Etats-Unis : l’éventail du racisme anti-Noir

Alexis Goldstein, Truthout, 2 juin 2020 (traduction A l’Encontre)

Les appels de Trump à la violence contre les manifestants reflètent le racisme anti-Noir des politiques économiques que lui et le GOP (parti républicain) poursuivent sans relâche depuis 2016, y compris les récentes tentatives de détruire des emplois dans le secteur public et de discriminer dans l’allocation actuelle de prêts qui sont presque impossibles à obtenir.

Un Noir américain sur cinq travaille dans le secteur public, où il gagne plus et est moins confronté aux disparités salariales que dans le secteur privé. Le service postal des États-Unis (USPS) est un employeur du secteur public qui a longtemps été un centre d’organisation des travailleurs noirs et, par conséquent, est une cible de la privatisation. En 2006, George W. Bush a signé une loi qui oblige l’USPS à préfinancer ses pensions 75 ans à l’avance. Trump a tenté d’aller encore plus loin, en menaçant, dès mars 2020, de mettre son veto à la loi CARES [une loi destinée à lutter contre les retombées économiques de la pandémie de Covid-19], si elle contenait une quelconque aide pour l’USPS, même si le service postal était menacé de faillite. Malgré cette menace, la loi CARES contient un prêt de 10 milliards de dollars pour le service postal, prêt qui doit être administré par le département du Trésor qui aurait l’intention de l’utiliser comme levier pour forcer des changements.

La détermination de l’administration Trump à laisser la poste faire faillite est une attaque contre les travailleurs noirs. Comme l’a écrit Thomas Kennedy, les travailleurs noirs exclus de nombreux emplois en raison du racisme systémique ont «traditionnellement trouvé un emploi stable et bien rémunéré grâce à la poste». Une étude réalisée en 2000 par le Government Accountability Office [organisme d’audit du Congrès chargé du contrôle des comptes publics du budget fédéral] a révélé qu’en 1999, 21% des employé·e·s de l’USPS étaient noirs, contre 11% pour l’ensemble de la main-d’œuvre civile du pays. En 2011, environ 25% des travailleurs/travailleuses de l’USPS étaient noirs. Les travailleurs noirs représentaient également 14,3% de la direction générale de la poste. Comme de nombreux salarié·e·s de première ligne, les employés de l’USPS ont été et sont particulièrement exposés à la pandémie. Selon le National Postal Mail Handlers Union (Syndicat national des postiers), 1100 travailleurs postaux ont été testés positifs au coronavirus et 54 en sont morts.

Pendant la Grande Récession (2008-2009), les pertes d’emplois dans le secteur public ont frappé plus durement les travailleurs noirs, car ils ont perdu leur emploi deux fois plus vite que les travailleurs blancs. Lorsque le leader de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell [sénateur du Kentucky depuis 1985], suggère que les États bleus [démocrates] devraient simplement faire faillite pendant la pandémie, il exprime sa détermination à décimer l’emploi des Noirs. Les budgets des États et des collectivités locales étant confrontés à des déficits massifs, tout cela assure que la perte de travail dans le secteur public – que les Noirs américains ont connue lors et après la dernière récession – se reproduira lors de celle qui commence.

L’administration Trump s’est également employée à créer de nouvelles barrières à l’obtention de logement pour les habitants noirs et bruns. Le Community Reinvestment Act [CRA: Loi de financement communautaire devant uniformiser les relations bancaires avec les collectivités, indépendamment des différences statistiques de solvabilité] a été promulguée en 1977 en réponse à la discrimination financière raciste, cela pour s’assurer que les banques ne fassent pas preuve de discrimination dans leurs prêts. De nombreuses banques se sont heurtées à la CRA lors de la dernière crise financière, y compris OneWest Bank [très présente dans le sud de la Californie].

C’est pourquoi des associations de défense ont crié au scandale lorsque Trump a choisi l’ancien dirigeant de OneWest, Joseph Otting, pour diriger l’Office of the Comptroller of the Currency, l’organisme étatique chargé de réguler et de surveiller les banques nationales. Otting a supervisé une refonte radicale du CRA, permettant aux banques de réduire leurs prêts aux communautés à faibles revenus. Cette mesure a été largement condamnée par les associations de défense des droits civils. Après avoir fait adopter ces changements – qui ne manqueront pas de creuser davantage le fossé racial en matière de richesse et d’exacerber les problèmes relatifs aux rapports entre banques et Noirs – Otting a démissionné, en pleine pandémie, disant au personnel de l’institution qu’il prévoyait de jouer beaucoup plus au golf et au tennis. L’héritage durable de Joseph Otting se concrétisera dans la plus grande probabilité de discrimination lors des prêts hypothécaires et bancaires. Avec un peu de chance, cet héritage ne durera néanmoins pas trop longtemps. En effet, la National Community Reinvestment Coalition [qui mobilise contre les discriminations dans les prêts pour le logement, entre autres] a déjà annoncé qu’elle intenterait des poursuites pour bloquer cette nouvelle règle.

Comme la plupart des diverses discriminations, celle en matière de logement peut être difficile à mettre en relief, car les propriétaires ont diverses excuses pour justifier leur refus, depuis la cote de solvabilité jusqu’au manque de références. Comme l’a écrit Ta-Nehisi Coates, «la discrimination en matière de logement est difficile à détecter, à prouver et à poursuivre». Sous l’égide de Trump, le ministère du Logement et du développement urbain (HUD) s’est efforcé de rendre la détection et les poursuites encore plus difficiles. Suite à la dernière crise financière, le ministère de la Justice a poursuivi Wells Fargo pour avoir accordé de manière disproportionnée aux emprunteurs noirs et latinos des prêts à risque et aux Blancs des prêts à taux préférentiels, même lorsque leur solvabilité et leurs revenus étaient les mêmes. Wells Fargo, dans cette affaire, n’a pas explicitement déclaré qu’elle avait l’intention d’exercer une discrimination, mais les résultats de ses prêts étaient discriminatoires parce qu’il y avait un «modèle ou une pratique de discrimination».

L’administration Obama a formalisé cette norme juridique avec sa règle 2013 sur l’impact différencié (2013 Disparate Impact rule), qui précise qu’il y a violation de la loi sur le logement équitable lorsque les pratiques conduisent à la discrimination, même s’il n’y a pas d’intention explicite et prouvable de discriminer. Or, le HUD ne s’est pas contenté de vider cette règle de sa substance, l’agence est allée encore plus loin, affirmant que les prêteurs ne sont pas responsables s’ils utilisent un algorithme d’un tierse personne qui entraîne une discrimination, permettant ainsi aux prêteurs d’éviter d’être blâmés. L’application de toutes les discriminations, sauf les plus flagrantes, serait pratiquement impossible en vertu de la règle proposée par le HUD – et c’est bien là le problème.

Trump est à la hauteur de la pratique de son père qui refusait régulièrement de loger les Noirs. Mais il reprend également le même système de ciblage politique discriminatoire que celui utilisé par les politiciens suprémacistes blancs comme Bull Connor [1897-1973, représentant de l’Alabama; une figure de la lutte et de la répression contre les partisans des droits civiques] et Walter E. Headley [chef de la police de Miami]. Trump a évoqué les méthodes utilisées par Connor qui envoyait des chiens policiers attaquer les manifestants pour les droits civiques dans les années 1960. Trump l’a fait lorsqu’il a menacé, le 30 mai 2020, que si les manifestants devant la Maison Blanche franchissaient la clôture, ils seraient «accueillis par les chiens les plus vicieux et les armes les plus menaçantes».

Connor était le commissaire à la sécurité publique de Birmingham, en Alabama, qui a pointé des lances à incendie et lâché des chiens sur les manifestants pour les droits civils en 1963. La veille du 30 mai, Trump avait qualifié les manifestants de Minneapolis de «THUGS» [de voyous] et cité la déclaration de Headley selon laquelle «quand les pillages commencent, les coups de feu commencent». Il l’a fait dans un tweet qui a ensuite été censuré par Twitter pour «glorifier la violence». Headley a été le chef de la police de Miami de 1948 à 1968, supervisant deux décennies de violences anti-Noirs à Miami, y compris l’utilisation d’armes à feu, de chiens ainsi que de contrôles et fouilles. Et comme beaucoup d’élus aujourd’hui, Headley a rejeté les revendications des manifestant·e·s, les qualifiant de «voyous qui ont profité de la campagne pour les droits civiques».

Trump continue de célébrer la brutalité de sa réponse aux soulèvements qui ont suivi le meurtre de George Floyd par la police – en retweetant les appels à «utiliser une force écrasante». Ses élus politiques et ses adjoints utilisent une force similaire pour perpétuer la violence par des politiques anti-Noirs.