Deuxième mandat de Trump ou retour aux affaires des démocrates avec Joe Biden ? C’est ce qui se joue dans le scrutin présidentiel américain qui aura lieu le 3 novembre prochain. L’enjeu est de taille puisque le résultat définira la direction politique de la première puissance impérialiste mondiale. Les différentes franges de la bourgeoisie américaine, représentées par le parti démocrate et le parti républicain, sont actuellement lancées dans une bataille politique particulièrement tendue. Car si Biden reste favori, les récentes annonces de Trump font peser l’ombre d’un coup d’État institutionnel sur l’élection américaine.
Gabriel Ichenwiyen, Révolution permanente, 28 septembre 2020
Récemment, Trump en a annoncé la couleur : tous les coups seront permis pour se maintenir à la maison blanche. Ces dernières semaines, le 45ème président des États-Unis a multiplié les déclarations visant à remettre en question la légitimité du processus électoral. Il s’attaque notamment à la décision de 23 États américains de mettre en place le vote à distance face à la situation de crise sanitaire qui continue de toucher très durement le centre du capitalisme mondiale. Trump s’oppose aux bulletins de vote qui seront envoyés par la poste par près de 80 millions de votants en arguant du fait que cette modalité de vote serait propice à la fraude et à l’ingérence étrangère russe et chinoise.
De cette manière, Trump indique qu’il est prêt à remettre en cause le résultat de l’élection et à passer en force pour briguer un deuxième mandat, en usant des mécanismes les plus anti-démocratiques autorisés par les institutions du régime bourgeois américain. Dans une de ses dernières annonces il a laissé entendre qu’il pourrait refuser d’opérer la passation de pouvoir dans le cas où il serait perdant face à Joe Biden : « Débarrassons-nous de ces bulletins et ce sera très pacifique, il n’y aura pas de passation vraiment, ce sera une continuation ». Trump avait d’ailleurs initié une casse importante du service postal américain, à travers la nomination de l’homme d’affaire et collecteur de fond pour le parti républicain Louis Dejoy. Ce dernier a mené des réformes afin diminuant largement les moyens alloués au bon fonctionnement du service public des postes américaines diminuant ainsi la capacité du réseau postal à assurer correctement le système de votes par correspondance.
De fait, ces prises de position incarnent un pouvoir présidentiel largement fragilisé par le mouvement historique contre le racisme et les violences policières, que Trump n’est pas parvenu à anéantir malgré sa politique de « Loi et Ordre ». De fait, alors que la seconde vague épidémique se confirme et que la récession économique s’abat sur les classes populaires qui constituent en partie la base électorale du Parti Républicain, le candidat à la réélection n’a plus d’autre perspectives que d’accentuer les traits autoritaires de sa politique.
Derrière ces annonces, le candidat républicain sortant prépare explicitement le terrain pour une contestation légale du résultat de l’élection et donc un possible passage en force institutionnel. Il a récemment nommé la très réactionnaire Amy Coney Barrett, représentante de la droite religieuse, comme juge de la Cour Suprême. La désignation de cette dernière au poste de juge de la plus haute instance juridique des États-Unis est un choix stratégique puisqu’il reviendra à la Cour Suprême de trancher en cas de contestation des résultats électoraux. Trump l’a d’ailleurs assumé très clairement : « Je pense que [l’élection] va se terminer à la Cour suprême … Et je pense qu’il est très important que nous ayons les neuf juges ». Il a également menacé de militariser les bureaux de votes
Cette offensive de la part de Trump trahit en réalité une réaction à sa position toujours plus délicate dans la course à la présidence. Donné perdant depuis le lancement de la campagne, cette tendance est entérinée par les derniers sondages nationaux : au 27 septembre, Biden dispose d’une avance de près de 7 points face à Trump avec 49,8 % pour le candidat démocrate contre 43,1% pour Trump, selon l’agrégateur de sondage [Real Clear Politics àhttps://www.realclearpolitics.com/epolls/2020/president/us/general_election_trump_vs_biden-6247.html].
De plus, le New York Times a très récemment mis en lumière le fait que Trump n’avait pratiquement payé aucun impôt sur les 10 dernières années. Le milliardaire a payé seulement 750 dollars d’impôts fédéraux en 2016, année de son élection à la maison blanche. Trump a largement profité d’un système fiscal monté sur mesure pour les besoins de profits des capitalistes américains. Notamment d’une réforme menée par Barack Obama dans le cadre de la crise de 2008, qui permet au grands groupes capitalistes de se faire rembourser par l’État en cas de pertes financières importantes. Trump a ainsi pu se faire rembourser plusieurs dizaines de millions de dollars en déclarant des pertes de ces entreprises, payées par les contribuables américains. Une polémique qui n’est pas sans conséquence dans un contexte de crise économique sans précédent, plongeant dans la précarité et le chômage plusieurs millions de personnes aux Etats-Unis.
Biden : la fausse alternative
Du côté du favori Joe Biden, les récents mouvements politiques de Trump n’ont pas l’air d’inquiéter outre mesure. La réaction de l’ancien vice-président d’Obama a été d’une incroyable légèreté face aux menaces de coup d’État institutionnel ( ?) : « Dans quel pays sommes-nous ?… Je suis amusé. Regardez, il dit les choses des plus irrationnelles. Je ne sais pas quoi dire. »
Cette faible réaction montre encore une fois que Biden ne représente en aucun cas une alternative à Trump pour la classe ouvrière américaine et les opprimés des États-Unis. En effet il avait déjà prouvé qu’il était un ennemi des classes populaires en nommant Kamala Harris comme colistière, membre de l’establishment démocrate et fervent défenseuse de l’institution policière et carcérale, alors que les Etats-Unis connaissaient le plus important mouvement contre le racisme et les violences policières de son histoire.