En plein conflit social en France, alors que les mobilisations se multiplient, le gouvernement Macron a décidé d’envoyer 2 500 policiers pour évacuer les 250 habitants-es de Notre-Dame-des-Landes, sur le site de l’aéroport dont le projet fut abandonné récemment. Les Zadistes, de l’acronyme ZAD, pour Zone à défendre, s’étaient installés pour protester contre le projet d’aéroport que les différents gouvernements français ont poursuivi depuis des décennies. Nous reproduisons ci-dessous un appel publié dans Médiapart et signé par cent individus qui s’objectent à une telle intervention.
L’opération policière et militaire d’évacuation d’une partie des habitant·e·s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes devrait débuter dans les prochaines heures. En plein mouvement social, cette intervention ne nous surprend pas. Nous sommes convaincu·e·s que ces luttes – pour défendre la ZAD, la SNCF, des universités réellement ouvertes ou des politiques authentiquement humaines d’hospitalité et d’accueil des migrant·e·s – sont liées les unes aux autres, et qu’elles participent à un même mouvement.
L’opération policière et militaire d’évacuation d’une partie des habitant·e·s de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes apparaît comme de plus en plus probable, et devrait débuter dans les prochaines heures. La première victoire historique de la lutte contre l’aéroport, dont le gouvernement a été contraint de prononcer l’abandon le 17 janvier dernier, a ouvert une nouvelle phase dans la lutte autour de l’enjeu de l’avenir de la ZAD. Depuis, Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Gérard Collomb semblent déterminés à clore l’histoire de ce territoire en lutte. Pour cela, le gouvernement a d’abord joué (et continuer de jouer) la division, en tentant de faire passer l’idée que certain·e·s occupant·e·s n’auraient aucune légitimité à rester sur un territoire qu’ils et elles ont pourtant directement contribué à protéger du béton et des avions.
Depuis 2013, le mouvement dans son ensemble affirme sa volonté de gérer collectivement les terres de la ZAD, ce que lui refuse aujourd’hui le gouvernement, qui menace désormais de l’expulser, avec un empressement que rien ne justifie. Face à ce risque d’expulsions, nous réaffirmons notre solidarité sans faille avec l’ensemble des habitant·e·s de la ZAD, quel que soit leur statut, quelle que soit leur habitation, qu’ils et elles aient un titre de propriété ou non, etc.
Le choix du gouvernement de procéder à l’opération d’évacuation en plein mouvement social – à la SNCF, dans la fonction publique ou dans les universités (sans compter les multiples autres mobilisations en cours) – ne nous surprend pas. Une opération d’évacuation renforcera bien sûr le rejet de plus en plus fort et partagé des politiques d’Emmanuel Macron. Mais le gouvernement fait sans doute le pari qu’il parviendra à utiliser la multiplication des fronts pour diviser les mobilisations en cours.
Nous devons donc de notre côté construire des alliances toujours plus fortes et nous opposer à cette opération militaire aberrante, qui mobilise au moins 2 500 militaires et 1 500 policier·e·s pour évacuer violemment une zone où se construisent des modes de vies résilients et durables.
Nous sommes convaincu·e·s que ces luttes – pour défendre la ZAD, la SNCF, des universités réellement ouvertes ou des politiques authentiquement humaines d’hospitalité et d’accueil des migrant·e·s – sont liées les unes aux autres, et qu’elles participent à un même mouvement. Parmi les nombreuses choses que nous pouvons apprendre de la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et son monde, la diversité des stratégies, des approches et des alliances déployées sur place qui ont permis d’inscrire l’occupation dans la durée nous apparaît décisive. Plus encore, les récents exemples de solidarité concrète et active d’habitant·e·s de la ZAD avec les acteurs et actrices des luttes du territoire nantais constituent un exemple fort et concret de convergence des luttes.
Au-delà, ce qui se joue dans la geste thatchérienne d’Emmanuel Macron est largement commun, que l’on soit habitant·e· de la ZAD, cheminot·e à la SNCF, fonctionnaire menacé par les suppressions de poste, étudiant·e écrasé·e par l’abandon de l’université ou lycéen·ne abandonné·e à l’absurde brutalité de Parcoursup ou que l’on résiste à l’inhumanité meurtrière des politiques migratoires française et européenne. Ce que partagent ces luttes va bien au-delà des inventions tactiques (qu’illustre la crainte ouvertement exprimée par des président·e·s d’université de voir s’ouvrir des « ZAD universitaires »). Emmanuel Macron et son gouvernement ont engagé l’ultime étape de la destruction mécanique et systématique des services publics (et de leurs agent·e·s). Le cycle brutal de « réformes » libéralisant ces services, qui ne fait que débuter, doit évidemment ouvrir la voie à leur privatisation. Pour pouvoir mener à bien leur projet, le gouvernement cible en priorité les secteurs les plus à même de constituer de durables poches de résistance.
Autour de la Zad, grâce au travail de ses habitant·e·s et de ses riverain·e·s, nous avons su mener une lutte de près de cinquante ans contre l’aéroport et son monde – un slogan que les habitant·e·s de la ZAD ont rendu concret, par leur capacité à créer des liens avec d’autres résistances contre d’autres infrastructures, ou en transformant ces quelques hectares de bocage en un espace d’accueil, d’expérimentation et de résilience. Nous devons aujourd’hui parvenir à défendre la ZAD, de la même manière que nous devons parvenir à défendre la SNCF, l’université et l’ensemble des services publics contre Emmanuel Macron et contre son monde – de libéralisation, de marchandisation, de privatisation et de bétonisation.
Nous le ferons, concrètement, en répondant aux appels à soutien lancés par les habitant·e·s de la ZAD, aux appels à se rendre sur place ou à rejoindre les rassemblements locaux en cas d’expulsion, et en veillant à ce que nos autres mobilisations se construisent aussi au nom de la défense de ce territoire emblématique de ce que nos dirigeant·e·s ne peuvent tolérer.
100 premier·e·s signataires :
- Éric Alliez, professeur (Paris-VIII)
- Maud Assila, linguiste, SEN du Parti de Gauche
- Julien Bayou, porte-parole national EELV
- Nicole Benyounes, Fondation Copernic
- Éric Beynel, porte parole de l’Union syndicale Solidaires
- Martine Billard, secrétaire nationale à l’écologie du Parti de gauche
- Christophe Bonneuil, historien, animateur de la collection « Anthropocène »
- Frédéric Boone, chercheur
- Sylvain Bordiec, sociologue, université de Bordeaux
- Philippe Boursier, professeur de sciences économiques et sociales, SUD-Éducation
- Clara Breteau, chercheuse-doctorante
- Sylvère Cala, secrétaire exécutif National du Parti de gauche, animateur collectif Avenir Educs
- Isabelle Cambourakis, éditrice
- Amélie Canonne, militante altermondialiste
- Vincent Casanova, enseignant
- Vincent Charbonnier, philosophe, syndicaliste (SNESUP-FSU)
- Denis Chartier, géographe
- Johan Chaumette, enseignant
- Bernard Coadou, médecin
- Vanessa Codaccioni, MCF, Paris-VIII
- Le Comité Vérité et Justice pour Adama
- Geneviève Coiffard, militante du mouvement contre l’aéroport de Notre Dame des Landes et pour la défense de la ZAD
- Maxime Combes, militant altermondialiste
- Philippe Comtesse, dirigeant associatif
- Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique à l’IEP de Lyon
- Pierre Cours-Salies, professeur émérite sociologue Paris-VIII
- Thomas Coutrot, économiste
- Pierre Crétois, philosophe
- Laurence De Cock, historienne
- Christian Delarue, militant altermondialiste, membre du CADTM
- Christine Delphy, sociologue féministe
- Suzanne Doppelt, écrivaine, photographe et éditrice française
- Clémence Dubois, militante écologiste
- Arnaud François, professeur des universités
- Jean-Michel Faure, sociologue
- Jean Gadrey, économiste et militant associatif
- Isabelle Garo, philosophe
- Pascal Gassiot, activiste
- Charlotte Girard, coresponsable du programme de la France insoumise
- Jérôme Gleizes, université Paris-XIII
- Barbara Glowczewski, anthropologue
- Émilie Hache, philosophe
- Nicolas Haeringer, militant pour la justice climatique
- Nacira Guénif, sociologue, anthropologue, université Paris-VIII-Vincennes-Saint-Denis, soutien aux exilé·e·s occupant Paris-VIII
- Pierre Khalfa, économiste, Fondation Copernic
- Geoffroy de Lagasnerie, sociologue et philosophe
- Mathilde Larrère, historienne
- Laurent Lévy, essayiste
- Gildas Loirand, universitaire
- Olivier Long, universitaire et peintre
- Frédéric Lordon, chercheur CNRS
- Michael Löwy, sociologue
- Pascal Maillard, universitaire, secrétaire national SNESUP-FSU
- Gustave Massiah, membre Cedetim/Ipam
- Guillaume Mazeau, historien
- Thibaut Menoux, MCF université de Nantes
- Charlotte Meunier, enseignante
- Stella Montebello, université populaire Toulouse
- Christian de Montlibert, professeur émérite, sociologue
- Bénédicte Monville, conseillère régionale IDF
- Corinne Morel-Darleux , conseillère régionale, Parti de gauche
- Bernard Mounier, président Eau bien commun PACA
- Olivier Neveux, universitaire
- Frédéric Neyrat, philosophe
- Ugo Palheta, sociologue
- Timothy Perkins, enseignent ENSCI-les ateliers
- Roland Pfefferkorn, sociologue
- Néstor Ponce, écrivain
- Christine Poupin, porte-parole du NPA
- Annie Pourre, militante associative
- Geneviève Pruvost, sociologue
- Serge Quadruppani, écrivain
- Sandra Regol, porte-parole EELV
- Matthieu Renault, université Paris-VIII
- Kristin Ross, écrivain
- Juliette Rousseau, militante
- Arnaud Saint-Martin, citoyen concerné
- Benoît Schneckenburger, philosophe, secrétaire national du Parti de gauche
- Danielle Simonnet, conseillère de Paris
- Omar Slaouti, militant antiraciste
- Marie Toussaint, Notre Affaire à Tous
- Aurélie Trouvé, militante altermondialiste
- Rémy Toulouse, éditeur
- Enzo Traverso, historien
- Gilles Tronchet, enseignant à l’université
- La revue Vacarme
- Laure Vermeersch, cinéaste
- Sophie Wahnich, directrice de recherche CNRS,
- Maud Youlountas, cinéaste, photographe
- Yannis Youlountas, réalisateur, écrivain
- Caroline Zekri, citoyenne, maîtresse de conférences (université Paris-Est Créteil)