Appeler les femmes « le sexe faible » est une diffamation, c’est l’injustice de l’homme envers la femme. Si la non-violence est la loi de l’humanité, l’avenir appartient aux femmes. Mohandas Gandhi, 1969.

La représentante de l’ONU en Haïti ONU, Ulrika Richardsondans, un centre de santé. @site de l’ONU

Dans la crise haïtienne actuelle, les femmes sont les premières victimes. Selon la Suédoise Ulrika Richardson, coordinatrice résidente du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), une femme sur trois, âgée de 15 à 49 ans, est victime de violences physiques en Haïti. Par ailleurs, l’UNICEF dénombre près de 300 cas d’enlèvement de femmes et d’enfants de janvier à juin 2023.

En dehors des séquelles psychologiques, de nombreuses femmes ont contracté le virus du sida et d’autres infections sexuellement transmissibles. D’autres tombent enceintes et se retrouvent dans l’obligation d’élever un enfant non désiré dont le père reste inconnu.

Aujourd’hui, les bandes armées ont recours à la violence sexuelle pour terroriser la population et affirmer leur contrôle. Mais dans l’histoire, les femmes haïtiennes ont été les premières victimes du pouvoir et des crises qui ont secoué l’Île qui s’est affranchie la première de la tutelle coloniale dès 1804.

La résistance anticoloniale, aux origines du féminisme haïtien

Si l’on doit s’efforcer pour mettre une date officielle au mouvement féministe en Haïti, il faudrait remonter à l’époque coloniale. Les femmes esclaves utilisaient l’avortement et l’empoisonnement des colons pour dire non au système colonialiste.

L’usage de la violence sexuelle était déjà fait par les marines des États-Unis lors de l’occupation de l’armée américaine de 1915. C’est d’ailleurs à cette époque que le mouvement féministe haïtien a pris son essor, alors que les femmes protestaient contre les violences sexuelles que les marines exerçaient sur elles.

Plus récemment, les tontons macoutes et les paramilitaires durant le mandat de Prosper Avril au tournant des années 90 ont utilisé ces sévices contre les femmes dans le même but d’intimidation et de répression.

La conquête de la reconnaissance

En 1934, le mouvement féministe s’est restructuré lorsque plusieurs femmes issues de la bourgeoisie se sont mises ensemble pour créer la Ligue féminine d’action sociale (LFAS).

Haïti: comité de la Ligue féministe d’action sociale (LFAS)
De gauche à droite, 1ère rangée: Olga Gordon, Alice Garoute, Madeleine Sylvain Bouchereau, Mme St. Cyr, Amélie Laroche.
2ème rangée: Fernande Bellegarde, Léonie Madiou, Fernande Watson, Mme Georges Price, Marie Hakim.
@ Domaine public – via wikicommons et le site. disponible aussi sur le site des Avocats sans frontières du Canada.

Les objectifs de cette ligue visaient l’amélioration physique, économique et socioculturelle des femmes, ainsi que la reconnaissance de ses droits civiques et politiques. La LFAS a mené un combat jusqu’à ce que les femmes haïtiennes aient le droit de se porter candidates aux élections municipales et législatives. C’est en 1957 qu’elles ont finalement été autorisées à participer dans les prises de décision engageant la nation, à travers les urnes.

Après la chute du régime duvaliériste, plusieurs organisations ont vu le jour comme le Mouvement féminin haïtien (MFH), Kay Fanm, Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA) et Fanm d’Ayiti. C’est grâce à toutes ces femmes que les Haïtiennes aujourd’hui peuvent accéder à toutes des fonctions du gouvernement, qui peuvent aller à l’université, qui peuvent s’impliquer pour faire connaître leurs prises de décisions et revendications.

La condition des femmes haïtiennes aujourd’hui

En Haïti, 40 % des femmes vivent seules et sont cheffes de famille.. Les femmes font face à des responsabilités quotidiennes qu’elles peinent à prendre en charge à cause de la crise économique et de la dégradation des conditions de vie. Les droits des femmes en Haïti sont en danger et la situation inflige une dégradation déconcertante et alarmante qui doit à tout prix être stoppée.

Mona Jean, avocate et travailleuse sociale, alerte les mouvements féministes du Nord : « s’engager dans la défense des droits des femmes en Haïti devient très risqué et de plus en plus difficile. Réfléchir et agir contre cela est d’une extrême urgence dans le cadre d’un dialogue sincère et solidaire entre féministes du Nord et du Sud. »

La responsable de l’UNESCO en Haïti, Tatiana Villegras Zamora @ Linkedin

Enfin, comme le mentionne aussi la représentante d’Haïti à l’UNESCO, Tatiana Villegras Zamora, les femmes doivent impacter la vie sociale et politique en Haïti. Les organisations féministes doivent abandonner la posture attentiste, organiser des marches contre les violences multiformes que subissent les femmes haïtiennes.