciné toute sa population ». Un défi qui, au vu des grands efforts déployés dans la recherche, pourrait devenir une réalité à moyen terme.

Il se peut que le vaccin cubain, complète Cavalli, parvienne à franchir les frontières. Selon des discussions avec plusieurs responsables de l’OMS/OPS à La Havane, l’espoir existe « qu’il pourrait également être distribué, à un prix accessible, dans des pays à faibles ressources. Adapté à des températures élevées, sans exiger des chaînes frigorifiques sophistiquées. Ce pourrait être une réelle alternative aux produits des grands laboratoires pharmacologiques ».

L’économie

Les conséquences de la pandémie sur l’économie cubaine ne peuvent être sous-estimées et elles ont des effets dramatiques. « Si l’on y ajoute l’impact du durcissement du blocus, par exemple avec la récente décision du président Donald Trump d’empêcher l’envoi de ‘remesas’ [ndr : contributions envoyées par les Cubains résidant aux USA à leurs familles restées à Cuba], le panorama est doublement préoccupant », insiste Cavalli. Dans la vie quotidienne, on perçoit, complète-t-il, des éléments similaires à la conjoncture vécue par la nation caraïbe durant la « période spéciale », au début des années 1990. La différence est peut-être, « que maintenant la pénurie de combustible est moindre qu’à cette époque ».

La chute du tourisme, l’un des secteurs essentiels de l’économie – vu qu’il représente 10 % du produit intérieur brut (PIB) – a exercé un impact significatif durant ces dix derniers mois d’autoconfinement de l’île. « Aujourd’hui, cette activité a repris, mais avec beaucoup de précautions », explique Franco Cavalli. L’aéroport international de La Havane vient d’être réouvert aux vols de ligne et quelques régions touristiques, comme Varadero, reprennent leurs activités.

Cette situation complexe ne peut laisser indifférente la solidarité internationale, affirme le président de mediCuba Europe. Ce réseau a réussi à récolter 600’000 euros durant les premiers mois de la pandémie, garantissant ainsi le financement de certains dispositifs nécessaires à la préparation des tests, tels que 25 appareils de ventilation pulmonaire.

Récemment, l’Institut Finlay a présenté un projet – dont le coût est d’un demi-million d’euros – visant à acheter des instruments qu’il ne lui est pas possible d’obtenir sur le marché en raison du blocus étatsunien. Il s’agit d’équipements permettant de mesurer, après la vaccination, l’évolution des globules blancs produisant les anticorps qui combattent directement le virus, conclut Cavalli.