Ruba Ghazal
C’est la question que je me suis posée en tournant la dernière page du roman Ténèbre de Paul Kawczak, qui ne ressemble à rien de ce que j’ai lu depuis longtemps.
Le premier roman paru en 2020 de ce jeune auteur qui vit à Chicoutimi se passe à la fin du 19e siècle au Congo et relate comme un rêve ou un cauchemar une entreprise coloniale d’une atrocité sans nom. En lisant ce magnifique roman à l’écriture hypnotisante, j’avais l’impression d’entrer au cœur de la folie humaine à l’aube de la naissance de l’Occident capitaliste moderne.
Après la découpe meurtrière dans la chaire de l’Afrique, d’autres crimes seront commis en Europe au nom d’un idéal raciste et haineux. En cette journée de commémoration de l’Holocauste, impossible d’oublier la faillite morale qui a causé la mort de millions de victimes.
Après la naissance de la Déclaration universelle des droits humains, l’amnésie guette les mêmes pays qui s’étaient levés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour dire plus jamais.
Bien sûr, étant née de parents et grands-parents palestiniens, ce que vit ce peuple à Gaza me heurte et m’enrage profondément. Mais peu importe notre origine, il faut prendre conscience que les deux poids deux mesures dont souffre le peuple palestinien depuis 1948, participe selon moi de cette même entreprise de déshumanisation dont ont été victimes les peuples colonisés au 19e siècle et les Juifs d’Europe au début du 20e siècle.
Je souhaite un jour que les gouvernements canadien et québécois résistent à l’hypocrisie de la communauté internationale : pleurer les victimes d’hier en fermant les yeux de façon complice sur les victimes d’aujourd’hui. Par son action à la Cour internationale de justice, l’Afrique du Sud nous indique la voie à suivre.
En attendant, j’invite François Legault à ajouter Ténèbre à sa table de chevet. Je me demande bien ce qu’il en retiendra.
Kawczak, Paul 2020, Ténèbre. La peuplade éditeur, Montréal, 320 pages.