Sharon Zhang, Truthout, le 8 avril 2021 (traduction rédaction A l’Encontre)
Avec le déclin de la syndicalisation et de la négociation collective aux États-Unis, les salaires ont également diminué pour le travailleur moyen [définition de l’OCDE: «ouvrier adulte employé à plein-temps dans l’industrie manufacturière et dont le salaire est égal au salaire moyen pour ce type de travailleur»] au cours des quatre dernières décennies, constate un nouveau rapport de l’Economic Policy Institute (EPI) publié jeudi.
«L’érosion de la négociation collective est un facteur important qui a freiné la croissance des salaires pour les travailleurs moyens et entraîné l’augmentation des inégalités salariales au cours des quatre dernières décennies», a écrit Lawrence Mishel de l’EPI. Pour le travailleur moyen, le déclin de la syndicalisation a entraîné une baisse des salaires de 1,56 dollar par heure travaillée, soit l’équivalent de 3250 dollars de moins par an. Il s’agit d’une baisse de 7,9% entre 1979 et 2017.
Comme les hommes étaient plus susceptibles que les femmes de faire partie d’un syndicat en 1979, la baisse des salaires a été pire pour les hommes. Le salaire médian des hommes a diminué de 2,49 dollars l’heure au cours de la même période, soit l’équivalent de 5171 dollars par année.
Depuis 1983, première année où le Bureau off Labor Statistics (BLS) a commencé à enregistrer les données sur les syndicats de manière comparable, la proportion de travailleurs syndiqués a diminué de près de la moitié. Alors qu’en 1983, le taux de syndicalisation était de 20,1%, il n’était plus que de 10,8% en 2020, selon le BLS.
La diminution du taux de syndicalisation a également provoqué une augmentation de l’écart salarial entre la classe supérieure et la classe moyenne, constate le BLS. Au cours des quatre dernières décennies la désyndicalisation est responsable d’une grande partie de l’augmentation de l’écart salarial entre les personnes se situant dans le 90e percentile des revenus et le 50e percentile. «La désyndicalisation a ce résultat parce qu’elle a déprimé les salaires des travailleurs à salaire moyen mais a eu peu d’impact sur les travailleurs à salaire élevé du 90e centile», écrit l’EPI.
L’inégalité salariale entre les personnes non blanches et les personnes blanches a également augmenté en raison du déclin de la syndicalisation, écrit Lawrence Mishel. Les personnes non blanches sont celles qui bénéficient le plus des syndicats, car elles sont plus susceptibles d’occuper des emplois faiblement rémunérés.
Le déclin à long terme de la syndicalisation aux États-Unis est le résultat de lois comme la loi Taft-Hartley de 1947, qui a promulgué des restrictions sur les activités syndicales [1], dont beaucoup existent encore. Une affaire judiciaire de 2018, Janus v. AFSCME Council 31, a également affaibli les syndicats en déclarant inconstitutionnel le fait que les syndicats exigent des participations de tous les salarié·e·s pour les dépenses entraînées par une négociation collective. Le déclin de la syndicalisation n’est pas dû à un manque d’intérêt des travailleurs – comme le souligne EPI dans un autre rapport – car une plus grande proportion de travailleurs non syndiqués disent qu’ils voteraient pour un syndicat comparée aux travailleurs non syndiqués d’il y a 40 ans.
Au contraire, le déclin des syndicats dans le pays peut être attribué en grande partie à la forte opposition des entreprises à la syndicalisation. Comme cela a été démontré d’innombrables fois au cours des dernières années, et en particulier publiquement par Amazon récemment [2], les entreprises ont été habilitées par des lois du travail affaiblies à faire tout ce qu’elles peuvent, y compris licencier illégalement des travailleurs et dépenser des millions de dollars pour arrêter les efforts de syndicalisation.
Bien que ces entreprises puissent être sanctionnées par le National Labor Relations Board (NLRB) pour avoir violé le droit du travail, les sanctions n’équivalent souvent qu’à une tape sur les doigts pour les grandes multinationales.
Selon l’EPI, outre le déclin des syndicats aux États-Unis, «le seul facteur plus responsable de la faible croissance des salaires pour le travailleur type est le chômage excessif perpétré par les politiques de taux d’intérêt élevés des banques centrales et l’austérité budgétaire.»
Le déclin de la syndicalisation et l’érosion de la négociation collective sont particulièrement prononcés aux États-Unis. En revanche, dans des pays européens comme la Suède, le Danemark et la Finlande, le taux de syndicalisation tourne autour de 65%; en Islande, 92% des travailleurs étaient syndiqués en 2018. Et dans les pays où le taux de syndicalisation est plus faible comme la France, où seulement 10% des travailleurs étaient syndiqués en 2018, près de 100% étaient couverts par des conventions collectives, écrit Pacific Standard.
Une solution à la baisse du taux de syndicalisation pourrait être la Loi sur la protection du droit d’organisation, ou loi PRO [Protecting the Right to Organize Act: PRO Act], qui a été adoptée à la Chambre des représentants le mois dernier. La loi PRO facilite la syndicalisation des travailleurs en donnant, entre autres, au NLRB plus de pouvoir pour sanctionner les entreprises qui enfreignent le droit du travail. Elle contient également une disposition permettant d’annuler les lois dites «droit au travail» [«right-to-work»] qui affaiblissent financièrement les syndicats.
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[1] Entre autres : les débrayages spontanés sont illégaux. Un préavis de grève de 60 jours est imposé quand l’objectif est une nouvelle convention collective. Aucun préavis n’est exigé lorsqu’un accord arrive à terme. Le gouvernement fédéral dispose du droit d’interdire ou arrêter une grève qui met en danger la sécurité nationale. (Réd.)
[2] Selon les dernières indications sur le vote pour le droit à la syndicalisation dans le dépôt d’Amazon (5800 salarié·e·s) situé à Bessemer, en Alabama, le résultat semble indiquer une victoire de l’offensive déterminée du patronat. Nous y reviendrons, nous avions traité de cette bataille en cours sur ce site en date du 17 février 2021. (Réd.)
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