Nina Morin
Un vent de protestation soulève les primaires démocrates, alors que plus de 350 000 personnes ont voté « uncommitted », à travers les États où l’option existe. Cette manifestation illustre le mécontentement contre Joe Biden qui prend de l’ampleur au sein des mouvements sociaux, à l’approche des élections présidentielles de novembre.
Le risque de Joe Biden
Le mouvement pour le vote « uncommitted », c’est-à-dire voter sans choisir de candidats, a été initié par les communautés arabes du Michigan exaspérées par le soutien de Biden à Israël. Plus de 100 000 électeurs.trices du Michigan ont voté « uncommitted » lors de la primaire démocrate du 27 février 2024, ce qui représente plus de 13% de tous les votes récoltés. Le Michigan est un « swing state », où que la population arabe compte pour 5% des votant.es, dans lequel Biden n’avait devancé Trump que de 2,7%. Sans ces votes, la défaite paraît alors certaine pour Joe Biden.
Cependant, le président américain ne semble pas être prêt à remettre en question son soutien à Israël : il persiste à appliquer son veto contre le cessez-le-feu au Conseil de Sécurité des Nations Unies et n’hésite pas à tempérer la tentative de Kamala Harris d’en parler.
Pour Donald Cuccioletta, ancien professeur à la State University of New York, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand, et auteur récurrent sur le site « Presse-toi à gauche » : « Les États-Unis s’enterreraient avec Israël ».
Il estime que Joe Biden ne mettrait jamais un terme à son soutien à Israël, même si de l’autre côté Netanyahou pourrait tout de même préférer un retour au poste de Donald Trump. « Il ne faut pas oublier que c’est Trump qui a déplacé l’ambassade américaine à Jérusalem. Benyamin Netanyahou est très à droite, il pratique une politique d’extrémisme religieux. Il est amoureux de Donald Trump », ajoute Donald Cuccioletta.
Même l’organisation des démocrates socialistes (DSA) a décidé de rejoindre l’initiative du vote « uncommitted » du mouvement arabe. L’organisation exprime sur X (ancien Twitter):
« Aujourd’hui, le DSA soutient [le vote] “uncommitted” lors des primaires présidentielles démocrates restantes. Jusqu’à ce que cette administration mette fin à son soutien au génocide israélien à Gaza et obtienne un cessez-le-feu permanent et durable, Joe Biden portera la responsabilité d’une autre présidence Trump ».
À cause du système bipartisan, les démocrates socialistes se présentent comme des démocrates, bien qu’ils ne seraient pas du tout du même parti, dans un autre système.
L’erreur des démocrates
D’après Donald Cuccioletta, Joe Biden n’aurait jamais dû se présenter, il court à la défaite du parti démocrate. « Biden est trop clivant, trop vieux et trop à droite ; le gouvernement de la Californie, Gavin Newson, aurait été plus capable de rallier les électeurs, notamment les jeunes. Lui, il aurait permis de reléguer le parti républicain dans l’oubli ». Et insiste sur l’importance des jeunes :
« Beaucoup de jeunes sont très déçu.es et hésitent à voter à nouveau pour Biden. Ils auraient aimé un candidat plus radical. Les démocrates devraient se concentrer sur cette frange de l’électorat, ce sont les jeunes qui sont dans la rue ».
Les loyers, l’épicerie sont trop chers et les jeunes subissent la pression de rembourser leur dette étudiante, souvent colossale. En 2020, Joe Biden avait essayé de les rallier à sa candidature en reprenant l’idée de Bernie Sanders d’effacer totalement la dette étudiante. Il avait alors promis d’en annuler au moins une partie, mais il n’a pas tenu cette promesse.
La situation est similaire pour les syndiqué.es, qui décrient la position trop libérale du président. Pourtant, Biden avait rejoint les lignes de piquetage lors de la grève dans l’automobile en 2023, mais encore une fois, sa relation avec Netanyahou, ralentit l’engagement des syndicats à le soutenir.
« Quand Biden se présente comme un homme de gauche, ce n’est qu’un leurre » Donald Cuccioletta.
Le problème de la démocratie américaine
Le système bipartisan américain n’a jamais autant posé un problème, entre un candidat très âgé et empêtré dans son soutien pour Israël, puis un autre en proie à de sérieux problèmes avec la justice et qui terrifie les politiques étrangères par sa remise en question des principes démocratiques.
« Une démocratie où il n’y a que deux partis, ce n’est pas une vraie démocratie. Les États-Unis ne sont qu’une démocratie pour les riches, où Wall Street fait sa loi, et se moque des mouvements sociaux », dit Donald Cuccioletta.
Pour lui, l’éducation populaire et l’action au sein des communautés locales sont les seules solutions pour améliorer les conditions de vie de la population dans un tel système. Les changements se feront progressivement, et il faut compter sur les jeunes et les femmes, qui prennent de plus en plus de place dans le paysage politique. La question primordiale est celle du type de démocratie pour l’avenir des États-Unis.
Pour en savoir plus:
Balado avec Donald Cuccioletta