Jason Wilson , The Guardian, (traduit par Alencontre) 20 mars 2020
L’extrême droite américaine a accueilli la pandémie de coronavirus de la même manière que tout autre événement: par la désinformation, les conspirations et la recherche de boucs émissaires. Beaucoup semblent y voir une opportunité importante, que ce soit pour un gain financier, pour recruter de nouveaux adeptes, ou les deux.
La réponse tardive et très critiquée de l’administration Trump au coronavirus les a aidés, laissant de nombreux Etats-uniens désorientés, dépourvus d’informations et à la recherche de réponses. Une situation dans laquelle les gens achètent des provisions, dans un état de panique, est idéale pour un mouvement alimenté par la peur et le mensonge.
Les récits apocalyptiques – qu’il s’agisse de l’effondrement d’une société, d’une exaltation biblique ou d’une guerre raciale – sont le moyen principal par lequel le spectre des mouvements d’extrême droite attire des adeptes et des ressources financière. Ces récits utilisent la peur pour rapprocher les adeptes, permettant aux dirigeants de diriger les actions de ces derniers, et peut-être de les escroquer.
Pour les éléments survivalistes de l’extrême droite, le coronavirus est l’occasion de dire qu’ils nous l’avaient dit, «de gagner des cœurs et des esprits» [selon la formule de l’armée lors des opérations d’invasion] et de gagner de l’argent. S’ils ont de la chance, ils pourraient même être entendus par les grands médias.
Par exemple, le radiodiffuseur conspirationniste Alex Jones, qui prévient de l’imminence de cataclysmes depuis plus de 20 ans, a utilisé l’épidémie pour intensifier son discours agressif en faveur des produits alimentaires en vrac et autres biens de survie vendus sur son site web.
D’autres ont été aidés par les grands médias pour faire valoir qu’il s’agit de personnes raisonnables qui se sont préparées de manière raisonnable depuis le début.
James Wesley Rawles, le fondateur du mouvement séparatiste et survivaliste «American Redoubt» (le «Réduit Américain»), a été interviewé par le site web de Dow Jones – MarketWatch (Surveiller Le Marché)– sur sa façon de se préparer.
Ils l’ont interrogé sur le stockage des denrées alimentaires et la pandémie. Ils n’ont pas interrogé Rawles sur sa position en tant que parrain idéologique d’un mouvement qui encourage la «migration politique» des Chrétiens de droite dure vers l’intérieur du nord-ouest du Pacifique. En temps de crise, les personnalités d’extrême droite espèrent exactement ce genre de visibilité.
Plus loin sur l’éventail de la droite néonazie, sur les canaux du réseau Telegram où les «accélérationnistes» – qui cherchent à hâter la fin de la démocratie libérale afin de construire le pouvoir de «l’ethnie blanche» – se superposent aux «écofascistes» (qui proposent des solutions génocidaires aux problèmes écologiques), des groupes qui parlent ouvertement de la manière d’utiliser la crise pour recruter des gens à la suprématie blanche terroriste.
Un groupe a posté un texte qui suggère «des récits qui devraient être promus», notamment que «notre système actuel est inadapté aux problèmes modernes», et que «tout ce qui se passe de mal est la faute du système et de ses défaillances, et non des pandémies ou des marchés».
Ils suggèrent également de former des «groupes de soutien civil» pour combler les vides laissés par l’Etat, mais uniquement à des fins de recrutement. Ils n’ont aucun intérêt à rétablir le calme. «Plus les choses se déstabilisent, plus il est facile de les maintenir en mouvement», poursuit le message sur les réseaux, «il est temps de pousser quand les choses sont déjà au bord du gouffre».
Comme beaucoup d’extrême droite, ces groupes anticipent avec joie l’effondrement de la société, et ce qu’ils pourraient en retirer comme influence.
L’autre façon dont les différents groupes et «croyants» d’extrême droite espèrent gagner du terrain consiste à proposer des théories conspiratrices sur les causes et les origines du virus. Ils utilisent ces récits pour construire des groupes boucs émissaires comme les immigrants, les minorités ou les libéraux [les personnes de gauche].
Cependant, certains suivent toujours la voie tracée par Donald Trump au début de la crise et restent dans le déni. Sur les réseaux de Telegram, Milo Yiannopoulos, personnalité de l’Internet bien connue, a interrogé ses partisans dans un sondage qui a été la «plus grande supercherie de notre vie: pluies acides, changement climatique, abus rituels sataniques, coronavirus».
D’autres ont des théories plus élaborées pour orienter la rage de leurs adeptes.
En plus de son approvisionnement en espèces (sonnantes et trébuchantes), Alex Jones – le radiodiffuseur connu – a réussi à intégrer le coronavirus dans ses théories de conspiration. Alex Jones – un partisan inébranlable de Trump – a une solution soignée au problème de l’exploitation des possibilités commerciales offertes par le virus sans critiquer la réponse nonchalante de Trump à la pandémie. Il affirme que le Covid-19 est une arme biologique fabriquée par l’homme, produite par le gouvernement chinois pour faire tomber Trump.
Une théorie conspirationniste similaire a fait son chemin dans le cerveau de personnalités plus importantes. Elle repose sur l’idée que le magnat du logiciel Bill Gates (ex-PdG de Microsoft et à la tête de la fondation philantropique Bill&Melinda-Gates) ainsi que le financier et philanthrope George Soros ont été impliqués dans une conspiration du COVID-19 de mèche avec le parti communiste de Chine.
Dans un tweet, aujourd’hui disparu, le 27 février, la candidate républicaine californienne au Congrès, Joanne Wright, a écrit: «Le virus Corona est un virus créé par l’homme dans un laboratoire de Wuhan. Demandez à @BillGates qui l’a financé.» Dans un autre tweet disparu, elle a ajouté: «@BillGates ne finance-t-il pas la recherche au laboratoire de Wuhan où le virus Corona a été créé? @georgesoros n’est-il pas un bon ami de Gates?»
Alors que M. Trump a progressivement reconnu l’existence du virus, il a également mené la charge en désignant des immigrants et des étrangers comme boucs émissaires pour la propagation de la maladie. Il a tweeté à plusieurs reprises, au début du mois de mars, que l’épidémie américaine serait pire sans les politiques aux frontières de son administration, et l’a qualifiée de «virus étranger». Donald Trump a donc cherché à attribuer la faute à différents «ennemis», ce qui a fait confoter son programme politique et a amplifié son audience à l’extrême droite. Dans cet esprit, le président de la Liberty University et leader évangélique Jerry Falwell Jr – un des principaux soutiens de Trump – a diffusé la semaine dernière la théorie selon laquelle le coronavirus était une arme biologique nord-coréenne