Michael T. Klare, Common Dreams, 7 décembre 2020 (traduction rédaction A l’Encontre
Dans le domaine militaire, on se souviendra très probablement de Donald Trump pour son insistance à mettre fin à l’implication des Etats-Unis dans ses «guerres sans din» du XXIe siècle – les campagnes militaires infructueuses, impitoyables et écrasantes entreprises par les présidents Bush et Obama en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Somalie.
Après tout, en tant que candidat, Donald Trump s’était engagé à ramener les troupes américaines de ces redoutables zones de guerre et, dans les derniers jours de son mandat, il a promis de faire au moins la plus grande partie du chemin vers cet objectif. L’obsession du président sur cette question (et l’opposition de ses propres généraux et d’autres fonctionnaires sur le sujet) a créé une bonne couverture médiatique et ses partisans isolationnistes l’apprécient. Pourtant, aussi digne d’intérêt qu’elle puisse être, cette focalisation sur les retraits tardifs des troupes de Trump masque un aspect bien plus important de son héritage militaire: la reconversion de l’armée américaine d’une force mondiale antiterroriste en une force conçue pour mener une guerre totale, cataclysmique et potentiellement nucléaire avec la Chine et/ou la Russie.
Les gens remarquent rarement que l’approche de Trump en matière de politique militaire a toujours été à double face. Tout en dénonçant à maintes reprises l’échec de ses prédécesseurs à abandonner ces guerres anti-insurrectionnelles sans fin, il a déploré leur prétendue négligence des forces armées régulières. Il a dès lors promis de dépenser tout ce qu’il fallait pour «restaurer» leurs capacités combat. «Durant une administration Trump», a-t-il déclaré dans un discours de campagne électorale de septembre 2016 sur la sécurité nationale, les priorités militaires des Etats-Unis seraient inversées, avec un retrait des «guerres sans fin dans lesquelles nous sommes pris maintenant» et la restauration de «notre force militaire incontestée».
Une fois en place, Trump a agi pour mettre en œuvre ce même programme, en donnant instruction à ses représentants – une suite de conseillers à la Sécurité nationale et de secrétaires à la Défense – de commencer à retirer les troupes étatsuniennes d’Irak et d’Afghanistan (bien qu’il ait accepté pendant un certain temps d’augmenter les effectifs en Afghanistan), tout en soumettant des budgets de défense toujours plus importants. Les dépenses annuelles du Pentagone ont augmenté chaque année entre 2016 et 2020, passant de 580 milliards de dollars au début de son administration à 713 milliards de dollars à la fin. Une grande partie de cette augmentation fut consacrée à l’acquisition d’armements avancés. Des milliards supplémentaires ont été incorporés au budget du ministère de l’Energie pour l’acquisition de nouvelles armes nucléaires et la «modernisation» à grande échelle de l’arsenal nucléaire du pays.
Cependant, le changement de stratégie qui a accompagné cette augmentation des dépenses d’armement a été bien plus important. La posture militaire dont le président Trump a héritée était celle de l’administration Obama. Elle était axée sur la guerre mondiale contre le terrorisme (Global War on Terror – GWOT), une lutte épuisante et sans fin pour identifier, suivre et détruire les fanatiques anti-occidentaux dans des régions éloignées d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient. La posture que lègue à Joe Biden est presque entièrement axée sur la défaite de la Chine et de la Russie dans de futurs conflits «haut de gamme», menés directement contre ces deux pays – un combat qui impliquerait sans aucun doute des armes conventionnelles de haute technologie à une échelle stupéfiante et pourrait facilement déclencher une guerre nucléaire.
De la GWOT à la GPC (Great Power Competition)
On ne saurait trop insister sur l’importance du passage du Pentagone d’une stratégie visant à combattre des bandes de militants relativement peu nombreuses à une stratégie visant à combattre les forces militaires de la Chine et de la Russie à la périphérie de l’Eurasie.
La première implique le déploiement de troupes d’infanterie et d’unités des forces d’opérations spéciales soutenues par des avions de patrouille et des drones armés de missiles. L’autre prévoit l’engagement de plusieurs porte-avions, d’escadrons de chasse, de bombardiers à capacité nucléaire et de divisions blindées. De même, dans les années GWOT, on supposait généralement que les troupes étatsuniennes affronteraient des adversaires largement équipés d’armes d’infanterie légères et de bombes artisanales, et non, comme dans toute guerre future avec la Chine ou la Russie, un ennemi équipé de chars, d’avions, de missiles, de navires et d’une gamme complète de munitions nucléaires.
Ce renversement de perspective de la lutte contre le terrorisme à ce qui, ces dernières années, est devenu à Washington la «Great Power Competition» (GPC), a été officiellement exprimé pour la première fois dans la Stratégie de sécurité nationale du Pentagone en février 2018. «Le défi central pour la prospérité et la sécurité des États-Unis», insiste-t-elle, «est la réémergence d’une concurrence stratégique à long terme par ce que la Stratégie de sécurité nationale qualifie de puissances révisionnistes», une formule pour désigner la Chine et la Russie. (Le document a utilisé des rares caractères italiques pour souligner l’importance de cette terminologie).
Pour le ministère de la Défense et les services de l’armée, cela ne signifiait qu’une chose: à partir de ce moment, une grande partie de leurs actions viserait à se préparer à combattre et à vaincre la Chine et/ou la Russie dans un conflit de haute intensité. Comme l’a déclaré le secrétaire à la défense Jim Mattis devant le Comité des forces armées du Sénat, en avril 2020: «La stratégie de défense nationale de 2018 fournit une orientation stratégique claire pour que l’armée des Etats-Unis puisse retrouver une ère d’objectifs stratégiques… Bien que le ministère continue à poursuivre la campagne contre les terroristes, la concurrence stratégique à long terme – et non le terrorisme – est maintenant le principal objectif de la sécurité nationale des États-Unis».
Dans ce contexte, a ajouté Jim Mattis, les forces armées étatsuniennes devront être complètement rééquipées avec de nouvelles armes destinées à des combats de haute intensité contre des adversaires bien armés. «Notre armée reste compétente, mais notre avantage compétitif s’est érodé dans tous les domaines de la guerre», a-t-il noté. «La combinaison de l’évolution rapide de la technologie [et] l’impact négatif sur l’état de préparation militaire résultant de la plus longue période de combat continu dans l’histoire de notre nation [a] créé une armée surchargée et aux ressources insuffisantes». En réponse, nous devons «accélérer les programmes de modernisation dans un effort soutenu pour consolider notre avantage compétitif».
Dans ce même témoignage, Jim Mattis a exposé les priorités d’acquisition qui ont depuis lors régi la planification alors que l’armée cherche à «solidifier» son avantage concurrentiel. Il y a d’abord la «modernisation» des capacités d’armes nucléaires du pays, y compris ses systèmes nucléaires de commandement, de contrôle et de communication; ensuite, l’expansion de la Marine par l’acquisition d’un nombre impressionnant de navires de surface et de sous-marins supplémentaires, ainsi que la modernisation de l’Armée de l’air, par l’acquisition accélérée d’avions de combat de pointe. Enfin, pour assurer la supériorité militaire du pays pour les décennies à venir, un investissement considérablement accru devra se faire dans les technologies émergentes comme l’intelligence artificielle, la robotique, l’hypersonique et la cyberguerre.
Ces priorités sont désormais intégrées dans le budget militaire et régissent la planification du Pentagone. En février dernier, lors de la présentation de son projet de budget pour l’année fiscale (FY) 2021, le ministère de la Défense a affirmé, par exemple: «Le budget FY 2021 soutient la mise en œuvre irréversible de la stratégie de défense nationale (NDS), qui oriente la prise de décision du ministère dans la redéfinition des priorités des ressources et le déplacement des investissements afin de préparer un futur combat potentiel de haut niveau». Cette vision cauchemardesque, en d’autres termes, est le futur militaire que le président Trump laissera à l’administration Biden.
La marine en tête
Dès le début, Donald Trump a mis l’accent sur l’expansion de la Marine comme objectif primordial. «Quand Ronald Reagan a quitté son poste, notre Marine comptait 592 navires… Aujourd’hui, la Marine n’a plus que 276 navires», a-t-il déploré dans son discours de campagne de 2016. L’une de ses premières priorités en tant que président, a-t-il affirmé, serait de restaurer sa force. «Nous allons construire une Marine de 350 navires de surface et sous-marins», a-t-il promis. Une fois en place, la «Marine forte de 350 navires» (qui sera plus tard portée à 355 navires) est devenue un mantra.
En mettant l’accent sur une grande flotte, Trump a été influencé dans une certaine mesure par le spectacle des grands navires de guerre modernes, en particulier les porte-avions avec leurs dizaines d’avions de combat. «Nos porte-avions sont la pièce maîtresse de la puissance militaire américaine à l’étranger», a-t-il insisté en visitant le porte-avions presque terminé, le USS Gerald R. Ford, en mars 2017. «Nous sommes ici aujourd’hui sur un terrain de quatre acres et demi de puissance de combat et de territoire souverain des États-Unis, comme il n’y en a pas… il n’y a pas de concurrence face à ce navire.»
Il n’est pas surprenant que les hauts fonctionnaires du Pentagone aient adopté la vision de la grande marine du président avec un enthousiasme non dissimulé. La raison: ils considèrent la Chine comme leur adversaire numéro un et pensent que tout conflit futur avec ce pays sera en grande partie mené depuis l’océan Pacifique et les mers voisines – ce qui est la seule façon pratique de concentrer la puissance de feu américaine contre les défenses côtières de plus en plus renforcées de la Chine.
Mark T. Esper, alors secrétaire à la Défense [antérieurement à cette fonction il était lié à la firme d’armement Raytheon] a bien exprimé cette perspective quand, en septembre 2020, il a jugé que Pékin était le «principal concurrent stratégique» du Pentagone et la région indo-pacifique son «théâtre prioritaire» dans la planification des guerres futures. Les eaux de cette région, a-t-il suggéré, représentent «l’épicentre de la concurrence des grandes puissances avec la Chine». Elles sont donc le témoin d’un comportement de plus en plus provocateur des unités aériennes et navales chinoises. Face à une telle activité déstabilisatrice, «les États-Unis doivent être prêts à contrecarrer les conflits et, si nécessaire, à combattre et à gagner en mer».
Dans ce discours, Mark T. Esper a clairement indiqué que la marine des Etats-Unis reste largement supérieure à son homologue chinoise. Néanmoins, il a affirmé: «Nous devons rester en tête; nous devons conserver notre supériorité; et nous continuerons à construire des navires modernes pour nous assurer que nous restons la meilleure marine du monde».
Bien que Trump ait licencié Esper le 9 novembre dernier – notamment pour avoir résisté aux demandes de la Maison Blanche d’accélérer le retrait des troupes américaines d’Irak et d’Afghanistan – l’accent mis par l’ancien secrétaire à la défense sur la lutte contre la Chine depuis le Pacifique et les mers adjacentes reste profondément ancré dans la pensée stratégique du Pentagone. Elle sera un héritage des années Trump. Pour soutenir une telle politique, des milliards de dollars ont déjà été engagés dans la construction de nouveaux navires de surface et de sous-marins, ce qui garantit que cet héritage perdurera pendant des années, voire des décennies.
Faites comme Patton: «Frappez fort, frappez profond»
Donald Trump a peu parlé de ce qui devrait être entrepris pour les forces terrestres américaines pendant la campagne de 2016, si ce n’est pour indiquer qu’il voulait qu’elles soient encore plus grandes et mieux équipées. Ce qu’il a fait, cependant, c’est parler de son admiration pour les généraux de l’armée de terre de la Seconde Guerre mondiale connus pour leurs tactiques de combat agressives. «J’étais un fan de Douglas MacArthur. J’étais un fan de George Patton», a-t-il déclaré à Maggie Haberman et David Sanger du New York Times en mars dernier. «Si nous avions Douglas MacArthur aujourd’hui ou si nous avions George Patton aujourd’hui et si nous avions un président qui les laissait faire leur truc, vous n’auriez pas ISIS (Daech), ok?»
Le respect de Trump pour le général Patton s’est avéré particulièrement suggestif dans une nouvelle ère de compétition entre grandes puissances, alors que les forces américaines et de l’OTAN se préparent à nouveau à affronter des armées terrestres bien équipées sur le continent européen, comme elles l’ont fait pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, c’était le corps de chars de l’Allemagne nazie que les propres chars de Patton affrontaient sur le front occidental. Aujourd’hui, les forces américaines et de l’OTAN affrontent les armées russes les mieux équipées d’Europe de l’Est le long d’une ligne qui s’étend des républiques baltes et de la Pologne, au nord, à la Roumanie, au sud. Si une guerre avec la Russie devait éclater, la plupart des combats se dérouleraient probablement le long de cette ligne, avec des unités de force principale des deux côtés engagées dans des combats frontaux de haute intensité.
Depuis la fin de la guerre froide en 1991, suite à l’implosion de l’Union soviétique, les stratèges étatsuniens n’ont guère réfléchi à un combat terrestre de haute intensité contre un adversaire bien équipé en Europe. Aujourd’hui, avec la montée des tensions Est-Ouest et le fait que les forces des Etats-Unis sont à nouveau confrontées à des ennemis potentiels bien armés dans ce qui ressemble de plus en plus à une version militaire de la guerre froide, ce problème reçoit beaucoup plus d’attention.
Cette fois, cependant, les forces étatsuniennes sont confrontées à un environnement de combat très différent. Pendant les années de la guerre froide, les stratèges occidentaux imaginaient généralement un combat de force brute dans lequel nos chars et notre artillerie se battraient contre les leurs sur des centaines de kilomètres de lignes de front jusqu’à ce que l’un ou l’autre côté soit complètement épuisé et n’ait d’autre choix que de s’engager dans une négociation pour la paix (ou de déclencher une catastrophe nucléaire mondiale).
Les stratèges d’aujourd’hui, cependant, imaginent une guerre beaucoup plus multidimensionnelle (ou «multi-domaine») s’étendant à l’air et aux zones arrière, ainsi qu’à l’espace et au cyberespace. Dans un tel environnement, ils en sont venus à croire que le vainqueur devra agir rapidement, en portant des coups paralysants à ce qu’ils appellent les capacités C3I (commandement, contrôle, communications et renseignement critiques) de l’ennemi en quelques jours, voire en quelques heures. Ce n’est qu’à ce moment-là que de puissantes unités blindées seront capables de frapper profondément en territoire ennemi et, à la manière de Patton, d’assurer une défaite russe.
L’armée des Etats-Unis a qualifié une telle stratégie de «guerre tous domaines» et suppose que les États-Unis vont effectivement dominer l’espace, le cyberespace, l’espace aérien et le spectre électromagnétique. Lors d’un futur affrontement avec les forces russes en Europe, comme le prévoit la doctrine, la puissance aérienne étatsunienne chercherait à contrôler l’espace aérien au-dessus du champ de bataille, tout en utilisant des missiles guidés pour détruire les systèmes radar russes, les batteries de missiles et leurs installations C3I. L’armée de terre mènerait des frappes similaires en utilisant une nouvelle génération de systèmes d’artillerie à longue portée et de missiles balistiques. Ce n’est que lorsque les capacités défensives de la Russie seront complètement dégradées que l’armée de terre poursuivra son attaque au sol, à la manière de Patton.
Soyez prêt à vous battre avec des armes nucléaires
Comme l’imaginent les stratèges du Pentagone, tout conflit futur avec la Chine ou la Russie est susceptible d’entraîner des combats intenses et généralisés sur terre, en mer et dans les airs, visant à détruire l’infrastructure militaire essentielle d’un ennemi dans les premières heures ou, tout au plus, les premiers jours de combat, ouvrant la voie à une invasion rapide du territoire ennemi par les États-Unis. Cela semble être une stratégie gagnante, mais seulement si vous possédez tous les avantages en matière d’armement et de technologie. Si ce n’est pas le cas, que se passe-t-il alors? C’est le dilemme auquel sont confrontés les stratèges chinois et russes dont les forces ne sont pas tout à fait à la hauteur de celles des Etats-Unis. Alors que leur propre planification de guerre reste, à ce jour, un mystère, il est difficile de ne pas imaginer que les équivalents chinois et russes du haut commandement du Pentagone réfléchissent à la possibilité d’une réponse nucléaire à tout assaut étatsunien contre leurs armées et leurs territoires.
L’examen de la littérature militaire russe disponible a conduit certains analystes occidentaux à conclure que les Russes auraient en effet de plus en plus recours à des armes nucléaires «tactiques» pour anéantir les forces américaines/OTAN supérieures avant qu’une invasion de leur pays ne puisse être montée (tout comme, au siècle précédent, les forces des Etats-Unis s’appuyaient justement sur de telles armes pour éviter une éventuelle invasion soviétique en Europe occidentale). Les analystes militaires russes ont en effet publié des articles explorant précisément une telle option – parfois décrite par l’expression «escalade à désescalade» (un terme impropre s’il en est un) – bien que les responsables militaires russes n’aient jamais discuté ouvertement de telles tactiques. Pourtant, l’administration Trump a cité cette littérature non officielle comme preuve des plans russes d’utiliser des armes nucléaires tactiques dans un futur affrontement Est-Ouest et l’a utilisée pour justifier l’acquisition de nouvelles armes américaines de ce type.
La stratégie et la doctrine russes… évaluent à tort que la menace d’une escalade nucléaire ou l’utilisation effective d’armes nucléaires en premier lieu servirait à «désamorcer» un conflit à des conditions favorables à la Russie», affirme la Nuclear Posture Review de 2018 de l’administration. «Pour corriger toute perception erronée de l’avantage russe… le président doit disposer d’un éventail d’options [nucléaires] limitées et graduées, y compris une variété de vecteurs et de force explosive équivalente.» Dans le cadre de cette politique, ce rapport préconise l’introduction de deux nouveaux types de munitions nucléaires: une ogive «à faible rendement» (qui pourrait, par exemple, pulvériser Lower Manhattan sans détruire toute la ville de New York) pour un missile balistique Trident lancé depuis un sous-marin et un nouveau missile de croisière à armement nucléaire lancé depuis la mer.
Comme pour beaucoup des développements décrits ci-dessus, cette initiative «Trump» sera difficile à inverser pendant les années Biden. Après tout, les premières ogives W76-2 à faible rendement ont déjà quitté les chaînes de montage, ont été installées sur des missiles et sont maintenant déployées sur les sous-marins Trident en mer. Ces derniers pourraient vraisemblablement être retirés du service et mis hors service, mais cela s’est rarement produit dans l’histoire militaire récente. Pour ce faire, un nouveau président devrait s’opposer à son propre haut commandement militaire. Il sera encore plus difficile de nier la logique stratégique qui sous-tend leur déploiement.
Pendant les années Trump, l’idée que les armes nucléaires pourraient être utilisées comme armes de guerre ordinaires dans les futurs conflits entre grandes puissances s’est profondément enracinée dans la pensée du Pentagone et l’effacer ne sera pas chose facile.
Au milieu des disputes sur le retrait des forces américaines d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie et de Somalie, au milieu des licenciements et des remplacements soudains de dirigeants civils au Pentagone, l’héritage le plus important de Donald Trump – celui qui pourrait conduire non pas à d’autres guerres éternelles mais à un désastre éternel – est passé presque inaperçu dans les médias et dans les cercles politiques à Washington.
Les partisans de la nouvelle administration et même les membres de l’entourage immédiat de Biden (bien qu’il ne s’agisse pas des personnes qu’il a effectivement nommées à des postes de Sécurité nationale) ont avancé des idées émouvantes sur la transformation de la politique militaire américaine, notamment la réduction du rôle de la force militaire dans les relations étrangères des États-Unis et le redéploiement de certains investissements militaires à d’autres fins, comme la lutte contre Covid-19.
De telles idées sont à saluer, mais la première priorité du président Biden dans le domaine militaire devrait être de se concentrer sur le véritable héritage militaire de Trump – celui qui nous a mis sur une voie de guerre par rapport à la Chine et à la Russie – et de faire tout ce qui est en son pouvoir pour nous orienter dans une direction plus sûre et plus prudente. Sinon, l’expression «guerre sans fin» pourrait prendre un nouveau sens, beaucoup plus sombre.
Michael T. Klare est professeur auprès du Hampshire College Amherst, Massachusetts. C’est un spécialiste reconnu à l’échelle internationale des questions militaires et des thèmes relatifs aux conflits liés à la compétition pour des ressources dites naturelles.